En dehors de son rôle socioculturel, la route est un outil incontournable du développement durable. Feu le président Amadou Toumani Touré l’avait compris. C’est pourquoi il en avait fait une priorité de ses projets de société, notamment du Projet pour le développement économique et social (PDES). Malheureusement, de 2013 à nos jours, il ne reste presque rien de l’immense réseau routier hérité de ses deux mandats. Et cela en partie faute d’entretien adéquat. C’est pourquoi peu de Maliens sont surpris que l’Agence d’exécution des travaux d’entretien routier vérification financière (AGEROUTE) soit épinglée dans le rapport 2020 du Bureau du Vérificateur général (BVG).
«La route du développement passe par le développement de la route» ! Telle a été une conviction toujours exprimée par feu le président Amadou Toumani Touré (4 novembre 1948 à Mopti et 10 novembre 2020 à Istanbul, en Turquie) pendant ses deux mandats (2002-2007 et 2007-2012). Et il avait fait du désenclavement intérieur et extérieur du Mali une priorité absolue de ses projets de société, notamment du PDES. Ainsi, en huit ans, ATT a réalisé le double du linéaire des routes bitumées et six fois le nombre des ouvrages d’art réalisés pendant la même période.
En effet, les statistiques font ressortir que de 1960 à 2002, le Mali disposait seulement de 3 190 km de routes bitumées, 1 952 km de routes en terre et 12 559 km de pistes et de ponts. Sur la période 2002-2012, le Mali a réalisé plus de 6 000 km de routes bitumées, sans compter le linéaire des routes en terre modernes et des pistes rurales. Sur le plan technique, les ouvrages d’art étaient au nombre de 12, soit 10 ponts et deux échangeurs : l’échangeur multiple de Bamako et celui de Ségou, au carrefour de Markala. Le coût total de ces investissements est estimé à 896 milliards de F Cfa.
Que reste-il de ce fabuleux héritage routier ? Un petit tour dans les différents quartiers des communes de Bamako vous permettra aisément de trouver une réponse à cette question. En 7 ans, le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita n’a pas pu non seulement renforcé ce réseau de désenclavement du pays (la plupart des chantiers lancés par IBK ne sont pas encore achevés faute d’études sérieuse ou de financement adéquats), mais peu d’efforts ont été consentis pour bien entretenir l’existant. Le pays est pourtant doté d’un fonds d’entretien routier. Des ressources dont la gestion a été beaucoup décriée ces dernières années.
C’est donc sans surprise que l’Agence d’exécution des travaux d’entretien routier vérification financière (AGEROUTE) ait été épinglée dans le rapport 2020 du Bureau du Vérificateur général (BVG). Une vérification financière qui a porté sur les opérations de dépenses effectuées sur le Fonds d’entretien routier financé sur budget national au titre des exercices 2016, 2017, 2018 et 2019 (1er octobre). Selon le BVG, il s’agissait de «s’assurer de la régularité et de la sincérité des opérations de dépenses ainsi que du respect de la réglementation en matière de recrutement du personnel». Et cette vérification a mis en évidence de nombreuses irrégularités administratives, relevant notamment des dysfonctionnements du contrôle interne. La Direction générale de l’Ageroute a par exemple ouvert, sans l’autorisation du ministre chargé des Finances, six comptes bancaires où sont déposés les ressources pour son financement et les fonds d’origine extérieure. Et elle ne dispose d’aucun quitus matérialisant l’achèvement des travaux des 16 conventions de maîtrise d’ouvrage déléguée exécutées durant la période sous revue…
On comprend alors aisément que la vérification ait mis en évidence des irrégularités financières à hauteur de 895,51 millions de F Cfa. La Transmission et la dénonciation de faits par le Vérificateur général au président de la section des comptes de la Cour suprême et au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako (en charge du pôle économique et financier) portent sur la passation irrégulière de marchés pour un montant de 868,11 millions de F Cfa ; le paiement d’avantages indus au Délégué du contrôle financier pour un montant de 16,3 millions de F Cfa ; la minoration des droits d’enregistrement d’un contrat de marché pour un montant de 1,95 million de F Cfa ; le non-reversement de la redevance de régulation à l’Autorité de régulation des marchés publics et des délégations de services publics pour un montant de 325 000 F Cfa ; la non-retenue de l’impôt sur le revenu foncier, de la taxe foncière et de l’impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux pour un montant de 8,83 millions de F Cfa.
A l’issue de la vérification, le BVG a recommandé la mise à jour du manuel de procédures de l’agence ; l’obtention de l’autorisation du ministre chargé des Finances pour l’ouverture des comptes ; la mise à disposition de quitus relatifs à la clôture des conventions ; l’élaboration des dossiers d’appel d’offres sur la base des «Dossiers-types d’Appel d’offres» en vigueur ; l’information par écrit des soumissionnaires non retenus du rejet de leurs offres ; l’exigence des titulaires de marchés, la fourniture des cautions de bonne exécution dans les délais réglementaires… le respect des procédures de passation des marchés publics et la tenue de l’ensemble des documents de la comptabilité-matières conformément à la réglementation en vigueur.
Naby
Source : Le Matin