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Niger : Nouvelle tour de contrôle de la présence militaire française au Sahel

Avec le retrait définitif de l’opération Barkhane du Mali, le Niger devient le nouvel épicentre de la réarticulation militaire française, dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans le golfe de Guinée.

 

Le Président nigérien, Mohamed Bazoum a reçu, mardi, le nouveau commandant de la force française Barkhane, le Général Bruno Baratz à Niamey.

Ce dernier, qui a pris le commandement de l’opération française, a remercié [1] le chef d’État nigérien “pour l’appui que fournit l’État du Niger à la France dans le cadre de la réarticulation du dispositif de Barkhane”.

Avec le retrait définitif de l’opération Barkhane du Mali, le Niger devient la nouvelle tour de contrôle de la présence militaire française, dans la lutte contre le terrorisme au Sahel et dans le golfe de Guinée.

L’Agence Anadolu (AA) a interrogé Seidik Abba, journaliste et universitaire nigérien, spécialiste du Sahel et auteur du livre « MALI – SAHEL – Notre Afghanistan à nous ? » [2], pour tenter d’élucider les facteurs ayant mené à l’échec de l’opération antiterroriste, notamment au Mali, puis de comprendre sa nouvelle articulation dans la sous-région et sa doctrine sous-jacente.

– De Serval à l’enlisement de Barkhane

Interrogé par AA, Seidik Abba, rappelle que l’intervention militaire française au Sahel avait commencé par l’opération Serval en janvier 2013, alors que “les djihadistes qui occupaient le nord du Mali depuis 2012 avaient décidé en 2013 d’avancer vers le sud”, dans la direction de la capitale Bamako.

Le journaliste et universitaire explique que le gouvernement malien de Transition, qui était alors dirigé par le président Dioncounda Traoré, avait sollicité une intervention militaire de la France “pour stopper cette avancée et puis libérer la partie nord du pays, qui était encore aux mains de groupes djihadistes” puis la France, avait déclenché cette intervention en janvier 2013 pour stopper cette avancée au niveau de Konna, au centre du Mali.

Seidik Abba note qu’à partir de cette intervention, “la France a engagé avec les forces internationales, particulièrement l’armée tchadienne, la libération de tout le nord du Mali et les villes emblématiques du Nord, notamment Kidal, Tombouctou, Gao, qui ont été libérées par l’armée française avec l’accueil chaleureux des autorités locales ainsi que de la population.

Le journaliste nigérien rappelle la fameuse phrase du Président français de l’époque, François Hollande qui était en visite à Tombouctou, le 2 février 2013, et avait prononcé sa célèbre phrase « c’est le plus beau jour de ma vie ».

Abba rappelle, ensuite, qu’en 2014, le dispositif Barkhane a succédé à l’opération Serval “avec un mandat différent, parce que le mandat de Barkhane va au-delà du Mali. Il s’agissait de lutter contre le terrorisme sur l’ensemble du Sahel, c’est-à-dire de la Mauritanie au Tchad en passant par le Burkina Faso, le Niger et le Mali”, explique-t-il, avant de rappeler qu’”au service de cette ambition, la France a engagé 5 100 soldats, au plus fort de son opération, ainsi que plus de 300 éléments des forces spéciales”.

L’auteur de « MALI – SAHEL – Notre Afghanistan à nous ? » constate, ensuite, que l’opération a commencé à s’enliser [3] quand le Président français, Emmanuel Macron, est arrivé au pouvoir en mai 2017, rappelant que “les armées locales elles-mêmes avaient, en février 2017, décidé de créer la force conjointe du G5 Sahel, une coalition antiterroriste composée du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad et qui comptait 5 000 personnes avant le retrait du Mali [4].

Abba ajoute qu’Emmanuel Macron “a saisi, en arrivant au pouvoir en mai 2017, cette opportunité pour essayer d’envisager le désengagement de la France, le désengagement de Barkhane, à tout le moins, à défaut d’un désengagement, une réorientation de Barkhane qui comprendrait deux composantes principales, c’est-à-dire la montée en puissance des armées locales à travers le G5 Sahel et puis l’arrivée de la force européenne Takuba [5]. Tout cela pour éviter que la France soit en première ligne, que ce soit comme ça avait été fait sous Serval, que ce ne soit plus la France qui soit en première ligne”, explique-t-il.

