Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

REGARD CRITIQUE : La Constitution ne vaut que par ce que nous en faisons

Réforme ! Réforme électorale ! Refonte constitutionnelle ! Un vent de modifications en profondeur voire de refondation souffle allégrement sur notre pays. Convaincus que nous sommes tous (ou presque), que les lois existantes sont la cause de tous nos maux, nous ne jurons que par leur mise à mort dans des procès populaires sans rémission. Or, plutôt de crier à la caducité ou à l’insuffisance de nos lois en cours, ne devons pas nous demander si nos habitudes communes à ne pas les appliquer ne constituent pas la vraie source de nos malheurs démocratiques ?

Voilà une vingtaine d’années que nous faisons du sur-place dans cette affaire de Constitution de 1992 ! Mon Dieu ! C’est un texte, pas un fétiche ! Les Maliens sont unanimes sur l’obligation de retoucher cette Loi fondamentale, depuis Alpha Oumar Konaré jusqu’à Ibrahim Boubacar Kéita, en passant par Amadou Toumani Touré. Ce que voulaient les trois pauvres hères, c’était d’adapter le texte fondamental aux réalités du Mali contemporain. Mais tous les prétextes ont été inventés, en son temps, pour refuser cette modification ; tantôt le Président sortant veut faire sauter un ou plusieurs articles pour s’incruster au pouvoir ; tantôt il veut emménager la place pour son successeur qui pourrait être un élément de son sérail ; tantôt il veut raffermir son pouvoir et devenir, ainsi, le seul habilité à prendre des décisions, toutes sortes de décisions, etc., etc.

 

Pour qui connaît Alpha Oumar Konaré, l’image d’un Président torpilleur de Constitution et l’image de celui qui veut s’éterniser au palais présidentiel lui vont aussi bien qu’une toge à un criminel. C’est tout de même lui qui a su vendre, au reste du monde, l’image d’une Démocratie malienne étiquetée, labélisée et reconnue comme modèle sur le continent ! C’est par lui que le Malien a recommencé à respirer la fierté d’appartenir à un pays respectable. Et pas qu’au Mali !

ATT, sans rien enlever à son mérite, a surfé sur ce précieux acquis pendant quasiment toute la durée de ses mandats. Lui qui passe pour être aujourd’hui le vrai bâtisseur, a su tirer son marron d’un feu allumé et laissé en héritage par son prédécesseur. Chez moi, l’on dit que « le fourmilier géant sue sang et eau pour bâtir un logis qui, de toute façon, reviendra au porc-et-pic ». L’Histoire est un juge dont le verdict est toujours péremptoire. Elle prépare patiemment son procès ; la sentence nous servira un jour la vérité sur un plateau d’argent. Patientons donc…

