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8 JUIN 1992 : Discours d’investiture du Président Alpha Oumar Konaré

Elu démocratiquement, le premier président de la III ème République Alpha Oumar Konaré avait prononcé le 8 juin 1992 un discours mémorable sur la reconstruction du Mali et de l’homme malien, tout en réaffirmant l’option de l’unité malienne prônée depuis la Première République.

Aujourd’hui, grâce à Dieu, au sacrifice de nos martyrs, aux bénédictions de nos anciens dont celles d’un vieux maître d’école et d’une ménagère, le peuple souverain du Mali m’a investi de la lourde mais exaltante mission de conduire les destinées de notre pays.

Je suis prêt à assumer ce redoutable honneur. En ces instants où s’ouvre pour notre peuple une page d’espoir dans son histoire glorieuse, je voudrais saluer et remercier les peuples frères et amis qui nous ont apporté leur aide et leur solidarité et qui ont permis que ce jour se lève.

Je voudrais m’acquitter de l’agréable devoir de remercier leurs Excellences les chefs d’Etat, les ministres, les envoyés spéciaux, les personnalités étrangères qui nous font l’insigne honneur de venir en ce jour nous témoigner de leur fraternité, de leur estime et de leur solidarité. Le peuple malien saura se souvenir.

Ce jour est pour nous une étape dans la longue lutte que, depuis plus d’un siècle, notre peuple mène pour une plus grande maîtrise de son propre devenir, pour plus de bonheur et de prospérité, pour échapper à la sombre spirale de la misère, du désespoir, de l’exclusion, de la fatalité.

Ce jour s’est construit en échos des journées sanglantes des mois de janvier et mars 1991, des grandes journées de meetings et de marches qui les ont précédées, où le Mouvement démocratique uni déroulait son humaine revendication dans les rues de nos villes.

Il s’est construit en échos du combat de l’ombre que beaucoup ont mené pendant 23 ans durant
lesquels certains sont morts.

Ce jour est le fruit de douleurs transfigurées. Cela nous crée une obligation de mémoire, mais également une ardente obligation de changement pour que s’améliore la vie du plus grand nombre.

Pour ma part, président élu d’un peuple qui a souffert, qui est depuis plusieurs décennies dans l’attente
d’un mieux être, je veux être celui qui apporte l’espérance, pas un marchand d’illusions, mais celui
avec qui commence à croire que les choses peuvent changer, que les actes vont enfin suivre les paroles.

Je ne suis pas un père de la nation. Hommage aux pères de notre nation qui ont contribué à l’éveil de
la conscience politique, et qui nous ont conduits à l’indépendance.

Je ne suis qu’un fils parmi les fils, appelé à jouer aujourd’hui un rôle d’aîné sans être le plus âgé.

J’ai besoin de l’aide de tous, pères, mères, frères et sœurs, fils et filles, puisque rien ne pourra réduire
tous ces liens sociaux qui devront fonctionner à côté des responsabilités nouvelles.

Je sais notre peuple capable de grandes choses, pour autant qu’il vive réconcilié avec le tissu de valeur qui a sa trace dans l’histoire.

Ce sont le travail et la solidarité, une certaine créativité sociale qui nous permettaient de produire des
équilibres actifs entre les perspectives individuelles et les destinées collectives.

Ce sont la dignité, le sens des engagements passés et de la responsabilité.

Je veux être l’opérateur de cette réconciliation.

Elle a besoin pour ce faire, et je m’y emploierai résolument, que se renforcent les institutions démocratiques qui garantiront la participation de tous à l’élaboration de la loi, qu’un Etat de droit assure.

Que cette loi vienne à s’appliquer à tous, et que se forme une active politique d’intégration sociale
et nationale.

Une de nos priorités sera d’assurer la paix sociale et de garantir la stabilité.

Il est indispensable que l’autorité de l’Etat soit affirmée, contrôlée et acceptée par tous.

Nous veillerons à ce que les lois soient connues de tous et que nul ne soit au-dessus des lois.

Je veillerai scrupuleusement au respect de la Constitution, à la séparation des pouvoirs, à la liberté
indispensable des moyens de communication.

Les moyens de cette réconciliation seront aussi la relance de notre économie rendue possible par la
libération et l’appui aux initiatives économiques individuelles et collectives.

La justice et la solidarité qui se doivent dans la répartition des richesses produites, la lutte contre
la corruption et le gaspillage, la décentralisation des pouvoirs qui formera les cadres vivants de la
participation du plus nombre aux affaires de la cité, enfin le souci constant et la réalisation effective
de l’intégration africaine.

La disponibilité exprimée dès 1960 par notre peuple de céder tout ou partie de souveraineté en faveur
de l’Unité africaine est irréversible.

Ce sont là les termes du contrat que j’ai passé avec le peuple malien pour 5 ans, un contrat d’efforts partagés dans la rigueur et la transparence, je le voudrais un contrat qui définit les collaborations nécessaires, les synergies souhaitables, les fertilisations réciproques indispensables au développement harmonieux de notre pays.

Pour l’heure, l’unité de la nation se décide dans l’application heureuse et résolue des dispositions du Pacte national signé le 11 avril.

Le Pacte ne peut pas consacrer la victoire d’un groupe sur un autre.

Il offre une chance d’approfondissement du processus démocratique.

Mes compatriotes des régions du Nord du Mali peuvent croire en mon engagement pour que perdurent et la paix et l’unité. Les moyens en seront le développement, la solidarité et la justice.

