Ça sentait déjà la poisse pour l’URD depuis que le gouvernement a décidé de suspendre le Maire Alou Coulibaly, celui-là même qui a été choisi en toute souveraineté par les populations de la Commune VI. Les plus avertis savaient déjà l’épilogue de cette affaire, avant qu’on ne finisse par donner corps à ce qui était envisagé : la révocation du Maire Coulibaly !
« Un coup à l’Alternance démocratique au Mali et un déni de démocratie, frisant avec l’usage de la force contre une volonté populaire exprimée dans les urnes, celle des citoyens de la Commune VI », telle avait été la substance des commentaires des proches de Soumaila Cissé.
Si rien n’a pu faire fléchir le gouvernement dans sa décision, l’URD, en foi de la nouvelle loi électorale, fut quand-même remis dans ses droits, avec le remplacement de Alou Coulibaly par Boubacar Kéita, un autre élu URD, dans le fauteuil du maire, le parti de Soumaila Cissé étant arrivé premier en tête en Commune VI à l’issue des communales de 2016.
Mais c’est bien ce dernier qui va s’avérer par la suite un grillon pour son parti, lorsqu’après son installation, l’une de ses premières actions aura été de chasser de leur poste tous les conseillers URD qui étaient à la tête des centres d’Etat-civil secondaires de la Commune VI comme maires délégués et de procéder à leur remplacement par des conseillers RPM et ADEMA.
Si administrativement, nul ne pouvait lui disputer une telle décision, moralement et politiquement, ceci constituait une faute très grave, pour ne pas dire une trahison envers sa famille politique et envers ses camarades conseillers de l’URD, mais aussi une trahison vis-à-vis des électeurs de la Commune VI. Et le comble de la trahison fut la démission de Boubacar Kéita de l’URD en décembre dernier à la veille même du congrès du parti.
Une démission qui relance les débats sur la transhumance politique
Transhumance politique, vagabondage politique, prostitution politique, très peu des mots suffiraient pour qualifier ce péché qui suit nos acteurs politiques. Le cas Boubacar Kéita est encore plus grave, car c’est grâce à l’URD et suite au complot du gouvernement contre le Maire élu de la Commune VI, Alou Coulibaly, qu’il fut désigné maire en remplacement à ce dernier.
En son temps, le Dr Bréhima Fomba, Constitutionnaliste et Professeur de Droit avait donné son point de vue sur le rapport du Comité Daba Diawara sur la révision de la loi électorale. « Le nomadisme ou transhumance politique que d’aucun assimilent à de la « prostitution politique », pose en effet aujourd’hui un problème éthique à l’expérience démocratique malienne », avait-il fait savoir.
Prenant l’exemple dans son analyse sur le cas des députés, il avait développé : « A cause de la transhumance politique, l’Assemblée nationale de notre pays est constituée aujourd’hui de deux types de députés : les députés élus et les députés achetés. Aux députés élus, s’ajoutent désormais cette seconde catégorie constituée de députés achetés généralement à coup de millions grâce notamment à des fonds occultes ou des fonds politiques alloués aux patrons de certaines institutions de la république, dans le but de fabriquer de toute pièce des majorités alimentaires mécaniques ».
Aussi, le Comité Daba, avait qualifié le nomadisme politique de «changement d’étiquette politique en cours de mandat », avait proposé en conséquence des sanctions : « … tout en sauvegardant les principes de base du régime représentatif et de la liberté de toute personne d’adhérer au parti de son choix, donc de changer aussi ce choix, le Comité propose que les textes concernés soient relus pour frapper d’inéligibilité pour les deux plus prochaines élections générales (législatives et municipales) tout député, conseiller national, membre d’assemblée régionale ou de conseil de cercle, tout conseiller communal qui changerait d’étiquette politique en cours de mandat ».
En tout état de cause, avait souligné le Dr Bréhima Fomba, « l’interdiction du nomadisme politique soulève de nombreuses interrogations. Que faudrait-il entendre par « quitter son parti » ou « changer d’étiquette politique ? S’agit-il de cas de démissions, d’exclusion du parti, d’indiscipline de vote, de fusion ou de scission du parti, etc… ? Une autre problématique importante de l’interdiction nous paraît liée à son fondement juridique. Quel en sera le support juridique : constitution, loi organique ou loi ordinaire ? … ».
Et de conclure : « Nous estimons à cet égard que la procédure d’interdiction du nomadisme politique par la voie législative aura toutes les allures d’un saut d’obstacles quasi infranchissables. Dans ces conditions, c’est la voie de la révision constitutionnelle qui semble offrir le meilleur parcours juridique menant à l’interdiction du nomadisme politique au Mali ».
Autant dire que le Maire Boubacar Kéita peut continuer à abuser de la confiance des électeurs de la Commune VI en l’absence de support juridique permettant de mettre fin à cette situation. De plus en plus décrié dans sa gestion, et aussi préoccupé qu’il est par ses propres affaires en tant qu’entrepreneur ou par ses nombreux voyages de villégiature à l’extérieur, les citoyens de la Commune VI vont donc devoir prendre leur mal en patience en attendant les prochaines élections municipales…
A moins que le gouvernement ne trouve le moyen de recadrer les choses avant qu’il ne soit trop tard, car tout indique à croire que le Maire Boubacar Kéita et ses complices, qui ont tout taillé à leur propre mesure en Commune VI, vont continuer à piller les ressources en toute impunité !
Seydou DIALLO
Source: Journal le Pays- Mali