Qu’il s’agisse de la sécurité ou de la situation politique, Assimi Goïta travaille avec une touche personnelle. On croyait que les Occidentaux avaient oublié les otages entre les mains des djihadistes se trouvant au Mali. Les Américains viennent de signaler leur attachement au suivi de ces otages en rencontrant le président Assimi Goïta. Déjà, le président de la transition a montré sa capacité à libérer les otages dans un passé récent.
Les forces spéciales maliennes dont Assimi est le patron ont en effet libéré plusieurs otages célèbres à travers des interventions discrètes des Forces armées maliennes (FAMa). Les progrès de l’armée nationale sur les groupes terroristes n’empêchent pas ces derniers de continuer à enlever des gens au Mali. Ainsi, les djihadistes détiennent plusieurs dizaines d’otages dont la majorité est constituée de citoyens maliens.
Mais ce qui attire le plus souvent l’attention est l’enlèvement d’étrangers qui constituent généralement des sources de revenus pour les terroristes. On comprend pourquoi les djihadistes ont tout fait pour prendre en otage deux ressortissants européens et un africain dans la localité de Koutiala au sud-est du pays. Cette localité est devenue une zone d’activité des terroristes qui n’ont pas pourtant revendiqué l’enlèvement des otages. Si les Occidentaux sont des proies privilégiées des preneurs d’otages, c’est à cause du prix que leurs pays d’origines sont prêts à payer aux terroristes. Ces rançons servent ensuite à financer une grande partie des activités des groupes terroristes. On sait que les djihadistes manquent actuellement de financement, ce qui pourrait expliquer la résurgence des prises d’otages occidentaux. En plus des deux occidentaux enlevés récemment, les djihadistes détiennent d’autres otages dont le journaliste français Olivier Dubois. Malgré la mobilisation des proches du journaliste français enlevé en 2021, les nouvelles le concernant sont rares. Le problème est que les autorités maliennes ont changé de politique vis-à-vis des terroristes qui font l’objet d’une chasse ouverte. Les forces armées maliennes sont dotées de moyens militaires importants pour traquer les djihadistes où ils se trouvent. Dans ce contexte, il y a peu de chance pour les négociations entre les preneurs d’otage et les familles des otages. Les pays européens n’ont jamais admis le paiement de rançons aux terroristes pour la liberté des otages, mais beaucoup d’otage ont pu regagner leurs domiciles grâce à des rançons. Les seuls cas de libération d’otage sans rançon semblent être ceux des trois otages chinois libérés en fin 2021. Il y a aussi la libération de la religieuse colombienne Gloria Cecilia, elle qui avait été aussi enlevée dans la localité de Koutiala en 2017. Si Assimi a des succès certains sur le plan sécuritaire, il n’en est pas du tout sur le plan politique.
Loi fondamentale
Tout le monde n’est pas content de la décision du président de la transition de créer une nouvelle constitution. En effet, une nouvelle Constitution est en voie d’être écrite pour dessiner les contours juridiques du Mali en pleine refondation. Les Maliens qui s’étaient habitués à la Constitution de 1992 veulent d’un pays régi par une loi fondamentale reflétant les réalités sociopolitiques du pays. Tout le
monde n’est pas d’accord avec l’adoption d’une nouvelle constitution, surtout que certains partis politiques et organisations de la société civile pensent que le moment n’est pas venu pour le faire. Mais les citoyens dans leur majorité ne se reconnaissent plus dans une constitution empruntée aux institutions françaises. L’une des tares de la Constitution de 1992 est qu’elle ne prend pas en
compte des évolutions des mentalités. Il y a trente ans, les Maliens n’accordaient pas d’importance aux questions linguistiques dans le développement. Aujourd’hui, les citoyens ont compris que les pays qui ont mis l’accent sur leurs langues les plus utilisées par la population ont fait des progrès certains dans le développement des sciences et des techniques ainsi que dans l’éducation des masses. La Constitution de 1992 fait du Français la seule langue officielle du Mali, alors que la grande partie de la population ne comprend pas cette langue. Pourtant, le Mali n’est pas mieux que des pays comme l’Afrique du Sud (11 langues officielles), le Rwanda (le Rwandais) ou encore l’Inde (22 langues officielles). Tous ces pays sont aujourd’hui cités en exemples pour leurs modèles éducatifs et économiques. Il appartient donc aux Maliens de mettre fin au déni linguistique en reconnaissant toutes les langues nationales comme des langues officielles et de travail. Le ton de cette réforme a été donné par les Assises nationales de la refondation(ANR) qui a eu lieu en décembre 2021. La nouvelle constitution doit prendre en compte d’autres aspects de ces assises comme la nécessité de trouver un compromis entre les Maliens du nord au sud afin de consolider la paix. L’accord d’Alger qui n’est pas consensuel a cependant des aspects qui peuvent être utiles à la nouvelle constitution. Les circonscriptions électorales, le mode de scrutin et bien d’autres détails administratifs seront liés au contenu de l’Accord d’Alger dont l’application doit être « intelligente ». Plusieurs fois, la Constitution de 1992 a fait l’objet de tentative de révision, mais toutes se sont soldées par un échec. On se souvient de « An Tè A Bana » de 2018, un mouvement qui s’est opposé à la révision de la
Constitution. Aujourd’hui, la réussite du projet de constitution dépendra du contenu des propositions. Le problème en 2018 était autour des pouvoir du président de la République. La nouvelle constitution s’attaquera à cette question, puisque les Assises nationales de la
refondation recommandent une diminution des pouvoir du président et la possibilité de révoquer le chef d’Etat en cas de faute grave.
Nampaga KONE
Source : La Preuve