– Coup d’État au Mali et réorientation de Barkhane

Seidik Abba rappelle que le Président français “était dans ce schéma lorsqu’il y a eu le premier coup d’État au Mali, celui de août 2020 [6]. Puis, après, il y a eu le deuxième coup d’État, celui de mai 2021, « le coup d’État dans le coup d’État », comme on dit souvent”, note le chercheur nigérien, ajoutant que “les relations entre la France et le Mali se sont gâtées parce que la France voulait une meilleure lisibilité sur l’agenda politique de la junte [avec Assimi Goïta comme Président de la Transition et Choguel Kokalla Maïga comme Premier ministre de la Transition, NDLR]. Et la junte, elle-même, n’avait pas d’agenda très précis. Les relations entre la junte et la Cédéao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest] se sont dégradées en janvier 2022 avec la décision de cette dernière de sanctionner le Mali. Et là, les relations entre la France et le Mali se sont complètement dégradées, jusqu’à ce que Macron annonce en juin 2021 la fin de l’opération Barkhane et l’arrivée d’une autre opération”.

Le journaliste nigérien estime qu’à partir de comment-là, “la chronologie est très intéressante parce que lorsque les autorités françaises annoncent, en juin 2021, la fin de Barkhane et son remplacement par une autre opération, les autorités maliennes ont, en septembre 2021, par la voix du premier ministre Choguel Maïga [7], annoncé à New York [lors de l’Assemblée générale des Nations Unies NDLR], que cette décision de la France est unilatérale et qu’il considérait cela comme un abandon du Mali. Et c’est à ce moment que les autorités maliennes ont décidé de se tourner vers la Russie et de contracter leurs accords avec [la société paramilitaire russe] Wagner”.

Abba ajoute que “c’est à partir de cet de cette réorientation que les relations avec la France se sont complètement dégradées ; jusqu’au point où en février 2022, Macron avait annoncé le retrait de la France du Mali et les choses, comme on sait, se sont complètement envenimées jusqu’au point où le Mali lui-même a demandé le départ de forces françaises, a expulsé l’ambassadeur de France du Mali alors que la France, à partir de février 2022, a annoncé son retrait du Mali avec un calendrier sur plusieurs mois et à la fin de cet été, le retrait va se parachever avec une réarticulation, comme on dit officiellement, et une présence militaire d’environ 1 000 soldats au Niger et un peu dans la sous-région. Il va rester, après le retrait du Mali, approximativement 2400 soldats français au Sahel”, rappelle-t-il.

– La nouvelle réorientation de Barkhane avec le Niger comme épicentre et le glissement des GAT vers le golfe de Guinée

Interrogé sur la nouvelle réorientation e Barkhane et le glissement des groupes armés terroristes (GAT) vers le golfe de Guinée, Seidik Abba estime qu’”on ne peut pas séparer les deux” avant de donner une explication détaillée.

“À partir du moment où le Mali et la France sont arrivés à ce divorce et que l’armée française s’est retirée du Mali définitivement, la France avait envisagé, en accord avec les autorités sous régionales, un redéploiement avec le Niger, qui devient désormais l’épicentre de l’intervention française au Sahel”, ajoute-t-il avant d’expliquer que le Niger devient la tour de contrôle de la nouvelle force française au Sahel, autrement dit de la “réarticulation de Barkhane et de son centre névralgique à la fois pour le commandement, mais aussi en termes d’importance des effectifs”.

Le journaliste précise qu’il y aura au moins 1000 soldats français au Niger, ceux-ci y étant déjà arrivés, dans le cadre leur redéploiement, en attendant que les soldats qui sont encore au Mali partent de Gao (dans l’Est du Mali) qui demeure parmi “les dernières emprises françaises” au Mali. Seidik Abba rappelle que les bases militaires de Gossi, Ménaka, Tombouctou, et Kidal ont déjà été rendues aux Forces Armées Maliennes (FAMa) et qu’il ne reste maintenant que Gao où il y a encore une présence militaire française.

