INTERVIEW SANTÉ
PR. YACOUBA DIALLO, HÉMATOLOGUE A L’HÔPITAL DU MALI
« Plusieurs personnes meurent d’anémie par manque de prise en charge »
L’anémie est une diminution du taux de sang dans l’organisme. Selon notre interviewé, Pr. Yacouba Diallo, hématologue à l’hôpital du Mali, cette maladie fait plusieurs morts dans notre pays, du fait d’un manque de prise en charge.
Les Échos : Qu’est-ce que l’anémie ?
Pr. Diallo : L’anémie, de façon schématique, est une baisse des capacités de sang dans l’organisme à assurer pleinement la fonction essentielle attribuée aux globules rouges, qui est le transport d’oxygène. Naturellement, cette baisse est due à une diminution de l’hémoglobine (composante essentielle dans la formation des globules rouges).
Les Echos : Qu’est-ce qui caractérise l’anémie ?
Pr. Diallo : Comme je le disais tantôt, les globules rouges assurent le transport de l’oxygène des poumons vers les tissus, et le gaz carbonique des tissus vers les poumons. Cette fonction est assurée grâce à la présence de l’hémoglobine. C’est pour cela que sa baisse entraîne forcément une diminution de la quantité d’oxygène à transporter au niveau des tissus. Dès lors, la personne souffrant d’anémie aura des essoufflements lorsqu’elle fournit le moindre effort. En plus, elle aura des vertiges, une diminution de la coloration des pigments au niveau des conjonctures c’est-à-dire dans le bas des yeux et au niveau des mains. En gros, c’est toute la peau qui se blanchit quand l’anémie atteint un stade compliqué.
Les Echos : Quels sont les types d’anémie ?
Pr. Diallo : On peut considérer trois 3 groupes d’anémie en fonction de la taille et la coloration des globules rouges. Ainsi, on distingue des anémies microcytaires, macrocytaires et normocytaires. Les causes de la survenue de la maladie sont aussi considérées en fonction de la nature des différents types d’anémie. Vous verrez que, généralement, les anémies microcytaires sont dues à une carence en fer ou à un processus inflammatoire. Pour les anémies macrocytaires, on pensera à une carence en vitamine B12 ou aux maladies hépatiques. Quant aux anémies normocytaires, elles sont liées à des causes rénales ou à des cassures des globules rouges. Ces cassures provoquent parfois une autre maladie qu’on appelle l’ictère ou la jaunisse.
Les Echos : L’anémie peut-elle avoir autres causes outre que celles que vous venez de citer ?
Pr. Diallo : Il faut comprendre que l’anémie est un signe. Comme je l’ai expliqué, il s’agit d’une diminution du taux d’hémoglobine. Cette baisse peut avoir plusieurs causes, notamment celles dues à la production des globules rouges en question et les causes périphériques. En effet, les défauts liés à la production du sang peuvent être quantitatifs c’est-à-dire que la quantité des cellules souches qui produisent les globules rouges peuvent être diminuées. Néanmoins, on peut aussi avoir une bonne quantité de cellules souches mais avec des problèmes pendant le processus de maturation. Ces problèmes empêchent les plus petits globules rouges de se développer pour assurer leur rôle. Par causes périphériques, on fait référence à une perte excessive de globules rouges déjà matures, des pertes de sang ou un manque des composants comme le fer, les vitamines B12 et B9. Vous verrez donc qu’un patient qui a une carence en fer aura envie de manger de la terre et fera des infections à répétition. Les patients qui ont des carences en vitamine B12 seront confrontés à des troubles neurologiques comme les fourmillements au niveau des extrémités.
Les Echos : Quelles sont les personnes les plus exposées à cette maladie ?
Pr. Diallo : Tout le monde est exposé à l’anémie. Par contre, on peut dire que les anémies microcytaires sont fréquentes chez les femmes qui font des règles abondantes ou qui ont les ulcères. Les ulcères et les cancers peuvent être à l’origine des saignements qui ne sont pas souvent visibles à l’œil nu. De même, les maladies du foie et la drépanocytose peuvent être causes d’anémie. En somme, tout le monde peut être atteint d’anémie sans discrimination de sexe ni d’âge.
Les Echos : Quelles peuvent être les conséquences de cette pathologie ?
Pr. Diallo : C’est une maladie qui peut donner naissance à des insuffisances cardiaques secondaires, vu que l’organisme va essayer de s’adapter à la baisse du sang. Chose qui demande des efforts supplémentaires au cœur. Autres conséquences sont les déficits majeurs que causent les infections. Pire, l’anémie peut causer la mort si le malade n’est pas pris en charge le plus rapidement possible. Malheureusement, au Mali, plusieurs personnes meurent de cette maladie, faute de prise en charge.
Les Echos : Est-ce que les hôpitaux maliens disposent des moyens nécessaires pour la prise en charge de l’anémie ?
Pr. Diallo : Nous avons les moyens pour savoir si une personne a la maladie ou pas. Mais pour connaître la cause de la baisse du taux d’hémoglobine, on fait souvent des examens qui vont du plus simple au plus compliqué. Et, malheureusement, certains examens ne sont pas faisables au Mali.
Les Echos : Comment peut-on la prévenir ?
Pr. Diallo : La prévention de l’anémie se fait avec la prise en charge précoce. Il faut régulièrement faire des bilans pour voir si notre organisme fait face à une baisse du taux d’hémoglobine. Il faut que les gens comprennent que toutes les personnes qui souffrent d’anémie n’ont pas forcément une carence en fer. L’anémie peut même être passagère, dans le sens où le malade fait une période de paludisme, par exemple. Dans ce cas précis, quand on traite le palu, l’anémie s’en va avec. Par contre, tel n’est pas le cas pour les causes génétiques. Je le redis : il faut mettre un accent sur la prise en charge précoce et adaptée.
Entretien réalisé par
Siguéta Salimata DEMBÉLÉ
Source: lesechosmali