En fin mars 1991, pendant que les manifestants envahissaient les rues de Bamako et des capitales régionales pour réclamer le départ du général Moussa Traoré, des militaires s’organisaient pour mener un coup d’Etat.
Des officiers proches du pouvoir mis devant le fait accompli des tueries sauvages de l’armée font allégeance à la volonté du lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré (ATT) d’être le meneur des futurs putschistes après avoir repris le commandement de son bataillon des parachutistes le 14 mars 1991.
ATT a la confiance et l’accord de certains hommes-clés du régime. Il s’agit, entre autres, du chef d’état-major général des armées, le colonel Ousmane Coulibaly, le commandant Chaka Koné (chargé des préparatifs techniques du coup d’Etat), le chef d’état-major de l’armée de terre, le lieutenant-colonel Kafougouna Koné, d’Oumar Diallo dit Birus, Aide de camp du président de la République.
Parmi ces officiers, le lieutenant-colonel Kafougouna Koné était celui qu’ATT voulait coûte et coûte à ses côtés. Ce dernier, après plusieurs jours de réflexions et vu la tournure des événements, donnera son accord pour le coup d’Etat.
Le lundi 25 mars dans la matinée, les mouvements dans les rues ont pris de l’ampleur avec des morts et blessés entassés dans les hôpitaux. On ne savait plus qui contrôlait quoi. Le pouvoir était dans la rue. Le général Traoré, lui était dans la tourmente.
Les putschistes entamaient la dernière ligne droite de leur action. Ils avaient prévu le coup d’Etat pour 2 h du matin. Mais quelques heures avant, Me Demba Diallo et Bakary Karambé respectivement président de l’Association malienne des droits de l’Homme et secrétaire général de l’UNTM, n’ont pu avoir d’assurance de la part du président de ramener l’ordre et le calme dans pays.
Après avoir échangé avec Birus, ATT et ses hommes anticiperont le coup d’Etat initialement prévue à 2 h. Aux environs de 23 h, ATT et sa suite feront leur présence au palais présidentiel. Le président était en réunion avec certains dignitaires.
Avec le concours du lieutenant-colonel Birus, ATT et ses compagnons firent irruption dans la salle de réunion. ATT s’est adressé à Moussa : « Le Mali est à feu et à sang. Nos services financiers, nos usines, nos maisons de commerce, brûlent. Je vous prie monsieur le président de vous considérer à partir de cet instant en état d’arrestation ». Moussa le fixa.
Imperturbable, il poursuivra : « Vous vous rappelez les raisons qui vous ont conduit à faire le coup d’Etat en novembre 1968. La situation du Mali est bien pire maintenant qu’à cette époque. Je suis sûr qu’aujourd’hui, si vous étiez à ma place, vous feriez un coup d’Etat. Je suis responsable de votre arrestation ».
Le général Mamadou Coulibaly, ministre de la Défense, demande à ATT de préserver la vie de Moussa et de son épouse. ATT le rassurera sur ce plan. Et Chaka Koné conduira le chef de l’Etat déchu jusqu’au camp-para, en compagnie du général Sékou Ly qui n’était pas dans la salle, mais quelque part dans la cour ainsi que Mme Traoré qui fut arrêtée par un capitaine. A 2 h du matin, les opérations majeures étaient bouclées.
Mardi matin, un Comité de réconciliation nationale de l’armée (CRN), formé après l’arrestation, se rendit à la Bourse du travail à la rencontre de la Coordination des mouvements et associations démocratiques pour lui rendre hommage. Une démarche appréciée qui incita la coordination à manifester sa confiance à Amadou Toumani Touré en le portant à la tête du Comité de transition du salut du peuple (CTSP).
Le tour était joué : l’armée n’était pas déstabilisée et le seul à chuter était l’ancien dictateur. Dans une interview accordée à Jeune Afrique en juillet 1991, le chef de la junte militaire qui a renversé Moussa Traoré disait ceci : « C’est le vendredi 22 mars (jour des premières tueries, que nous avons compris que Moussa avait atteint le point de non-retour et que nous devrions intervenir ».
A.S.
Source: Les Echos