“Avant même cette fermeture, il y a au moins 1000 soldats aujourd’hui au Niger, qui est devenu l’épicentre. C’est là que sont les Mirages de l’opération Barkhane ou de l’ex-opération Barkhane. Présentement, c’est là que sont aussi les drones armés [américains] Reaper qui sont y basés et c’est à partir de là que la plupart des opérations sont dirigées”, explique-t-il.

Abba rappelle que “les groupes djihadistes qui avaient déjà un agenda de porter la menace terroriste du Sahel vers les pays du Golfe de Guinée, l’ont mise à exécution”, précisant qu’”après les attaques que la Côte d’Ivoire a connues entre 2019 et 2020, ils ont ciblé le Bénin et le Togo. Le Togo a déjà été attaqué au moins trois ou quatre fois et les attaques sont de plus en plus fréquentes et de plus en plus meurtrières. Le Bénin aussi a fait l’objet de plusieurs attaques”, constate-t-il.

Le journaliste nigérien ajoute que “l’ambition de la France est aussi d’accompagner les pays du golfe de Guinée qui sont sous la menace des groupes djihadistes,” soulignant que cela se fera désormais “à partir du territoire nigérien : il n’y aura pas de forces françaises déployées au Togo, des forces françaises déployées au Bénin, des forces françaises [antiterroristes] déployées en Côte d’Ivoire”, précise-t-il, ajoutant qu’il n y aura donc “pas de présence militaire française dans ces pays, mais à la demande et au coup par coup, à partir du territoire nigérien, les Français vont faire de l’accompagnement de ces pays pour lutter contre le terrorisme”. Le chercheur nigérien évoqué également la création de l’Academie internationale de lutte contre le terrorisme (AILCT) installée le 10 juin 2021 à Jacqueville, près d’Abidjan, en Côte d’Ivoire.

Seidik Abba rappelle la tournée récente d’Emmanuel Macron en Afrique de l’Ouest [8].

“Au Bénin, par exemple, le président Macron a précisé que ça va être surtout de l’équipement, de la formation et du partage du renseignement”. Le chercheur estime que “les Français ont tiré un peu les leçons du Sahel, de ce qui s’est passé et ils veulent être beaucoup moins visibles. Être présents sans être visibles. C’est ça aujourd’hui, la doctrine”, souligne-t-il rappelant “qu’il y a un rejet dans les opinions publiques, comme on a pu le voir dans les manifestations au Mali, les manifestations au Niger [9] où il y a même trois soldats et trois jeunes Nigériens qui ont été tués en novembre 2021 lors de la confrontation entre les soldats français et les jeunes de la région de Téra, au nord du Niger”.

“Donc la stratégie, c’est être présent sans être visible, en faisant de l’accompagnement aux pays du Sahel et du Golfe de Guinée, mais en ayant une présence plus importante au niveau du Niger, à partir du Niger, vers les opérations dans les autres pays”, résume-t-il.

“C’est à peu près ce nouveau type de concept que la France est en train de développer, sachant qu’au début, elle voulait qu’il y ait une plus grande présence des forces européennes, mais compte tenu de ce qui s’est passé au Mali [crise politico-diplomatique entre la France et le Mali, NDLR], les Européens aujourd’hui sont beaucoup plus réticents à envoyer des forces dans les autres pays. Il n’y aura pas de Takuba au Niger, il y aura davantage l’armée française, mais pas de Takuba [10]”, note-t-il.

– La France tente de tirer les leçons du passé

Le chercheur nigérien constate que “les Français ont compris qu’il y a une sorte de crispation. Il y a eu beaucoup de manifestations anti-françaises et « le sentiment anti-français », comme on l’appelle, se répand au Sahel alors que les populations voient les soldats français qui sont déployés dans de grandes zones avec de grands moyens, mais sans qu’elles aient de résultats concrets, que ça ne change pas la donne dans le rapport de force entre les djihadistes et les armées, malgré la présence visible des forces françaises pour les populations locales”.

