« La chaine de transmission du hamallisme au sein du tidjanisme », tel est l’intitulé d’une étude préparée et lue, avant d’être commentée, par son auteur, en la personne de Monsieur Cheickh Tahirou DOUCOURE, Professeur en sciences islamiques, à la Zawiya de Fès, au Maroc, le jeudi 11 mai 2017, en présence du Chérif ZUBAIR, responsable de ladite zawiya, entouré de quelques-uns de ses frères et disciples. Dans cette étude, le Professeur DOUCOURE rappelle la fondation du tidjanisme. Il souligne à cet effet les quatre (04) fortifications dont a bénéficié le fondateur de cette confrérie soufie, Cheickh Ahmed TIDJANE, dans son parcours initiatique et mystique auprès de ses maîtres soufis, à savoir dans l’ordre : la clé du dépouillement, la clef de la confiance, la clé de la soumission et la clef de l’application. En remontant ainsi « la chaine de transmission du hamallisme au sein du tidjanisme », le Professeur DOUCOURE lève le voile sur l’Homme qui est décrit et prédestiné comme « le dépositaire du secret de l’indivisible », qui n’est autre que le très respecté Cheickh Ahmad HAMAHOULLAH, le père du Chérif de Nioro du Sahel. Le Professeur DOUCOURE ne manque pas non plus de restituer la filiation originelle et authentique du hamallisme par rapport au fameux « Jawharatoul kamâli » ou « 11 grains », telle que consignée et codifiée dans l’unique livre référentiel en la matière : Jawâhir Al Ma’âni. Aussi, vous proposons-nous, ci-dessous, l’intégralité du texte produit par le Professeur DOUCOURE, par ailleurs grand disciple de Cheickh Ahmad HAMAHOULLAH.
II. L’abolition et ses origines coraniques
Allah, notre Seigneur, a dit : « Mâ nane sakh mine ayâtine aw noune sihâ natî nikhayerine minechâ aw mislihâ » : « Il n’est pas un verset que nous abrogions ou que nous fassions tomber dans l’oubli que nous le remplacions par un verset préférable ou équivalent », la Génisse, verset 106.
Tous les juristes avérés de l’islam sont unanimes pour affirmer que les prescriptions théologiques du Coran et de la Sunna peuvent connaître des abrogations, durant le vivant du Prophète (SAW) ; mais, après sa disparition, elles sont, formellement, interdites.
L’abrogation peut être totale ou partielle.
Illustrons cette affirmation par des exemples pour mieux l’expliciter.
«0 Prophète! Invite les croyants au combat. S’il se trouve, parmi vous, vingt hommes endurants, ils en vaincront deux cents. S’il s’en trouve cent, ils vaincront mille incroyants».
Plus tard, il dit: « ALLAH a, maintenant, allégé votre tâche sachant qu’il y a en vous de la faiblesse. S’il se trouve, parmi vous, cent hommes endurants, ils en vaincront deux cents, s’il y a en vous mille, ils en vaincront deux mille », Sourate les butins, versets 65 et 66.
Dans cette sourate, nous constatons que le deuxième verset abroge, totalement, le premier.
Ailleurs, le Prophète (SAW) a dit: «Je vous avais interdit la ziarra des tombes ; mais, maintenant, je vous en donne la permission ; car cette ziarra vous rappelle l’ultime demeure ». Là aussi, il s’agit d’une abrogation totale.
Maintenant, pour l’abrogation partielle : ALLAH a dit: «Ceux qui portent des accusations infamantes contre les femmes honnêtes, sans pouvoir produire quatre témoins, sont passibles de quatre-vingts coups de fouet», sourate Nour, verset 4. Plus tard, dans la même sourate, au verset 6 ; ALLAH dit: « Ceux qui lancent des accusations contre leurs épouses et n’en ont pas comme témoins qu’eux-mêmes, leur témoignage consiste à témoigner à quatre reprises au nom de DIEU et qu’ils disent la vérité».