L’unité de la nation se décide aussi dans la réconciliation achevée du peuple malien et de son armée.
Beaucoup a été fait dans ce sens et beaucoup reste à faire. Aucune démocratie ne saurait être avec une
armée inquiète, culpabilisée. Je voudrais assurer les officiers, sous-officiers, caporaux et soldats de toute notre sollicitude. Ensemble nous renforcerons les vertus républicaines de notre Armée. La réconciliation se décide enfin dans une justice indépendante et équitable.

La chose jugée y gagnera en crédibilité. La justice a besoin aussi de s’exercer dans un climat de sérénité.

Dans les jours à venir, je nommerai un Premier ministre. Ensemble nous procéderons à la formation d’un gouvernement composé d’hommes et de femmes de formations politiques différentes,
mais tous décidés à apporter des changements pour l’amélioration des conditions de vie des populations.

Cette démarche nous paraît indispensable aujourd’hui pour créer les conditions d’une véritable
éducation à la démocratie qui seule garantira la pérennité de notre expérience.

Le Premier ministre aura la tâche de négocier avec les organisations syndicales et scolaires, les
organisations professionnelles, tous les autres partenaires sociaux, tous les acteurs du développement de ce pays, les contrats spécifiques d’excellence, de solidarité et de développement qui découlent de
celui que les urnes ont noué.

La concertation sera le maître mot de notre politique. Je ne doute pas que tous les démocrates qui se
sont battus pour l’avènement d’une ère nouvelle qui verrait l’amélioration des conditions de vie des populations comprendront que le plus

grave danger qui pourrait menacer le processus démocratique serait d’exiger de l’Etat ce qu’on sait qu’il n’a pas.

Le gouvernement de la République n’a pas le droit de tricher avec notre peuple en s’engageant sur la voie des promesses faciles qu’il ne pourra pas tenir.

Il devra cependant jouer les règles de la rigueur, de la bonne gestion, de la transparence, de la
solidarité.

Nul n’ignore l’héritage catastrophique de l’ancien régime. Nul n’ignore avec quel courage le Comité de transition pour le salut du peuple dirigé par Amadou Toumani Touré et le gouvernement dirigé par
Soumana Sako se sont attelés à la tâche de redonner vie et santé à notre pays. Qu’ils en soient pour
toujours remerciés.

Que soit remercié particulièrement le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré pour qui l’honneur
de notre pays et l’honneur de parole d’officier ont servi de credo politique et de guide d’action, tout
au long des quatorze mois pendant lesquels beaucoup de difficultés ont surgi. Beaucoup de difficultés que son courage militant, son patriotisme ont réussi à affronter et à vaincre.

Vous engagez ainsi les conditions d’une transition d’alternance, condition sine qua non de toute
démocratie. Cette leçon que vous donnez à tous et cette autre leçon donnée le 4 juin dernier dans cette
même salle du Palais de la culture nous guideront. Je souhaite pour moi-même qu’au bout du parcours,
le militant et le croyant n’ait jamais vacillé.

Je vous souhaite une très longue vie et beaucoup de satisfactions à toute votre équipe et à vous-même. Je suis convaincu qu’ensemble nous renforcerons toujours les bases d’un Mali démocratique.
Je suis convaincu que demain vous serez un des meilleurs médiateurs pour le pays et un des grands messagers de la nation.

Excellences, mes- dames, mesdemoiselles, messieurs, J’ai convié hier les Maliennes et les Maliens de l’intérieur et de l’extérieur, plus que jamais solidaires, à construire un avenir d’espérance.
J’en appelle aux hommes et auxnfemmes de notre pays de notre pays, aux vieux et aux jeunes.

Oui, aux jeunes pour toujours défendre les idéaux de mars 1991, et parmi les idéaux l’acceptation de
l’effort, le travail, le respect de l’autre, le respect de l’aîné et des parents.

J’en appelle à toutes les forces du changement à plus d’union, et à ne se tromper ni de combat, ni d’adversaire.

J’en appelle à Almamy Sylla, Amadou Ali Niangado, Baba Akhib Haïdara, Demba Diallo, Idrissa
Traoré, Mamadou Batrou Diaby, Mountaga Tall, Tiéoulé Mamadou Konaté et à tous les autres responsables politiques, dignes représentants de notre peuple, pour qu’ensemble nous élevions le Mali.

Ce temps d’apprentissage à la démocratie doit être le temps de tolérance.

Notre pays est aujourd’hui secoué de convulsions, ceci est normal pour un grand malade, mais ceci est encore signe de vie.

Le Mali est une grande pirogue. Aucun de ses occupants ne devrait souhaiter qu’elle chavire. “Le Mali
peut tanguer, mais le Mali ne chavirera pas”, dit le légendaire dicton.

De grandes difficultés nous assaillent aujourd’hui. Des épreuves plus grandes pourront
surgir.
Je suis persuadé que nous avons les moyens de les transcender. C’est un immense honneur pour nous que d’être appelés à les affronter. Nous y ferons face avec tout notre peuple mobilisé de façon sereine et déterminée.

Personne ne le fera le Mali à la place des Maliens.

L’avenir, mes chers compatriotes, est aujourd’hui relancé de plus belle pour le Mali, pour le Mali et l’Afrique. Je l’espère, j’y œuvrerai.

Vive la République !
Vive le Mali démocratique
dans une Afrique unie !’’

Le 26 Mars

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