Entre élections, concrétisation de la zone de libre-échange et grands événements sportifs, l’année 2020 promet d’être haletante sur le continent.
L’année 2019 a été riche pour l’Afrique. Et surprenante. Il y a un an, peu auraient prédit la chute de l’Algérien Abdelaziz Bouteflika et du Soudanais Omar el-Bechir, deux caciques du pouvoir poussés à la démission par leurs populations. Peu s’attendaient, aussi, à la disparition du président tunisien Béji Caïd Essebsi, survenue le 25 juillet. Sa mort précipitera les élections, mais prouvera au monde qu’en Tunisie la démocratie est bien une réalité, huit ans après la chute de Zine el-Abidine Ben Ali. L’Éthiopie a, elle aussi, fait rayonner le continent à l’international. Son Premier ministre Abiy Ahmed a reçu, en octobre, le prix Nobel de la paix, qui récompense notamment ses efforts en faveur de la fin du conflit avec l’Érythrée.
Mais en 2020, c’est à l’aval du peuple éthiopien que le dirigeant sera soumis. En mai, il se frottera aux urnes des élections législatives. Même si, désormais, sa nouvelle composition, le Parti de la prospérité (PP), lui assure l’adhésion d’un grand nombre de votants – le parti fusionne la plupart des organisations politiques du pays, hors Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) –, le vote fera office de test à la politique engagée depuis deux ans par Abiy Ahmed. Les revendications nationalistes de certaines régions d’Éthiopie, où persistent les violences intercommunautaires, s’inviteront certainement dans la campagne.
Une année électorale en Afrique de l’Ouest
De l’autre côté du continent, aussi, les Africains seront appelés aux urnes. Très attendues et reportées plusieurs fois, les législatives en Guinée, fixées le 16 février, promettent leur lot de contestation. Depuis le mois d’octobre, le pays est le théâtre de manifestations violemment réprimées. En cause : une réforme de la Constitution proposée par Alpha Condé, perçue comme un moyen pour le chef de l’État de briguer un troisième mandat. Le boycott des principales forces d’opposition au scrutin, face au Rassemblement pour le peuple de Guinée (RPG) au pouvoir, promet une année 2020 sous haute tension à Conakry.
La question du troisième mandat agitera aussi la Côte d’Ivoire, dont l’élection présidentielle est prévue le 31 octobre, soit dix ans après la crise électorale qui avait fait 3 000 morts. Depuis deux ans, Alassane Ouattara, empêché par la Constitution actuelle de se représenter, fait planer le suspense sur son éventuelle candidature. Interrogé à maintes reprises sur la question, le président est toujours resté évasif. Ce lundi 6 janvier, il a tout de même franchi un cap en annonçant, lors de ses vœux du Nouvel An, son intention de soumettre au Parlement des modifications de la Constitution. Et ce, dans le courant du premier trimestre. La concurrence sera, quoi qu’il en soit, rude pour le chef d’État. En face de lui, des « cadors » de la politique ivoirienne ont déjà placé leurs pions, à l’instar d’Henri Konan Bédié, chef du PDCI, et de l’ancien président de l’Assemblée nationale Guillaume Soro, sous le coup d’un mandat d’arrêt international depuis fin décembre.
Au Burkina Faso voisin, point de réforme constitutionnelle ou de refonte de la commission électorale. Le pays tente plutôt de sortir de la situation sécuritaire très préoccupante dans laquelle il est empêtré. En effet, depuis 2016, les attaques terroristes assaillent le pays, perçu auparavant comme un phare de stabilité dans la région. En quatre ans, elles ont fait 750 morts et 560 000 déplacés. Le 7 janvier, dans une allocution à la télévision à l’occasion du Nouvel An, le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré a assuré que la « victoire » sur le « terrorisme » était « certaine ». Il lui faudra le prouver cette année avant les élections législatives et présidentielle, qui auront, comme au Niger, en décembre. Au Togo – où une réforme constitutionnelle votée en mai 2018 a remis les compteurs à zéro pour le président Faure Gnassingbé – au Ghana, mais aussi au Burundi et en Tanzanie se prépare aussi un scrutin présidentiel.
