La semaine dernière (mardi 12 et jeudi 14 octobre 2021), le président de la Transition a reçu les rapports annuels du Bureau du vérificateur général (BVG) et de l’Office central de lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI). Sur une période de six ans (2014-2020), on a retrouvé dans les comptes bancaires de 9 fonctionnaires 3,7 milliards de francs CFA au lieu de 444 millions de revenus légitimes. C’est ce qui ressort du rapport 2020 de l’OCLEI. Autant dire que, malgré la pléthore des structures de prévention et de répression, la corruption et la délinquance financière ont pris des proportions inimaginables dans notre pays. Mais, le Colonel Assimi Goïta est déterminé à couper la tête de la pieuvre et à neutraliser tous ses tentacules. Le défi est énorme car cette lutte va au-delà de la transition en cours.
«Je me réjouis d’avoir reçu ce matin (jeudi 14 octobre 2021), les rapports annuels 2019 2020 de l’OCLEI et le rapport d’étude relative à la déontologie des agents publics au Mali. Je salue les énormes efforts pour aboutir aux résultats qui méritent des encouragements» ! Telle est la réaction sur twitter du président de la Transition, Colonel Assimi Goïta, après avoir reçu les rapports de l’Office central de la lutte contre l’enrichissement illicite (OCLEI).
«Vos rapports nous confortent dans notre vision d’un Mali nouveau. Un Mali où les citoyens ont accès à l’eau potable, à la santé, à l’éducation aux routes de bonne qualité… Nous vous félicitons et vous encourageons à poursuivre votre mission car le Mali attend beaucoup de vous», a souligné le chef de l’Etat.
Des documents qui portent sur des actions menées entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020. Au titre de la prévention, par exemple, l’OCLEI a mené 19 activités d’information et de sensibilisation à travers le pays. Il a ainsi accompagné la mise en place de la Plateforme des organisations syndicales de lutte contre la corruption composée de 3 centrales syndicales et de 6 syndicats. Il a également noué un partenariat avec les confessions religieuses pour assurer la prévention de l’enrichissement illicite sous l’angle des religions.
Au titre de la contribution à la répression, l’office a transmis à la justice 9 dossiers d’enrichissement illicite présumé. La valeur des biens présumés illicites dans ces 9 dossiers s’élève à près de 7 milliards Cfa (6, 995 milliards de F Cfa). Dans ces dossiers, les enquêteurs de l’OCLEI ont identifié 384 biens immobiliers, soit 34 maisons d’habitation, 72 bâtiments commerciaux ou professionnels, 139 parcelles et 78 concessions rurales totalisant 181 hectares. Et le montant total des entrées sur les comptes bancaires des 9 personnes s’élève à 3,671 milliards de F Cfa de 2014 à 2020.
Dans la même période, leurs revenus légitimes s’élèvent à 444 millions Cfa. Les personnes concernées sont un comptable, quatre cadres financiers, deux maires, un ministre et un préfet. Le président de l’OCLEI, Dr Moumini Guindo, a souligné que les 3 dossiers transmis en 2019 ont été traités par le procureur de la République pendant environ plusieurs mois en application des textes qui, dans ce domaine, insistent sur les droits de la défense dans ce domaine. Et deux d’entre eux ont été inculpés par des juges d’instruction qui, en outre, ont pris des mesures conservatoires sur certains biens identifiés par l’OCLEI.
Pour l’ensemble des dossiers, la procédure judiciaire est en cours sans aucune implication de l’OCLEI. En effet, selon les textes «la transmission du rapport au procureur dessaisit l’Office central», précisé M. Guindo.
L’INPS sur la sellette
Au titre des études et recommandations, l’OCLEI a analysé certaines charges de personnel de l’Institut national de prévoyance sociale (INPS). Il a constaté qu’en dehors de toute légalité, le Directeur général adjoint de l’INPS a perçu 353,72 millions F Cfa comme indemnités de départ à la retraite. De la même manière et au même titre, l’agent comptable a perçu 1,700 milliards de F Cfa. Par mois, le directeur général adjoint reçoit une pension de plus de 6 millions de F Cfa ; et l’agent comptable plus de 8 millions de francs F Cfa.
En outre, le Directeur général de l’INPS perçoit un salaire brut de 54 millions de francs CFA par mois. La rémunération de ces 3 dirigeants s’élève à presque 2 milliards Cfa (1,900 milliard de francs CFA par an, soit 7 % de la masse salariale de l’ensemble des 1 197 employés de l’INPS. La masse salariale totale de l’INPS atteint 21 % de ses revenus récurrents alors que le ratio de référence de la Conférence interafricaine de la prévoyance sociale (CIPRES) est de 15 %. L’OCLEI a donc recommandé aux autorités de procéder au recouvrement des sommes indûment perçues au titre des indemnités et pensions de retraite et de veiller sur le fonctionnement du Conseil d’administration de l’INPS.
«Le désir d’équité et la soif de justice du peuple malien augmentent de jour en jour» !
Le Vérificateur général, Samba Alhamdou Baby, a aussi remis son Rapport annuel 2020 au président de la Transition, Colonel Assimi Goïta, le 12 octobre 2021. Il a indiqué que de 39 en 2019, les saisines sont passées à 48 en 2020. Treize saisines ont fait l’objet de programmation de missions de vérification, 27 ont été classées et 8 sont en cours de traitement. Lors de la cérémonie de remise officielle du document, le chef de l’État a salué le travail abattu et rappelé le rôle indispensable de la structure dans le processus de lutte contre la corruption et la délinquance financière dans notre pays
«En plus des autorités de la Transition, c’est tout le peuple qui est fier de votre détermination dans la documentation des irrégularités dans la gestion des services publics. Plus que le respect d’une simple tradition de remise solennelle de votre rapport annuel, votre action trouve sa signification dans les aspirations profondes du peuple malien dont le désir d’équité et la soif de justice augmentent de jour en jour», a souligné le Colonel Assimi Goïta. Et d’ajouter, «nous devons honorablement mener cette lutte afin que notre pays retrouve sa souveraineté économique et assure l’épanouissement de ses populations», a souhaité le président Assimi Goïta conscient que cela est une attente forte des Maliens.
Et cela d’autant plus que les malversations financières dépassent tous les seuils imaginables dans notre. Et les chiffres contenus dans ce nouveau rapport l’attestent. Au niveau de l’ambassade du Mali en Côte d’Ivoire par exemple, la mission de vérification a mis en évidence des irrégularités financières à hauteur de 2,59 milliards de F Cfa.
Moussa Bolly
Source : Le Matin