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Idrissa Soumaoro, musicien et Professeur de musique : «Amadou a été un très bon instrumentiste, très intelligent et qui apprenait vite»

Du début à la fin, il a joué un rôle important dans la carrière de feu Amadou Bagayoko (arraché à l’affection de ses fans et des mélomanes le 4 avril 2025). De l’Institut des jeunes aveugles (IJA) à «Miriya» en passant par «Les Ambassadeurs du Motel», le maestro Idrissa Soumaoro a été l’illustre disparu un mentor, un compagnon, un ami puis un inséparable frère. Bien que sonné par cette brusque disparition de son protégé, la star du Djitoumou a accepté de nous accorder un entretien quelques heures après le décès d’Amadou Bagayoko. Il y aborde leur rencontre, leur parcours ensemble… Interview !

-Le Matin : Qu’avez-vous systématiquement ressenti en apprenant le décès d’Amadou Bagayoko ce 4 avril 2025 ?

Idrissa Soumaoro : Chaque fois qu’Amadou et Mariam sont à Bamako, ils viennent nous rendre visite à domicile. Mariam est l’homonyme de ma femme. Il fut un moment où je pouvais dire que le couple vivait chez moi. Il avait son domicile, mais il considérait le mien comme le sien et vice versa. Nous nous préparions d’ailleurs à leur rendre visite. Mais, cela faisait quelques jours que je ne parvenais à joindre au téléphone ni Amadou ni Mariam. Finalement, c’est le chauffeur que j’étais parvenu à joindre et qui m’a informé de sa maladie en m’assurant qu’il se portait mieux maintenant.

Mais, à ma surprise cet après-midi (vendredi 4 avril 2025), j’étais allongé et en train de somnoler quand ma femme est entrée pour m’annoncer qu’Amadou est décédé. Je n’en revenais pas parce qu’on m’avait assuré que son état s’est beaucoup amélioré et qu’il avait même l’appétit. Nous nous sommes immédiatement rendus chez eux pour assister Mariam.

Idrissa Soumaoro et feuAmadou Bagayoko dans les années 90

Je suis abasourdi par cette nouvelle parce que je ne m’attendais pas à ce que «Tié ba» (grand homme) nous quitte si tôt. La dernière fois qu’il est passé, il était très en forme. Et je crois que je ne suis pas le seul surpris parce que les gens n’ont pas cessé de m’appeler pour avoir la confirmation, aussi bien du Mali que d’ailleurs, notamment l’Europe. Ce qui se comprend aussi puisque nous vivons une époque où des individus s’amusent à tuer les personnalités sur les réseaux sociaux. Mais, telle était la volonté d’Allah face à laquelle nous devons garder la foi. Seuls la foi et le temps pourront nous faire accepter et nous consoler progressivement de cette immense perte, de la mort d’Amadou.

-Vous attendiez-vous à ce qu’Amadou et Mariam réussissent une si longue et brillante carrière musicale ?

I.S : C’était prévisible ! Amadou et Mariam se sont aimés à travers ce qu’ils aimaient, la musique. Amadou avec la guitare et Mariam avec sa beauté vocale étaient voués à la réussite. Amadou a d’abord joué avec «L’Eclipse», un groupe de sensibilisation composé d’élèves non-voyants et de formateurs. Et avant mon départ en Angleterre, j’avais constitué le groupe «Miriya» essentiellement composé de non-voyants avec Amadou comme chef d’orchestre et Mariam comme chanteuse principale.

À mon retour, Amadou et Mariam avaient pris leur destin en main pour mieux s’épanouir sous d’autres cieux, car ici, ce n’était pas facile. Ils ont ainsi été, entre autres, au Burkina, en Côte d’Ivoire… avant de s’installer en France où la réussite leur a souri. Leur talent a tout de suite fait l’unanimité et les gens les ont adorés. Dès leur début, j’étais convaincu que le couple était promis à une belle carrière, même s’il devait franchir beaucoup d’obstacles pour la réaliser.

-Quel est votre regard d’expert sur le parcours d’Amadou et Mariam ?

I.S : Leur parcours est authentique. Le couple a été confronté à beaucoup de difficultés qu’ils ont toujours su surmonter par leur détermination à se faire une place au soleil et aussi grâce au soutien de leurs producteurs, notamment le regretté Markus (Marc-Antoine Moreau, manager et producteur d’Amadou et Mariam décédé le 6 décembre 2017). Ils ont presque toujours en eu en face des gens qui les comprenaient parce qu’ils les aimaient. Ils ont ainsi aisément conquis l’Europe. Leur carrière a toujours été sur une courbe ascendante. D’ailleurs Amadou a tiré sa révérence alors qu’ils attendaient leurs billets pour retourner en France (le 13 avril 2025) afin de reprendre leur tournée mondiale.

