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Tombouctou : L’Alhor ou un symbole identitaire de la ville

La légende raconte que ce calcaire est interdit d’exportation par les esprits protecteurs de la ville. Vrai ou faux, cela n’entame en rien la valeur matérielle et spirituelle de ce matériau de construction, inévitable dans les édifices de la Cité mystérieuse

 

Reconnue depuis fort longtemps pour être un centre des affaires et du savoir, Tombouctou est également célèbre pour son architecture. Or, qui dit architecture évoque les matériaux qui entrent dans la construction des édifices. Les habitants de la ville ont réussi à hisser l’utilisation de ce calcaire au sommet de l’art. Ce n’est pas pour rien que Tombouctou est considérée comme l’une des plus belles villes dans la boucle du Niger.

Ici, les journées sont brûlantes et les nuits souvent glaciales. Le désert est connu pour les amplitudes thermiques extrêmes. C’est pourquoi, les habitants ont eu l’ingénieuse idée de construire leurs habitations par des matériaux qui résistent aux températures extrêmes.

Un tour dans la cité permet de constater que la majorité des habitations sont construites avec du calcaire, dont le nom local est «Alhor». Il s’agit d’une pierre calcaire extraite dans le désert à une soixantaine de kilomètres de la ville. Des centaines de jeunes y ont trouvé leur bonheur. Travail très dur, l’extraction exige de la force physique et un savoir-faire acquis sur le tas. Extraire l’Alhor, commande de se lever très tôt et être armé de courage.

Pour retrouver ce matériau, enfoui sous la terre, les mineurs sollicitent l’aide des termites. En creusant les termitières, ces insectes rejettent de petits morceaux du calcaire à la surface. «Sans ce signe extérieur, personne ne peut savoir la présence de calcaire sous la terre. Les personnes souillées et les femmes en période de menstrues ne peuvent, selon la tradition, découvrir le calcaire», soutient notre interlocuteur.

UN TRAVAIL DE FORÇAT. Quelques jours après la fête de Ramadan, les maigres économies dépensées pour le confort de la famille, Aliou reprend le chemin de la carrière. Son vieux turban, posé sur son crâne chevelu, ne résistera pas longtemps aux dures épreuves des intempéries du Sahara.

à 43 ans, visiblement, ses forces sont en train de l’abandonner. Si jeunesse savait ! 

«Avant, j’avais des ânes pour la logistique. De nos jours, il faut avoir des motos et des bennes pour s’en sortir», explique le mineur. Pour lui, le calcaire est plus qu’un matériau de construction pour les habitants de Tombouctou. «C’est une identité à part entière», dit-il avec fierté. Aliou ajoute que «pour extraire le calcaire brut, il faut d’abord creuser. Puis, tu arrives au bloc de calcaire que tu fragmentes et transportes jusqu’en ville chez le client».

Le calcaire est un business à la chaîne. L’exploitant de la carrière cède la pierre brute à 35 Fcfa l’unité. Aliou se plaint de son gain. Son travail est harassant pour cette modique récompense. Une cargaison, soit 1.000 morceaux est transportée jusqu’au chantier, chez le client par un convoyeur. Lui, revend la pièce à 125 Fcfa. La pierre brute doit être taillée pour avoir une forme cubique. Ce travail coûte 30.000 Fcfa par cargaison de 1000 unités. C’est à partir de là que le maçon entre en jeu pour poursuivre son ouvrage en revêtant ses murs de calcaire.

Le maçon, lui, est payé à 5.000 Fcfa. Le manœuvre touche 2.500 Fcfa et le pétrisseur gagne 2.500 Fcfa. «La corporation est organisée ici. Malgré les difficultés liées à la chefferie de notre organisation, les maçons sont organisés. Le chef est un connaisseur avéré du métier et de son historique. Nous sommes des centaines d’adhérents à travers la ville».

CE QUE DIT LA LÉGENDE- Les premiers maçons de la ville étaient issus de deux familles (les Kobahou et les Hamanehou). Ce sont eux qui ont construit les premières mosquées de la ville. Plus tard, les familles Tounkalahou et Alamourani s’y sont ajoutées. «De nos jours, le métier est ouvert à tous ceux qui veulent l’exercer pour gagner leur vie», explique notre maître maçon.

La légende raconte que ce matériau de contribution est interdit d’exportation par les esprits protecteurs de la ville. Par conséquent, les pierres cubiques ne peuvent servir que les Tombouctiens pour leur confort. «C’est une vérité d’hier. Cela fait partie des mystères conférés à la ville. Mais, dans la pratique, l’Alhor a bel et bien été transporté en dehors de Tombouctou, sans conséquence négative», commente Mohamed Ousmane Touré.

Dans toutes les maisons à Tombouctou, il y a forcément du calcaire. Même la grande mosquée est construite avec ce matériau. Il y a le calcaire blanc qui vient toujours de l’Est, plus fragile que le noirâtre réputé plus résistant aux intempéries.

Les historiens nous enseignent que la culture tombouctienne est la somme des influences de tous horizons. Le commerce transsaharien qui a fait sa notoriété a drainé des foules sur ses terres. On dit à cet effet que l’organisation de la maison ainsi que sa décoration a conservé de nombreux éléments de l’origine berbère de la ville et des invasions marocaines. Le plan est ramassé, la cour intérieure est de petites dimensions et n’est qu’un espace de circulation entre les différentes pièces

La maison, le plus souvent à un seul étage, comporte de petites ouvertures fermées par un grillage en bois et on retrouve, comme à Djenné, l’utilisation de ferronneries dans la décoration des boiseries. Tombouctou est une ville de liaison entre l’Afrique blanche et l’Afrique noire et son architecture s’apparente plus au style marocain qu’à la maison soudanaise.

Envoyé spécial
Ahmadou CISSÉ

Source : L’ESSOR

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