Les positions tranchées, sinon figées, rendent difficiles les tractations à Alger à la faveur du troisième round des négociations.
Au regard du bilan du dernier round – 19 au 23 octobre dernier à Alger – des pourparlers inter-maliens, la reprise jeudi dernier de ce dialogue inclusif est loin d’être aisée. Le document intitulé « Eléments pour un accord pour la paix et la réconciliation au Mali » proposé par les médiateurs s’est vu sanctionné par deux positions : celle du gouvernement malien qui a présenté un mémorandum contenant ses observations sur ce texte et des propositions et celle des groupes armés qui avaient alors décidé d’en référer à leurs bases.
Dans l’intervalle des deux rencontres, celle d’octobre et celle qui se tient présentement, le Mali a connu une campagne de sensibilisation sur ce texte et des réunions nombreuses et diverses par ceux qui soutiennent ce texte et ceux qui n’en veulent pas, sans que l’on sache d’ailleurs dans quelle proportion le rapport de force est en faveur de l’une ou l’autre des deux parties. Le round en cours permettra peut-être de voir plus clair.
Avant même la fin des travaux de la session d’octobre dernier, de grandes divergences étaient apparues dans l’appréciation du contenu du document portant éléments pour un accord de paix présenté par la médiation constituée d’organismes internationaux et du chef de file algérien dans cette démarche. Comme convenu, la pause observée entre les deux rencontres a permis de présenter très largement aux acteurs politiques maliens le contenu du texte d’Alger.
« Le Mali se dirigerait tout droit dans le mur au cas où les principaux acteurs signeraient le document proposé par la médiation » : ce sont là les propos du Collectif « Mali te Tila », constitué d’une quarantaine d’associations et d’organisations de la société civile. Plus incisif et se faisant plus précis encore, ce Collectif considère que les articles figurant dans la proposition de la médiation « sont un prélude au démantèlement du Mali, alors que la feuille de route d’Alger du 27 juillet 2014 avait imposé le respect de l’unité territoriale du Mali comme condition préalable à l’ouverture de tout dialogue entre Bamako et les mouvements armés du Nord ».
Dans la même veine, le bureau politique de la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas/Faso-Héré) le parti de l’ancien Premier ministre Soumana Sako, dans une déclaration publique a indiqué qu’il rejette, sans réserve, le texte d’Alger « parce qu’il viole purement et simplement la Constitution du Mali ». Pis, poursuit cette déclaration, « il constitue une attaque frontale contre la République, l’égalité des citoyens devant la loi, le service public et la justice, ainsi que contre la laïcité de l’Etat ». Et ce parti de dénoncer ce texte, qui, selon lui, légitime les groupes séparatistes armés et terroristes et la rébellion et « cautionne la partition de fait du pays et le retrait de l’armée nationale d’une bonne partie du Nord », comme il dénonce l’inexistence de poursuites judiciaires contre les commanditaires et auteurs des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis dans le Nord.
Enfin ce parti « juge inadmissibles et inacceptables les propos et les pressions provenant des représentants de l’Union africaine, de la Minusma, de l’Union européenne et de la médiation algérienne enjoignant au gouvernement malien de violer la Constitution ».
La gronde s’amplifie
Quant à la Coordination des mouvements armés du Nord du Mali, membres des pourparlers, leur rejet du texte ne semble pas faire mystère et aurait même préparé, pour cette session, un document qui expliquerait ce qu’ils entend par le projet de fédération, qui ne peut se confondre, annonce-t-elle, avec la régionalisation prônée par le gouvernement malien.
Et justement, quelle position de ce gouvernement face au texte de la médiation ?
Le gouvernement malien, tout en réaffirmant sa satisfaction quant au processus des pourparlers et tout en félicitant et l’Algérie, chef de file de ces travaux, et la médiation internationale pour la production de ce texte qui peut constituer une « bonne base » pour aller à un préaccord, a présenté un mémorandum qui comporte des observations et propositions, dont celle de ne pas passer par une nouvelle Constitution.
C’est avec ce mémorandum que les autorités maliennes ont pris leur bâton de pèlerin pour expliquer aux députés maliens, à la jeunesse malienne et « aux forces vives de la nation » que le document présenté par la médiation prend en compte le « respect de l’unité nationale, de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Etat malien, ainsi que de sa forme républicaine et laïque ».
De cela, à l’intérieur du Mali, tout le monde ne semble pas convaincu. Quant aux propositions, pour l’heure, elles semblent, pour beaucoup, peu importantes. La rencontre de cette semaine va être certainement capitale. Sera-t-elle le prélude à un accord qui ne soit pas de circonstance mais pérenne pour un règlement de fond du problème. Pour ce faire, d’aucuns appellent à ce qu’il n’y ait pas de précipitation et qu’on prenne tout le temps nécessaire pour lever les ambiguïtés ; il en va, rappellent-ils, du devenir de tout un peuple.
Le fait que la coordination des trois principaux mouvements (MNLA, MAA et HCUA) parle encore de fédéralisme par la voix de Mahamadou Djéri Maïga inquiète. En tout cas, la partie ne sera pas facile. La sortie du président du PDES, Amadou Abdoulaye Diallo, lors d’une rencontre avec le président IBK sur le peu de légitimité de ces trois groupes relancent le débat et montre l’exigence des communautés du Nord.
Alpha Mahamane Cissé avec le soir d’Alger