Revenons à cette Constitution-fétiche que personne n’a le droit de toucher, sauf Assimi Goïta ! C’est à lui que le peuple semble avoir laissé la main libre pour réinventer notre œuvre sacrée de 1992. Un rappel des conditions particulières de sa naissance serait opportun. Sa mère s’appelle Conférence Nationale ! Un événement qui devait mettre tous les problèmes du pays à plat et y concocter des solutions en trois mois. Le projet de Constitution était à son agenda. Une commission affûtée a fait un travail monstre dans le temps imparti. Oui, cela ne pouvait pas aller sans copier-coller. Il y eut beaucoup de bricolage, certes ; mais à sa sortie, la nouvelle Constitution était bel et bien conforme à nos attentes d’alors. Quelques esprits avertis (il y avait peu de constitutionnalistes dans le pays) avaient vite repéré les limites et les insuffisances du texte, mais il y a toujours plus de profanes que de savants. Et heureusement ! Nous étions plutôt transportés par la mini-révolution qu’était la cuisante défaite de la Constitution UDPM face à « notre » nouveau texte fondamental. L’enthousiasme qui a accueilli le nouveau-né cachait mal l’évidence que le projet était né dans la précipitation. Il est des fois où l’enthousiasme et la ferveur ne suffisent pas, un brin de réalisme serait plus juste et plus efficace. Mais bon… notre Constitution était là et cela suffisait. Près de onze ans après sa naissance, le régime Adema-PASJ avait proposé un toilettage bienvenu que les opposants acharnés du COPPO ont rejeté sans même attendre que le projet leur soit soumis. Alpha Oumar Konaré a sagement retiré son projet en le refilant à son successeur. Aucun argument valable n’est avancé par les opposants aux amendements constitutionnels planifiés par les différents régimes. Ils se sont agrippés, des années durant, à ce texte dont ils laissaient croire que toute retouche qu’il subirait provoquerait la fin de la démocratie et attirerait dans le pays tous les péchés d’Israël. Mais les mêmes sont aujourd’hui enthousiastes devant la perspective de la rédaction d’une nouvelle Constitution ! Hier, impossible de la remanier ; aujourd’hui, sa mise à mort programmée est une bénédiction ! Ceux qui ont mordu la poussière en 1992, à travers la mort de la Constitution de 1974, ont la belle occasion de prendre leur revanche aujourd’hui. Et je les vois jubiler de bonheur déjà ! Les acteurs victorieux en 1991 sont bel et bien vaincus de nos jours. Ce qui n’est pas grave en soi ; mais qu’ils soient assujettis à une espèce de honte d’avoir gagné une lutte de plusieurs années sur une des dictatures les plus sinistres de l’histoire, c’est cela le comble ! A mon avis, les acteurs du Mouvement démocratique n’ont pas à abandonner le terrain devant ceux qu’ils ont vaincus il y a trente ans. Ils n’ont pas non plus à raser les murs dans ce pays qu’ils ont sauvé et pour lequel ils ont risqué leurs vies. Il y a une rodomontade que l’on a laissée circuler dans le pays depuis plusieurs années, c’est que “notre démocratie ne fut qu’un échec“. Les concepteurs de ce mensonge ont si savamment orchestré leur tour de passe-passe, qu’ils ont réussi à en convaincre les acteurs mêmes de l’avènement de la démocratie. Il est vrai, cette démocratie est restée poussive pendant des années ; elle a parfois été galvaudée voire travestie. Mais je crois que son tort est qu’elle n’a pas su prendre le tournant historique au bon moment. Et le toilettage avorté de notre Constitution en 2001-2002 n’y est pas étranger.

Outre la démocratie, il y a énormément de choses à revoir dans tous les domaines, certes. Mais ce n’est pas comme si le Mali Kura tant vanté naissait à partir du néant. Il y a déjà un cadre démocratique, des hommes et des femmes valables, patriotes, honnêtes et déterminés. Même s’ils doivent accepter un recyclage voire un formatage complet de leur logiciel. De sorte qu’ils puissent devenir nouveaux dans un Mali nouveau.

Elle est réclamée à cor et à cri depuis des lustres. Mais la nouvelle Constitution ne sera certainement pas une recette miracle, encore moins une panacée à tous les maux maliens. Un texte de loi ne vaut que par l’application qu’on en fait. Or, les Maliens sont champions toutes catégories de la discipline relâchée, du laxisme et de l’incivisme. Nous ne brillons que par notre aptitude à contourner la légalité. Les pouvoirs publics ne sont pas étrangers à ce fait. Ça ne sert à rien de voter des lois si personne ne s’y soumet. Changeons de Constitution ; mais changeons surtout de mentalité et de comportement. Nous créerons alors un cadre favorable à l’épanouissement des citoyens et au développement. Cela fait plusieurs années que nous souhaitons et attendons cette Constitution conforme aux aspirations actuelles. Vivement qu’elle vienne ! Mais qu’on daigne surtout la respecter.  C’est cela mon avis.

Tiécoro Sangaré

Chapô de M. M. TEMBELY

Source: Journal Les Échos- Mali

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance