Comme chaque année depuis son instauration par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, le Mali, à l’instar de la Communauté internationale, a célébré, le vendredi 3 mai dernier, la 26e édition de la journée mondiale de la liberté de la presse. Un événement qui coïncide cette année avec la 5e Semaine nationale de la liberté de la presse. Une série d’activités ont marqué cette célébration. Pour la circonstance, la Maison de la presse s’est associée avec l’UNESCO sous l’égide du département de tutelle pour la cérémonie d’ouverture.
Pour cette année, le thème retenu pour la célébration de cette journée est : » Médias pour la démocratie : le journalisme et les élections en période de désinformation« . Il faut rappeler que cette journée a été décrétée par les Nations Unies pour permettre aux professionnels des médias de passer en revue les activités réalisées dans le secteur au cours de l’exercice écoulé et identifier les difficultés ainsi que les perspectives.
Parmi les personnalités qui ont pris part à la cérémonie officielle de cette journée, à la Maison de la presse, on peut citer entre autres le Secrétaire Général du ministère de l’Economie Numérique et de la Communication, Dr Cheick Oumar Maïga, le représentant de l’UNESCO au Mali, Pierre Saye, le consultant indépendant, Diomanssi Bomboté, le vice-président de la Haute Autorité de la Communication (HAC), Gaoussou Drabo, le directeur du Centre d’information gouvernemental (CIGMA) Sambi Touré.
Intervenant pour l’occasion, le représentant de l’UNESCO, Pierre Saye a rappelé que le choix du thème de cette célébration vise à faire ressortir les défis auxquels sont confrontés les médias lors des élections.
Aussi, il s’agit pour lui de voir les voies et moyens pouvant permettre à ces derniers de contribuer au processus de paix et de réconciliation. Avant de dresser un tableau macabre des journalistes tués dans l’exercice de leurs fonctions durant les années précédentes.
Ainsi, rien que pour l’année dernière, ils sont 99 journalistes à avoir perdu la vie. De 1994 à 2018, on dénombre 1 307 assassinats de journalistes au total dans le monde. Autant de faits qui, pour le représentant de l’UNESCO, interpellent les journalistes à redoubler de vigilance. D’où son appel à agir ensemble pour la protection de la liberté de la presse et les journalistes.
Par ailleurs, Pierre Saye a révélé que cette année le bureau de l’UNESCO entend mettre en œuvre trois projets avec le Gouvernement du Mali, dont deux sur la sécurité des journalistes avec pour objectif de soutenir la Mali dans la promotion de la liberté de la presse. Et un projet sur » l’Autonomisation des jeunes en Afrique grâce aux médias et à la communication« , avec pour objectif de renforcer le professionnalisme et la qualité du contenu éditorial des médias du Mali.
Lui succédant au pupitre, le Secrétaire général du ministère de la Communication, Cheick Oumar Maïga a précisé que des progrès notoires ont été enregistrés ces dernières années dans le paysage médiatique du Mali. Il a cité en exemple le professionnalisme dont les médias maliens ont fait preuve dans le cadre de la couverture de la dernière présidentielle. Il a de même mis en lumière les efforts consentis par les plus hautes autorités du pays pour promouvoir la liberté de la presse au Mali. A cet égard, il a cité les facilités de création de stations de radios libres, de télévisions privées et d’organes de presse écrite.
Pour lui, d’autres innovations sont attendues telles que l’adoption de la nouvelle loi spéciale sur la presse dès le deuxième semestre 2019, la mise à disposition de la nouvelle carte de presse infalsifiable, des mesures de sécurité pour les journalistes dans la couverture de certains évènements et le maintien de l’aide publique à la presse, malgré la crise de trésorerie.
Il y a lieu de préciser que parmi les thématiques abordées lors de cette journée figurent, entre autres, les mécanismes permettant au journaliste professionnel de jouer un rôle plus visible et plus distinctif ; les voies et moyens pour que la liberté d’expression et les régulations électorales s’appliquent aux sociétés d’internet, aux institutions médiatiques et à la gouvernance d’internet de façon plus générale ; les risques des nouvelles technologies pour les communications en période électorale ; l’utilisation de ces outils par les médias pour l’amélioration de leur couverture électorale.
Les Médias et la désinformation
Parmi les conférenciers qui ont présenté des communications dans cette journée, on note celle du doyen Diomansi Bomboté. Son exposé portait sur la démocratie, les médias et la désinformation. A l’entame de ses propos, il a défini la démocratie comme étant « un régime politique dans lequel le pouvoir est du ressort du peuple par un système de représentativité reposant sur des mécanismes de choix« .
Il a aussi indiqué que de nos jours, les médias sont devenus des moyens exceptionnels de propagation d’informations leur conférant un véritable pouvoir. A ses yeux, il est nécessaire d’encourager la production d’émissions et d’informations justes, vraies et honnêtes reflétant la diversité politique, religieuse, culturelle, sociale, ethnique et linguistique. Aussi, l’ancien formateur à l’école de journalisme de l’Université de Dakar (CESTI) a souhaité que la gestion des affaires publiques fasse l’objet d’une large explication, accompagnée naturellement de réactions contradictoires.
Quant au vice-président de la HAC, Gaoussou Drabo, il mettra l’accent sur les avantages et risques des nouvelles technologies.
Selon lui, le journaliste doit toujours rester fidèle à l’éthique et à la déontologie du métier qui exige la vérification de l’information, des informations équilibrées, justes et qui respectent la personne humaine. Il ajoutera que les informations erronées ont parfois plus de lecteurs que des vraies informations. Relevant qu’au Mali, le droit à l’information est un acquis. Et que c’est surtout pendant les périodes électorales qu’il a toute son importance. En ce sens qu’il permet de connaitre le programme des candidats afin d’aider le citoyen à faire le bon choix. De même qu’il permet de cerner l’enjeu de l’élection, les défis du moment.
Pour sa part, le spécialiste en sciences politiques, Sega Diarrah estime que c’est aux législateurs de mettre en place des garde-fous pour sanctionner ceux qui s’adonnent à la désinformation.
Il faut rappeler qu’en France, deux lois ont récemment été prises pour permettre au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) de sévir contre ceux qui propagent la désinformation ou manipulent l’information en période électorale.
Les sanctions peuvent aller de la mise en demeure à la fermeture pure et simple de la plateforme qui diffuse de » fausses informations » en période électorale. Ces lois dites contre les » fake news « imposent aux plateformes numériques des obligations de transparence lorsqu’elles diffusent des contenus sponsorisés. Ces obligations incluent le fait de décliner l’identité des annonceurs et le montant de la contrepartie financière. Précisons que ces dispositions s’appliquent pendant les trois mois précédant le premier jour du mois d’élections générales et jusqu’à la date du 1er tour de scrutin. En outre, toute infraction est passible d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 75 000 euros. Une démarche similaire peut bien être adoptée au Mali, un pays où les élections sont parfois synonymes de tension avec des risques d’affrontements meurtriers.
Massiré DIOP
Source: l’Indépendant