Dieu en a décidé autrement. Mais, ils ont à leur actif un brillant parcours que Mariam aura la redoutable mission de poursuivre, mais seule maintenant. Amadou fut un très bon instrumentiste, très intelligent et qui apprenait rapidement. Quand nous avons reçu de nouveaux instruments de notre marraine, la regrettée ex-Première Dame Sissoko Mariam Traoré, on s’enfermait pour travailler ensemble. Nous, Amadou et moi, nous comprenions du tic au tac quand il s’agissait de composer un nouveau morceau. Cela a été une École pas pour nous deux seulement, mais pour tout le monde, pour tous ceux qui ont participé et contribué à ces différentes initiatives.

-Vous vous êtes aussi côtoyés chez «Les Ambassadeurs» ?

I.S : Avant l’Institut des jeunes aveugles (IJA), Amadou m’a trouvé chez «Les Ambassadeurs du Motel» en 1974, donc un peu après Salif Kéita et moi. Il jouait de la guitare médium aux côtés de feu Manfila Kanté avec sa guitare solo. Quand il est venu à Bamako, après Koutiala et Sikasso, Amadou avait déjà attendu mes chansons, notamment à travers des émissions de la radio nationale comme «Disques demandés» (choix musical des auditeurs), il m’a cherché. Il s’est trouvé que nous étions logés dans la même zone, lui logeait à Bagadadji et moi, j’étais à Quinzambougou. Donc, depuis le début des années 70, il a commencé à me fréquenter avant qu’on ne se retrouve en 1974 au sein de «Les Ambassadeurs».

En 1978, quand le groupe s’est installé en Côte d’Ivoire, je lui ai dit : «Amadou, j’ai toujours eu des difficultés en tant qu’enseignant-musicien, car la musique m’amène souvent à sortir contre la volonté de mes employeurs. Avec le temps, si je ne fais pas attention, je risque de perdre mon travail qui est l’enseignement de la musique, et non sa pratique. Comme les autres sont partis en Côte d’Ivoire, je pense qu’il serait bon qu’on aille à l’IJA…». Déjà que lui et Mariam se connaissaient, ils chantaient ensemble fréquemment, c’était une bonne occasion de monter un groupe de sensibilisation en faveur des handicapés visuels. À l’époque, naître aveugle était considéré dans de nombreuses zones rurales comme une malédiction. Certains étaient tentés d’abandonner leurs enfants non-voyants.

Nous avons donc décidé de nous lancer dans la sensibilisation afin d’amener les uns et les autres à comprendre que l’enfant non-voyant est un don de Dieu comme tous les autres. Et comme ceux-ci, il peut être scolarisé pour apprendre à écrire, à lire et occuper plus tard des postes comme les voyants. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés à l’IJA où nous avons formé «L’Eclipse» avec des enseignants voyants et des élèves non-voyants ou malvoyants.

Amadou encadrait les guitaristes, j’enseignais les théories et la pratique d’autres instruments comme l’orgue. J’avais fait venir d’autres enseignants pour mieux encadrer les jeunes sur d’autres instruments. Ce fut le cas avec feu Bah Tapo à la batterie. On a formé un peu partout à l’occasion des colonies de vacances organisées chaque année dans une région différente pour mieux sensibiliser les populations. L’orchestre «Eclipse» s’est même produit dans la sous-région, notamment au Burkina Faso. Le groupe était apprécié partout où il se produisait et les messages de sensibilisation ont généralement porté leurs fruits.

Avant mon départ en Angleterre pour ma spécialisation en musique braille, j’ai mis en place le groupe «Miriya» essentiellement constitué de handicapés visuels sous la conduite d’Amadou (chef d’orchestre) et Mariam (lead vocal). Ce que j’ai fait comme travail pratique avec Amadou, je ne l’ai fait avec aucun autre musicien malien. On pouvait s’enfermer toute la journée pour travailler. Hélas ! Dieu a fait ce qu’il avait à faire. Nous ne pouvons que prier pour le repos de son âme et nous battre pour pérenniser son héritage !

-Selon vous, quelle serait aujourd’hui la meilleure façon  d’immortaliser l’œuvre et la vie d’Amadou ?

I.S : L’immortaliser n’est pas de mon ressort. Mais, je pense que ce serait une très bonne chose si l’on pouvait avoir une salle en son nom, au nom d’Amadou Bagayoko. Il fut un grand ami de l’Office de radiotélévision du Mali (ORTM), dont il ne ratait aucun événement, notamment les réveillons de fin d’année, tant que le couple était à Bamako. Peut-être que de ce côté aussi, il est aussi possible de l’immortaliser.

Propos recueillis par

Moussa Bolly

 

Source: Le Matin

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