Au Mali, l’armée est à la fois à la commande et au front. Sa « montée en puissance » défraie la chronique. Depuis le début de « la rectification de la transition », avec à la clé la nomination à la primature de Choguel Kokalla Maïga, du mouvement hétéroclite M5-RFP, les exploits de l’armée malienne sont sur toutes les lèvres.
Les succès qu’elle engrange dans ses opérations organisées, dit-on, pour instaurer l’autorité de l’État sur toute l’étendue du territoire national, sont présentés comme preuves de la bonne santé de la transition. Du moins, c’est ce que pensent certains.
Des partenaires en difficulté
Mettre à la disposition des forces armées et de défense les moyens humains et matériels nécessaires, dont elles ont besoin pour assurer leur tâche régalienne semble être l’ambition affichée des autorités maliennes de la transition. Des actions de séduction sont menées un peu partout sur le territoire national. La reprise du partenariat, dit-on stratégique, avec la Russie, décrite comme un « partenaire fiable de longue date » qui écouterait le Mali sans poser des conditions intrigantes, est exposée comme un projet matérialisant la réorganisation et la rénovation des outils et mécanismes de défense de l’armée malienne.
Excepté un homme plein de néants — au sens sartrien — il est d’un commun accord que les militaires au pouvoir, en collaboration avec les « nouveaux partenaires », posent apparemment des actions qui attirent de plus en plus de regards.
Ces différents épisodes de ce que certains pourraient être tentés de nommer désormais scénario du film — Désaccord entre Paris et Bamako : le Mali à la reconquête de sa souveraineté — laissent voir que l’autorité à Bamako, incarnée par le pouvoir militaire ne semble reculer devant les partenaires ne partageant pas leur projet pour la « refondation du Mali ».
Cette « posture belliqueuse » adoptée contre les partenaires stratégiques traditionnels sur les questions de défense du territoire est perçue comme une preuve de la détermination des hommes en lutte pour l’émancipation de leur peuple.
Détracteurs des autorités
Les détracteurs des autorités de la transition, notamment quand il s’agit de dégager leur responsabilité dans la détérioration des relations avec ces partenaires traditionnels et pays de la sous-région, sont forcés au silence. Cela est de même quand il s’agit de poser une évaluation objective de la transition en cours dans le pays depuis le 18 août.
À l’issue de sa dernière mission au Mali, en février 2022, l’expert indépendant de l’ONU sur la situation des droits de l’homme au Mali, Alioune Tine déplorait le « rétrécissement de l’espace civique ». Selon ses précisions, la société civile ainsi qu’une partie de l’opposition sont toutes « unanimes qu’il est de plus en plus difficile d’exprimer une opinion dissidente sans courir le risque d’être emprisonnée ou lynchée sur les réseaux sociaux ». Un climat délétère qui a « conduit plusieurs acteurs à l’autocensure par crainte de représailles des autorités maliennes de la transition et/ou de leurs sympathisants ».
Ainsi, certains politiques semblent être en manque d’inspiration, de repère et/ou cachent éperdument quelque chose au peuple qui les suit. Ils ne cessent de se montrer réflexifs, de changer de discours dès que cela les chante. Pire, ils ne cherchent qu’à exister au-devant de la scène politique et ne semblent craindre que leurs propres sorts.
A l’abri de tout soupçon
Pendant ce temps, dans les zones en proie à l’incursion des extrémistes, les forces de défense et de sécurité tombent pour la défense de la patrie. Malgré ce dévouement dans l’accomplissement de leur mission régalienne, de paisibles civils ne cessent d’être la cible de groupes armés et/ou de forces de défense. Une situation qui est qualifiable de crime de guerre ne coupe plus le sommeil à un bon nombre de Maliens. Même le plus borné des farouches opposants à la transition ne daigne lever le petit doigt pour émettre des réserves sérieuses, après une intervention ou une altercation de l’armée sur le terrain.
En considération des différents manquements tels que le non-respect des engagements de principe sur la marche de la transition, le retard dans l’exécution d’un nouveau plan d’action en vue d’un retour à l’ordre constitutionnel, la mise en place d’une nouvelle architecture gouvernementale semble urgent pour redresser le bateau Mali qui tangue inexorablement. Car, à mon sens, le président Assimi Goïta est à l’abri de tout soupçon jusque-là.
Mikaïlou Cissé
Les opinions exprimées dans cet article ne sont pas forcément celles de Sahel Tribune.