Abba ajoute que “les stratèges français ont intégré ce rejet dans leur nouvelle stratégie pour les pays du Golfe de Guinée : ce qu’il se passe aujourd’hui, c’est une présence importante et visible au Niger où les moyens vont encore être développés. Et il y a même une construction de postes militaires entre la frontière entre le Niger et le Mali. Et pour l’instant, dans certains postes, il y a une cohabitation entre les militaires français et les militaires nigériens. Donc au Niger, il y a une présence militaire française qui est visible, qui est assumée”, constate-t-il.

Pour les pays du golfe de Guinée, notamment le Togo, le Bénin, la Côte d’Ivoire, “la stratégie, c’est d’être présent sans être visible. Ça veut dire qu’ils vont donner des moyens, comme ils ont dit pour le Bénin par exemple. Emmanuel Macron a dit [lors de sa récente visite, NDLR] que la France va aider le Bénin à avoir des drones. Il va fournir de l’armement et de l’équipement aux militaires béninois, ainsi que de la formation et du renseignement”, note Abba ajoutant que les forces françaises “pourront aussi venir de façon ponctuelle quand il y a une opération, faire de l’accompagnement ou, comme on l’appelle, du « partenariat de combat ». C’est-à-dire qu’éventuellement, comme aujourd’hui, ils le font déjà avec le Burkina Faso, quand il y a une attaque, ils peuvent envoyer rapidement un appui aérien aux forces locales qui sont engagées. Mais il n’y aura pas d’emprises comme on a vu au Mali. Il n’y aura pas un camp militaire français”, explique-t-il avant de rappeler la présence française qui prend fin au Mali.

“Avant, au Mali par exemple, il y avait une présence française à Gao, à Bamako, à Kidal, à Tombouctou, à Ménaka, mais il n’y aura plus, dans le Sahel, ce type de présence. Dans le pays du Golfe de Guinée, il y aura plutôt, à partir du territoire du Niger, un accompagnement au sol ou aux forces armées locales qui seront en prise avec les groupes djihadistes, lorsque cela sera nécessaire”, explique-t-il, faisant état d’un “changement de doctrine” alors que “la France a un peu tiré les leçons de ses mauvais résultats au Sahel, et ce, afin de ne pas répéter les mêmes erreurs dans le golfe de Guinée dans sa nouvelle stratégie de présence militaire dans la sous-région”.

Le chercheur nigérien déplore cependant que la France n’ait pas encore tiré toutes les leçons de son échec contre le terrorisme au Sahel, notamment sur “la philosophie du tout militaire” et le “nexus sécurité et développement” ainsi que sur l’ingérence dans les affaires internes des pays du Sahel, notamment le fait que les États de la sous-région engagent des discussions directes ou indirectes avec les “djihadistes” et/ou les groupes armés, ce qui demeure une “ligne rouge à ne pas franchir” pour Paris.

– Les autres forces militaires présentes au Sahel : les forces américaines

Interrogé sur les autres forces et mécanismes de défense actifs au Sahel, notamment les forces américaines, le G5 Sahel, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), Seidik Abba livre ses observations pour chacun d’entre eux.

Il souligne d’abord que les Américains sont historiquement présents au Sahel et rappelle l’attaque ou l’embuscade du groupe armé terroriste EIGS à Tongo Tongo (sud-ouest du Niger, proche de la frontière avec le Mali, dans la zone des trois frontières) contre une patrouille mixte américano-nigérienne.

“En octobre 2017, une patrouille américano-nigérienne avait été attaquée et quatre soldats des forces spéciales américaines avaient été tués par les djihadistes, et c’est principalement « l’État islamique [au Grand Sahara] » qui avait revendiqué cette attaque. Donc il y a une présence américaine, mais les Américains, eux, leur doctrine, c’est la coopération bilatérale, et ils estiment que le terrorisme ne peut pas faire l’objet d’une approche multilatérale”, constate-t-il, rappelant qu’il y a “une présence militaire américaine, notamment à Agadez, dans le nord du Niger, comme épicentre de leur présence, et on parle de 800 soldats américains au total. Et les Américains sont là et leur utilité est, si on peut ainsi dire, c’est de faire de la formation aux forces armées des pays concernés, notamment Niger, et de faire du renseignement avec les drones Reaper”.