Espoirs de la Zlec et inquiétude en Afrique du Sud
Du côté de l’économie, l’année 2020 marquera un tournant pour le continent. En effet, avec la ratification de la Sierra Leone en avril 2019, la zone de libre-échange continentale (Zlec) est devenue réalité. Alors qu’elle a officiellement été lancée en juillet lors du sommet de l’Union africaine (UA) à Niamey, ces prochains mois seront donc décisifs. D’après le calendrier établi, le marché, qui réunit plus de 1,2 milliard de personnes, devrait être actif à partir du 1er juillet 2020. Mais les premières retombées pourraient être tardives. En effet, d’après Cristina Chatima, directrice du commerce du Malawi, « les pays les moins développés ont dix ans pour supprimer les droits de douane. Un groupe de six pays (parmi les moins développés, dont le Niger et le Malawi) », a, obtenu, eux, un délai de 15 ans, a-t-elle fait savoir lors du sommet.
L’UA estime tout de même que la Zlec pourrait augmenter de près de 60 % le commerce intra-africain d’ici à 2022. Le produit intérieur brut combiné serait, quant à lui, de 2,5 milliards de dollars. La dynamisation des échanges – dont seulement 15 % aujourd’hui se font à l’intérieur du continent – profitera dans un premier temps aux pays industrialisés, comme l’Égypte ou l’Afrique du Sud. Les produits manufacturés et transformés sur place peuvent satisfaire la classe moyenne africaine émergente. Une éventualité qui ne sera rendue possible que si la nation arc-en-ciel redresse son économie. Deux après l’élection de Cyril Ramaphosa, le pays paye encore la gestion de Jacob Zuma, englué dans les scandales liés au « State Capture ». Ses compagnies nationales, Eskom et South African Airways, moteurs de l’économie nationale, sont surendettées.
La croissance, elle, continue de ralentir, à 1,9 % en 2019 selon le Fonds monétaire international (FMI). Le chômage, endémique, stagne à 29 %. La présentation du nouveau budget en février donnera le ton des prochains mois. Si l’Afrique du Sud inquiète, elle n’est pas la seule sur le continent. Selon le FMI, sept autres pays africains sont en situation de surendettement, à l’image du Mozambique, du Soudan du Sud et du Zimbabwe. Neuf autres courent quant à eux « un risque élevé » de voir la dette grimper à des niveaux inquiétants, dont le Ghana, le Cameroun et l’Éthiopie. Cette dernière pourra néanmoins compter sur la mise en route du barrage de la Renaissance, prévue cette année. La structure, censée devenir la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique avec une production de 6 000 mégawatts, est en revanche très contestée par le voisin égyptien, qui redoute des conséquences environnementales graves.
Une année de sport
Du côté du sport, l’atmosphère sera bien plus légère. Cette année, les sportifs africains auront de nombreuses occasions de faire briller le continent. Et notamment aux Jeux olympiques de Tokyo, prévus du 24 juillet au 9 août. Plusieurs athlètes ont leur chance, comme l’Ivoirienne Marie-Josée Ta Lou. Multi médaillée aux Championnats du monde, la sprinteuse pourrait prendre sa revanche, quatre ans après sa quatrième place à Rio, dans les épreuves du 100 et 200 mètres. Le nageur sud-africain Chad le Clos, champion olympique en 2012 et 2016, se battra pour l’emporter une nouvelle fois à Tokyo. À surveiller également, Abdoulrazak Issoufou Alfaga, vice-champion olympique de taekwondo en 2016 à Rio et champion du monde en 2017. Le jeune homme de 25 ans pourrait bien, au Japon, décrocher la première médaille nigérienne aux JO.
Autres événements à venir, le Championnat d’Afrique des Nations au Cameroun du 13 au 20 janvier, la coupe du monde de triathlon en Afrique du Sud les 15 et 16 février, championnats du monde junior d’athlétisme au Kenya, du 7 au 12 juillet 2020. Autant d’occasions de voir les athlètes du continent briller en compétition, et de repérer les futures pépites qui feront l’Afrique de demain.
Par Marlène Panara
Source: lepoint