Nous constatons, dans cette sourate, que le second verset abolit, mais partiellement, le premier en enlevant les maris qui ne sont plus soumis aux coups de fouet alors que, dans le premier, ils étaient dans le cas général.
Les hamallistes, partant des règles analogiques précitées, réfutent toutes modifications des prescriptions se trouvant dans Jawâhir Al Ma’âni, après la disparition du CHEIKH (RA).
III. Comment la tarîqa tidjânia est arrivée en Afrique occidentale?
Elle y arriva par l’intermédiaire de deux illustres compagnons du CHEIKH (RA), le fondateur.
Le premier fut CHEIKH MOUHAMED AL HÂFIZ et le second fut CHEIKH MOUHAMADOU AL KHÂLI.
CHEIKH MOUHAMADOU AL HÂFIZ était un érudit, très respecté dans son pays, la Mauritanie. Ayant eu l’intention d’effectuer le pèlerinage à la Mecque, il formula le vœu suivant: «Allah, fasse que je rencontre un homme qui fortifiera mes recherches mystiques». Arrivé en terre sainte, il fut informé de la présence de ALI AL HARÂZIM, l’auteur de Jawâhir Al Ma’âni, qui, lui aussi, était venu en pèlerinage. Dès leur première rencontre, le CHEIKH magrébin, ALI AL HARÂZIM, après avoir sondé ses profondeurs, lui dit : « Si tu désires résister à la bourrade des vicissitudes et surmonter la bourrasque des imperfections, voici la solution. Prépare-toi à aller, au Maroc, pour y rencontrer mon guide spirituel, AHAMEDOU IBN MOUHAMED – A – TIDJANE (RA). Tes soifs seront assouvies s’il plaît à DIEU». Ce fut, ainsi, qu’il se rendit, automatiquement, au Maroc à la rencontre du CHEIKH (RA), qui, après un moment de compagnonnage, lui accorda « Al idiazatou al moutlakhatou » : « la licence générale », exception faite de la désignation des muqadams. Là, il l’autorisa à n’en désigner que dix comme consigné dans « Kachfoul hidiab.»
Quant au second, MOUHAMADOU AL KHÂLI, lorsqu’il rencontra le CHEIKH (RA), ce dernier lui donna « la idiaza » de désigner quatre muqadams, tout en lui précisant que chacun, à son tour, pouvait en désigner quatre autres. Ce fut, par le biais de ses adeptes, et parmi eux, CHEIKH OMAR FOUTIHOU TALL que la tarîqa fut introduite en Afrique occidentale.
L’auteur de «Boukh yatoul moustafidi» nous dit que CHEIKH MOUHAMED KHÂLI resta conforme aux prescriptions du vivant du CHEIKH (RA). Mais, après la disparition de ce dernier, on le vit étaler «sa idiaza » qui, initialement était limitée, et l’auteur de «Boukh yatoul moustafidi» ajouta:« Peut-être qu’il aurait rencontré un muqadam du Cheikh (RA) qui détiendrait une licence générale et à cet effet, ce dernier lui aurait élargi son champ d’action. Au cas contraire, il l’aurait eu par le biais d’un rêve mystique».
Après avoir décrit la naissance du tidjânisme, et comment il arriva à nous par l’intermédiaire de deux compagnons précités, abordons, à présent, la source de la chaîne de transmission du hamallisme.
IV. Quelle est la source de la chaîne de transmission du
hamallisme?
