Il est certain que le Président Macron attendait que ce sommet légitime la présence militaire française dans le Sahel. Et il l’a obtenu de la plus belle manière, en le faisant dire par les chefs d’Etat des pays du G5 Sahel eux-mêmes.
Mais, c’est à croire que le scénario était connu d’avance. En effet, si Emmanuel Macron a pris le risque de demander une clarification de la position des Présidents du G5 Sahel quant à la présence des forces françaises Barkhane au Sahel, c’est bien parce qu’il était convaincu que ses homologues n’avaient autre choix que dire qu’ils ont besoin de l’armée française.
« Les chefs d’Etat du G5 Sahel ont exprimé leur souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France à travers Barkhane», fait-il remarquer.
Au sein de l’opinion française, Macron a essayé de faire taire ceux qui n’approuvaient pas l’engagement militaire de la France au Sahel.
Désormais, la France passe pour celle qui est « là pour permettre aux Etats sahéliens d’assumer leur pleine souveraineté sur leur territoire ».
Une fois cet objectif atteint, le Président français, en bon stratège, tentera ensuite de retourner les Présidents du G5 Sahel contre leurs compatriotes qui ne veulent pas de la présence militaire française dans leur pays.
En qualifiant d’indignes, les discours qui réfutent la présence militaire française devant les dirigeants du G5 Sahel, Emmanuel Macron envoie un message de rappel à l’ordre non seulement aux Présidents qui cautionneraient de tels discours, mais aussi à ceux qui en sont auteurs.
On retiendra, pour l’essentiel, qu’en lieu et place d’un retrait de Barkhane, le sommet a plutôt légitimé la présence de la France dans la zone et consacré un renforcement de sa force militaire qui verra l’arrivée de 220 soldats supplémentaires, après que les chefs d’Etat sahéliens aient clairement exprimé « leur souhait de la poursuite de l’engagement militaire français dans le Sahel ». Si c’était l’attente inavouée du locataire de l’Elysée, l’on peut dire qu’il a été bien servi. Mais pouvait-il en être autrement ?
Certainement non ! Car, en mettant sur la balance le retrait éventuel de ses troupes dans un environnement sécuritaire mal maîtrisé par les pays du Sahel, Emmanuel Macron n’offrait pas véritablement beaucoup de choix aux chefs d’Etat africains. L’une des mesures fortes est le recentrage des opérations militaires sur « le triangle de la mort »
Et face au péril, l’on peut comprendre qu’à leur corps défendant, les Présidents du G5 Sahel ont accepté de ravaler leur fierté et leur orgueil pour éviter d’exposer davantage leurs populations, d’autant que leurs armées peinent déjà à faire face à la situation sur le terrain. N’en déplaise aux souverainistes africains ou prétendus tels, qui devraient plutôt se trouver un autre terrain de lutte contre la « France impérialiste ».
En attendant, l’une des mesures fortes du Sommet de Pau est le recentrage des opérations militaires sur « le triangle de la mort » que représente la région des trois frontières (Mali, Burkina, Niger) considérée comme l’épicentre des attaques terroristes, avec un commandement conjoint Barkhane/G5 Sahel pour diriger les opérations, ainsi que le déploiement des forces spéciales européennes de la « Task force Takuba » qui viendront renforcer le dispositif de la force française à laquelle elles seront intégrées.
De quoi troubler le sommeil des terroristes, principalement de l’EIGS (Etat islamique au grand Sahara) qui a été clairement identifié comme la principale cible à abattre dans la région. La peur va-t-elle alors changer de camp ?
Toutefois, en tenant un tel sommet à grand renfort de tapage médiatique, tout en exposant la stratégie à adopter, l’on se demande si la France et ses partenaires du Sahel ne se tirent pas déjà une balle dans le pied et ne donnent pas l’occasion aux djihadistes de changer de stratégie.
Quand on sait par exemple, la forte capacité de mobilité des terroristes, l’on se demande s’ils ne vont pas déplacer leurs actions dans des zones jugées moins risquées pour eux, ou faire simplement profil bas en attendant une situation plus favorable.
En vérité cette rencontre a été gagnant-gagnant sinon même plus bénéfique pour le G5 Sahel en ce qu’elle marque un tournant profond dans la méthode d’approche en redéfinissant le cadre politique, et les objectifs. Et le plus important dans tout ça, c’est qu’il y aura désormais un commandement conjoint de la force Barkhane et de la force du G5 Sahel. En effet jusque-là, là où le bât blesse, c’est le partage de renseignements. Et comme le président Kaboré l’a souligné, «le partage de renseignements reste la clé de voûte du succès de nos combat sur le terrain ».
Cela voudrait dire que dans le cadre de ce nouvel accord, le renseignement que dispose Barkhane doit être automatiquement mis à la disposition du commandement du G5 Sahel. Obtenir de la France qu’elle accepte de partager ses renseignements avec le commandement du G5 Sahel est une victoire en soi.
Autre élément important dont les Sahéliens devraient se réjouir, c’est la clarification de la position de la France vis-à-vis de Kidal.
« Le retour de l’Etat malien à Kidal, cet objectif politique est indispensable et complémentaire de l’objectif militaire ». Ces termes sont du Président français. Alors que pendant longtemps (depuis son intervention au Mali en 2013), la France a toujours entretenu une position ambiguë par rapport à la présence militaire malienne à Kidal. Obtenir de la France cet engagement clair est également un bon point à prendre.
Paul Y. N’GUESSAN