Abba souligne que “la plupart des succès dans l’élimination de groupes djihadistes a été obtenus à partir des renseignements fournis par les Américains. Les Américains fournissent du renseignement à la France, fournissent aussi du ravitaillement. Le ravitaillement aérien est assuré, pour environ 30 à 40 % (des aéronefs), par les États-Unis”.

Le journaliste nigérien constate que “les choses ne changent pas fondamentalement pour les Américains, à part une chose que l’on ne connaissait pas : quand à la fin de son mandat, Donald Trump [le prédécesseur de l’actuel président américain Joe Biden] avait dit qu’il allait retirer les soldats américains du Sahel, et quand Joe Biden est arrivé au pouvoir, on espérait une clarification rapide qu’il allait dire « oui, je retire ou non, je ne retire pas ». Donc, Biden a laissé le statu quo, il n’a pas retiré, mais il n’a pas dit qu’il va rester”, constate-t-il avant de résumer.

“Ainsi, pour les Américains, fondamentalement, il n’y a pas d’évolution de la donne”.

– Une donne “compliquée” pour la MINUSMA et la fin de Takuba

Seidik Abba constate que pour la Minusma [11], une opération de maintien de la paix des Nations unies au Mali, composée d’environ 15 000 hommes, “c’est beaucoup plus compliqué”, le chercheur nigérien faisant état d’un “gap, comme pour toutes les forces des Nations unies, entre les effectifs présents et le résultat qu’ils donnent vraiment”.

Abba constate que “la Minusma n’a pas su se protéger elle-même, et, à plus forte raison, n’a pas su protéger les populations locales.

Concernant les évolutions de la Minusma, le journaliste rappelle que la Minusma bénéficie de la couverture aérienne de Barkhane.

“C’est Barkhane qui assure la couverture aérienne pour la Minusma. Aujourd’hui, si Barkhane s’en va, la Minusma doit disposer d’une autre option pour sa couverture aérienne, pour sa propre sécurité”, explique-t-il.

Il rappelle qu’au sein de la force de paix onusienne, il y a des contingents de différents pays, par exemple du Tchad.

Ainsi, pour pallier cette absence de couverture, “le Tchad a décidé d’envoyer des hommes [supplémentaires] pour protéger ses contingents qui sont dans la Minusma, c’est absurde, mais c’est ainsi” constate-t-il.

Il rappelle, ensuite, que lorsque la France a engagé son départ du Mali, elle a proposé de continuer d’apporter une couverture aérienne à la Minusma depuis le Niger.

“Et lors des discussions au Conseil de sécurité [12], les Maliens ont refusé cette couverture aérienne de la France. C’est-à-dire que si la Minusma est coincée à Tombouctou ou si elle est coincée à Gao, elle pouvait faire appel à l’aviation française. Mais les Maliens ont refusé cela, ce n’est pas passé dans la résolution de l’ONU. Donc il n’y a pas de couverture aérienne aujourd’hui et on pense que le départ total de la force française du Mali risque d’affecter le fonctionnement et l’efficacité de la Minusma”, estime Seidik Abba.

Concernant la mission européenne « Takuba », Abba note “qu’à partir du moment ou Takuba était presque essentiellement fournie par l’armée française, aujourd’hui, avec le retrait de l’armée française, Takuba aussi s’est retirée du Mali et il n’y a pas de projet de reconstitution de Takuba”, constate-t-il.

Interrogé sur une éventuelle volonté de montée en puissance militaire dans le Sahel et l’Afrique de l’Ouest, pour des pays européens tels que l’Allemagne où l’Italie, afin de protéger leurs interactions économiques croissantes dans la sous-région, Abba estime qu’outre les enjeux diplomatiques et de stabilité dans la région pour Berlin et Rome, les “enjeux économiques ne sont pas assez importants pour que ces pays décident d’une implantation militaire réelle”.