Le hamallisme arriva par l’intermédiaire de SIDY TAHARA BOUN TAÎBATA dont nous avons mentionné le nom, précédemment. A cet effet, laissons la parole au grand intellectuel, AHMED. CHOUIŒRIDJI qui, dans son célèbre ouvrage, «Kachfoul Hidiab », dit : « Kana Ayatane mine ayâti lâhi al bâhirati wa lahou karamâtoune lâ yâhtawîhâ tâ lîfoune wa chouhida lahou bil woussoûli ilal khiJâfati al ahmadiyati a tidjâniyati bi takhdîmi al ân-mi minaI CHEIKHI (RA) wa sâharahou wa hadja mânhou wa âta mara»: «Ce saint homme, SIDY TAHARA BOUN TAÏBATA de Tlemecen, était l’un des miracles d’ALLAH, auréolé de perfections lumineuses. Il eut des degrés d’élévation émanant du CHEIKH (RA) qu’on ne saurait confiner dans un livre dont la suprême« Khilafa » al ahmadiya a tidjâniya, corroborée par « une idiaza» à la source intarissable, il eut le privilège d’effectuer le pèlerinage et la ourma avec le CHEIKH (RA). En plus, ils eurent des liens de mariage entre leurs progénitures». Et l’auteur de « khachfoul hidiab » d’ajouter:« Rawa anehou mâ amtaaza bihî ane khayrihî fil hadari wa safari»: «II a reçu du CHEIKH (RA) des dons distinctifs qu’aucun autre compagnon du CHEIKH (RA) proche ou lointain n’a eus ». L’auteur ne s’arrêta pas ; car, dans son second ouvrage, intitulé « Râ! ou Nikhâbi », il lui y consacra des poèmes très élogieux dans lesquels il dit: «Nâla minai CHEIKHI azîma sirri bihî ghadâ moussadarane fi sadri » : «Il a eu du CHEIKH (RA), pendant leur compagnonnage, des secrets qui dépassent les acquisitions de la raison et qui ne se situent que dans les vaisseaux de la foi ».
C’est ce grand khalif dont nous venons de parler qui, après la disparition du CHEIKH (RA), prit une position nette lorsqu’il sentit que des esprits mal intentionnés étaient en train de s’infiltrer dans la tarîqa. Il écrivit, en ce sens, des lettres aux différentes zawiyas pour les mettre en garde contre les appâts de mécréants. Cette prise de position lui valut beaucoup d’animosités dans certains milieux où les intéressés se sentaient menacés par ses mises en garde. Résultat, un complot fut ourdi contre lui dans le but de pousser les autorités françaises de l’époque à le neutraliser. D’ailleurs, aussitôt après, il fut arrêté, dans sa maison, puis envoyé à Sainte Marguerite (en France), pendant des années. Il ne fut libéré qu’en 1871.
Pour beaucoup plus de détails sur tous ces faits, il faut consulter, entre autres, deux thèses de doctorat portant sur le tidjânisme, l’une, en anglais, de DIAMIL ABOU NASRI et l’autre, en français, de JILLALI El ADNÂNI qui pourtant, sans être un apologiste du tidjânisme, pour décrire le Saint homme et sa zawiya de Tlemecen, titra son travail de recherche en ces termes: «Tahara boû Tadyeb ou l’énigme d’une zawiya anti -française».
Ce fut ce khalif – là qui choisit un de ses disciples du nom de MOUHAMADOU BOUN ABDALLAH, plus connu sous le sobriquet de CHEIKH SIDY MOUHAMED LAKHDAR, pour aller à la recherche de «Sahibou al witri w : « Le dépositaire du secret de l’indivisible» afin qu’il restitue le tidjânisme dans son cadre originel. Il lui remit le mot de passe en y ajoutant que le destinataire se fera connaître à travers les indices qu’il lui donna.
Après plusieurs années d’investigation, CHEIKH SIDY MOUHAMED LAKHDAR arriva à Nioro du Sahel (dans la République du Mali). A son arrivée, il sentit que l’objectif à atteindre était, bientôt, à sa portée. En ce temps – là, HIMALLAHI IBN MOUHAMED était, relativement, jeune, mais dès que CHEIKH SIDY MOUHAMED LAKHDAR le vit, après quelques attentives méditations, il sut qu’il était l’homme accompli qu’il cherchait. Mais, vu le milieu dans lequel les oulémas et les notables évoluaient avec lui, il fallait qu’il préparât l’opinion publique avant d’annoncer la bonne nouvelle. Quand l’heure sonna, CHEIKH SIDY MOUHAMED LAKHDAR désigna HIMALLAHI IBN MOUHAMED IBN SEYDINA OMAR AL HASSANIHOU ATICHITIHOU en disant: «Hazâ houwa al moudjtaba fi diwâni iyaka naaboudou»: «Voici l’homme choisi dans l’oratoire divin ; désormais, c’est votre guide. Cette décision n’émane pas de moi, mais de mes supérieurs. Mon rôle est de transmettre et je l’ai fait».
