Deux pick-ups se sont arrêtés en silence dans une rue de sable au centre de Kidal, et des hommes en armes en descendent pour prendre leur tour de garde, tandis que le ciel se parsème lentement d’étoiles.
Chargés de contrôler le rond-point et ses alentours, ils ne sont pas soldats de l’armée malienne, mais combattants de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), une alliance à dominante touarègue qui a combattu l’Etat malien avant de signer un accord de paix.
A ce carrefour débute la chaîne qui, dans une ville stratégique du nord du Mali, fait d’ex-rebelles les maîtres d’un système non-étatique; ils y maintiennent la sécurité, administrent les prisons et délivrent les grâces, comme l’a constaté un correspondant de l’AFP lors d’un rare déplacement à Kidal.
Kidal occupe une place spéciale dans la géographie et les consciences sahéliennes. Ancien poste militaire français du début du XXème siècle, cette mosaïque à angles droits de rues et de bâtiments plats posée sur la poussière du désert est une étape cruciale entre le Mali à l’Algérie, à plus de 1.500 km et de 24 heures de route de la capitale Bamako, à des centaines de km des autres grandes villes du nord, Gao et Tombouctou.
Kidal est l’un des théâtres de la confrontation politique et, à plusieurs reprises, armée, entre les groupes touarègues et l’Etat central.
La région de Kidal est l’une des premières à tomber aux mains des rebelles, les uns indépendantistes, les autres salafistes, quand éclate en 2012 l’insurrection dont les prolongements vont plonger le Mali dans la tourmente qu’il connaît aujourd’hui encore. Elle tombe ensuite sous la seule coupe des salafistes et est reprise par les séparatistes en 2013 dans le sillage de l’intervention française au Mali. Kidal est sous leur contrôle depuis lors.
Les rebelles y infligent une déroute à l’armée malienne quand celle-ci tente d’en reprendre la maîtrise en 2014.
Point de tension
Ils ont depuis signé un accord de paix avec le gouvernement central. Mais l’insoumission de Kidal, enjeu majeur de souveraineté, reste un motif d’irritation à Bamako, y compris pour la junte désormais au pouvoir, qui voudrait faire entendre que Kidal aussi, c’est le Mali.
Kidal est un abcès de fixation des tensions entre Bamako et Paris. Pour certains, tel Choguel Kokalla Maïga, chef du gouvernement jusqu’en juillet, la France y a créé une enclave d’où le terrorisme s’est propagé au reste du pays en permettant aux seuls indépendantistes de la reprendre en 2013 et en empêchant l’armée malienne d’y entrer.
Un gouverneur représentant l’Etat est certes présent. Mais pas de police ni de justice nationales. A Kidal, “les groupes armés jouent un rôle plus important dans l’administration” que l’Etat, disait un groupe d’experts de l’ONU en août.
Source : AFP