“L’Italie s’intéresse un peu au Niger et au Sahel pour contrer l’immigration clandestine parce que le Sahel est une zone de transit pour les migrants d’Afrique subsaharienne voulant se diriger en Europe” rappelle-t-il, ajoutant que les missions “Eucap Sahel Niger et Eucap Sahel Mali ont une composante de lutte contre l’immigration clandestine”.

– Les malheurs du G5 Sahel

Concernant la force conjointe du G5 Sahel, une coalition antiterroriste composée du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, et qui comptait 5 000 personnes avant le retrait du Mali [4], Seidik Abba constate qu’”il lui est arrivé un malheur”.

“Depuis la création du G5 Sahel en 2014, il y a un principe : c’est que le sommet, la conférence des cinq chefs d’État, se tient dans un de ces pays et le pays hôte assure la présidence tournante du G5 Sahel, pour un an. C’est ce qui s’est passé jusqu’en 2021,” observe-t-il.

Il rappelle que le dernier sommet a eu lieu en février 2021 au Tchad et qu’il était convenu que le sommet de 2022, se tienne au Mali.

“Mais entretemps, il y a eu le coup d’État dans le coup d’État et Assimi Goïta est devenu président de la junte au Mali. Et les autres pays, sans doute encouragés par la France, ont estimé qu’ils ne pouvaient plus se réunir à Bamako et que le G5 Sahel ne pouvait pas avoir, un putschiste, en la personne d’Assimi Goïta, comme président. Donc, ils ont refusé de se réunir à Bamako. En tout cas, les représentants des autres pays ne sont pas venus,” rappelle Abba ajoutant que “le président tchadien n’a pas organisé le sommet à N’Djamena, et il y a eu divers problèmes et depuis, le Mali a décidé de se retirer du G5 Sahel”, note le chercheur nigérien faisant état d’un “G4 Sahel” de facto.

Abba note que “les mauvaises relations entre le Mali et la France ont affecté le fonctionnement du G5 Sahel et son efficacité.

Le journaliste nigérien estime “en tant qu’observateur, que la philosophie du G5 Sahel n’est pas mauvaise. Aujourd’hui, la question de la solution au problème de l’insécurité au Sahel, elle ne peut pas être le problème d’un seul État. Aucun des États pris isolément ne peut assurer, ne peut ne pas faire face à la menace. Il faut une solution régionale, il faut une solution transnationale,” souligne-t-il avant de poursuivre.

“Hors le G5 Sahel, la philosophie, c’était justement de voir comment, ensemble, les pays peuvent lutter plus efficacement contre cette insécurité. Il y a des choses qui ont avancé. Le G5 Sahel, par exemple, a permis que les forces armées d’un État attaqué puissent entrer dans un autre pays sans avoir une autorisation préalable, sur une distance de 50 kilomètres”, explique-t-il avant d’illustrer son proposé

“C’est-à-dire que si le Niger est attaqué par des terroristes. Les terroristes entrent au Mali. Le Niger peut les poursuivre sur 50 kilomètres sans avoir besoin de demander l’autorisation du Mali. Donc ça, c’est le principe de l’automaticité du droit de poursuite. Le droit de poursuite est devenu automatique avec le G5 Sahel”, constate-t-il, ajoutant, par ailleurs, que les chefs d’État-major du G5 Sahel réunissaient régulièrement pour se concerter.

“Ce n’est pas tellement le retrait de Barkhane, mais la crise diplomatique entre la France et le Mali qui affecte le fonctionnement du G5 Sahel et qui fait qu’aujourd’hui ce n’est plus le G5 Sahel, c’est en pratique le G4 Sahel puisque le Mali a annoncé son retrait de l’organisation”, note-t-il, ajoutant que cela “peut être préjudiciable parce qu’on ne peut pas lutter contre le terrorisme au Sahel sans associer le Mali. Il faut absolument que, d’une façon ou d’une autre, la stratégie de lutte contre le terrorisme au Sahel implique le Mali, que ce soit dans le cadre du G5 Sahel ou dans un autre cadre, parce que tout le terrorisme du Sahel est parti du Mali”, et du fait de l’immensité du territoire et de centralité géographique du Mali dans la sous-région, pourrait-on ajouter.

Source: Anadolu Agency

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