Voilà comment la chaîne de transmission du hamallisme naquit.
En récapitulant, nous constatons que :
-CHEIKH AI-IMEDOU IBN MOUI-IAMED-A- TIDJANE (RA), le fondateur, disparut en 1815.
-Son Khalif, SIDY T AHARA BOUN TAÎBATA, décéda en 1878. Ce qui veut dire qu’il vécut, après le CHEIKH (RA), 63 ans.
-CHEIKH SIDY MOUHAMED LAKI-IDAR qui est le Khalif de SIDY TAHARA BOUN TAÎIBATA décéda en 1909. Ce qui veut aussi dire qu’il vécut, après lui, 31 ans. Et ce fut, en cette même année 1909, que le hamallisme naquit.
Du décès du fondateur, CHEIKH AHMEDOU IBN MOUHAMED – A – TIDJANE (RA) en 1815 à la naissance du hamallisme en 1909, il y a 94 ans. Ce chiffre mystique engendre trois noms divins.
Allahou = nom propre= 66
Wahâbou = le donneur = 14
Wâdjidou = l’existant = 14
Si le Prophète MOUHAMED (SAW) avait accepté les propositions qui lui avaient été faites par les Khoureichs et leurs dirigeants, en envoyant OUTBATOU BOUN RABIATA, et qui consistaient à l’amener à modifier ses méthodes, à savoir, l’attaque de leurs divinités, il n’allait pas connaître l’exil.
Si AHMEDOU IBN MOUHAMED -A- TIDJANE avait accepté, au lendemain de son retour de Abou samghoûne à Ayn Maadi, les propositions des autorités qui, convaincues qu’il était incontournable, tentèrent de l’amadouer, de le corrompre, ou de l’auréoler d’honneurs, il n’allait pas connaître l’exil qui le mena à Fez.
Si SIDY TAHARA BOUN TAÏBATA, le premier compagnon d’AHMEDOU IBN MOUHAMED – A- TIDJANE, avait courbé l’échine, après la disparition du CHEIKH (RA), en collaborant avec ceux qui se sont infiltrés, dans la Tarîqa, pour la détruire, il n’allait pas connaître l’exil à Sainte Marguerite (en France).
Si CHEIKH HAMALLAH avait accepté de collaborer avec l’administration coloniale qui lui avait offert toutes sortes de cadeaux, y compris des médailles, il n’allait pas connaître l’exil de 1925 à 1935, encore moins, la déportation de 1941, et la démolition de ses maisons, et la fusillade de quelques-uns de ses enfants à Yélimané (République Mali), et encore moins, l’envoi de nombreux de ses disciples dans des camps de concentration.
Cela est le résultat des exigences du qualificatif réel.
Le tidjânisme n’est pas une monarchie constitutionnelle, son fondateur, s’adressant à ses disciples, leur dit: « S’il vous arrive des propos qui me sont imputés, examinez-les, sous la bannière des investigations réelles. S’ils sont conformes avec la voie droite que j’ai tracée, dites qu’ils sont de moi, sinon c’est non. »
Les chaînes de transmission de ses khalifes relèvent, toutes, de lui, mais elles sont indépendantes les unes, des autres. Tout le reste n’est que contenu sans contenant.
Qu’ALLAH, le Maître absolu, nous éclaire, nous protège, et nous assiste.
Amen.
Source: info-matin.