Payer pour un service que nous sommes en droit de recevoir est devenu monnaie courante au Mali et ailleurs. Dans les services publics maliens, c’est de simples standardistes, receveurs de courriers ou secrétaires qui s’adonnent à cette pratique dite de « petite corruption ». Faute de répression, le « mal » leur réussi plutôt bien.
Le fait d’attendre des citoyens qu’ils paient des pots-de-vin afin qu’un employé du secteur public leur fournisse le service qu’ils sont en droit de recevoir est ce qu’on appelle la « petite corruption ». Cet employé abuse de sa position pour arrondir ses revenus au détriment des citoyen(ne)s et du service lui-même.
Beaucoup d’usagers subissent le poids de cette corruption quand ils tentent d’avoir accès aux services publics de base. Au Mali, plusieurs personnes affirment avoir versé un pot-de-vin pour être rapidement satisfait.
« Même si tu ne penses pas à cela, raconte Moussa, un jeune coursier, ce sont les agents eux-mêmes qui t’incitent à contourner le circuit. De 1000 F CFA jusqu’à 10 000 F CFA, le montant varie selon les services demandés ».
Pour Samba, ayant fait les frais de la « petite corruption » au Trésor public de Bamako, le prix est fixé. Pour voir son mandat versé dans son compte bancaire, on n’hésite pas à vous demander de payer 10 000 F CFA rubis sur l’ongle pour être rapidement servi.
« Cher monsieur, c’est mieux de payer 10 000 F CFA pour que les choses bougent vite. Sinon vous aurez à attendre. Le circuit est lent d’habitude. Je me charge personnellement de votre dossier ! » Telle est la phrase toute faite utilisée comme leitmotiv dans ce service et dans plusieurs autres pour arnaquer les honnêtes usagers de l’administration publique.
En plus du Trésor public, dans les tribunaux ou la police, les usagers ne manquent pas d’anecdotes. Ils se trouvent être les services les plus corrompus de toute la chaîne administrative, selon de nombreux témoins. Ensuite viennent les services de douanes.
Pour faire légaliser un document administratif au tribunal, les standardistes se font les poches. Pour un document qui se légalise à 1000 F CFA habituellement, les moins nantis se font extorquer 1000 F CFA de plus. Des standardistes leur prennent 2000 F CFA pour la légalisation de leur document. Pendant que d’autres se cachent pour le faire, certains le disent clairement, « mon déplacement pour suivre ton document est de 1000 F CFA. Le service est plus rapide si c’est moi », avancent-ils. Et c’est ce qui arrive dans la plupart des cas. Au lieu de revenir vers 15 h récupérer votre document, vous attendez juste quelques minutes et le tour est joué !
La police est le fleuron de la chaîne. Les policiers maliens rackettent au su et au vu de tout le monde. Le fait ne scandalise plus personne à tel point qu’il est devenu banal de donner un billet de 500 ou 1000 F CFA, voire des pièces de monnaie à un policier et de continuer son chemin. La scène se joue en un tour de main rapide en catimini et l’infraction, si c’en est une, est oubliée.
La petite corruption entrave sérieusement les services publics. Les citoyens sont floués. Elle anéantit le principe du traitement équitable et ébranle l’intégrité des employés du secteur public. Ce qui devrait être un service public n’est alors plus qu’une simple transaction commerciale. Elle met également en mal la volonté publique de s’attaquer à la corruption à grande échelle. Il s’avère plus que nécessaire de mettre un terme à ce phénomène de la petite corruption.
Aminata Traoré
Source: lesechos