Le Mali est producteur de thé depuis 47 ans. L’usine de thé Farako, à 25 Km de Sikasso, initiée par Modibo Kéita, est entrée en production en 1974 avant de fermer définitivement en 2011. Ne pouvant pas couvrir les besoins de l’exportation, sa production était essentiellement destinée à la consommation locale. Sa reprise est en cours par des investisseurs néerlandais.
Mouctar Traoré, ingénieur agronome, première promotion de l’IPR de Katibougou, est l’un des acteurs vivants de l’usine thé Farako de Sikasso. Il y a commencé sa jeune carrière comme stagiaire en 1970, bien avant le démarrage de l’usine, avant d’être directeur adjoint entre 1973-1974 et confirmé directeur général en 1976. C’est avec lui que ce fleuron de notre jeune industrie, créée par Modibo Kéita avec l’appui de la coopération chinoise a produit son dernier grain de thé en 2011, l’année de sa fermeture.
L’idée de la construction de l’usine de thé Farako est venue du premier Président du Mali indépendant. Celui-ci a estimé qu’il fallait avoir dans notre pays une industrie de thé pour le plaisir de nos frères du nord qui en sont grands consommateurs. Modibo Kéita a eu ce reflexe en réponse au refus de l’ex-pays colonisateur (la France) d’envoyer au Mali indépendant du thé et de la canne à sucre.
Les recherches ont commencé de Kéniéba à Faléa, jusqu’à Ségou. Le choix s’est finalement porté sur Farako, du nom d’un cours d’eau à 25 km de Sikasso, une zone agricole à pluviométrie abondante et une terre adaptée à la culture de thé. Les travaux de faisabilité et de réalisation ont commencé de 1964 à 1967 avec la construction de l’usine sur un site de 402 ha dont 102 ha en thé. Son inauguration a été faite le 10 août 1974. Selon l’ancien directeur de Farako, pour sa croissance, le thé a besoin de 2000 mm de pluie par an, de la chaleur et d’un sol acide. Toutes ces conditions sont réunies à Farako.
Farako, un rendement de 1t à l’hectare
Farako selon les études, est la zone idéale pour le thé culture et meilleure, comparativement à tous les pays africains grands producteurs. Le rendement à l’hectare est dense avec 5t de feuille fraîche à l’hectare soit 1t de thé fini à l’hectare. L’irrigation se fait par gravitation, un système simple et économique. La nature du sol est adaptée. « Nous n’avons même pas ce rendement en Chine, en Ethiopie ou au Kenyan, grands producteurs de thé dans le monde », indique M. Traoré. La production malienne estimée à 100t/an ne couvrait pas les besoins locaux qui étaient de 600t/an. De nos jours, le Mali importe 40 000 à 50 000t/an. En plein régime, Farako tournait avec 800 employés dont 280 permanents.
Malgré un tel engouement pour le thé dans notre pays, comment Farako a fermé depuis 10 ans sans aucune autre initiative de la remettre sur pied ? A cette interrogation, l’ancien directeur pointe le manque de volonté politique des décideurs. Après des tâtonnements, l’usine est passée entre les mains de Souleymane Koné de 2005 à 2010. M. Koné actionnaire majoritaire, opérateur économique et promoteur d’une boulangerie moderne à Sikasso, ne connaissant rien du domaine, imposait sa volonté aux manœuvres pour récolter des déchets de thé. La voie était ainsi ouverte à la banqueroute.
Plus tard en 2010, l’ancien ministre de l’Economie, Amadou Abdoulaye Diallo sous ATT, a tenté le redémarrage de l’usine. Il a amené des importateurs comme nouveaux actionnaires intéressés par l’usine de thé avec en leur tête Mme Ben Baba. Sur la base d’un protocole d’accord Etat/importateurs de thé, l’Etat s’est engagé à exonérer 2000t de thés importés par an modulable à 20 %, pendant 5 ans. Une quinzaine d’opérateurs économiques ont accepté de se lancer dans cette aventure avec Souleymane Koné, Mme Ben Baba, Boubacar Tandja du groupe Tandja.
Les actionnaires ont débloqué plus de 200 millions de F CFA pour la relance de l’usine en 2011. Malgré cet investissement, l’Etat n’a pas daigné honorer ses engagements. « Il n’y a eu aucune exonération fiscale, ni douanière. L’usine est morte de sa belle mort en janvier 2011, un an après sa relance », affirme l’ancien DG. Il ajoute, « en ce moment, je cumulais 4 mois d’arriérés de salaires. Mme Ben Baba m’a alors demandé d’arrêter à cause des difficultés ».
A cause de ses potentialités, l’usine ne manque pas de repreneurs. Après les démarches engagées par une société chinoise vers la fin 2015, les négociations sont bien avancées avec une société néerlandaise pour la reprise.
Abdrahamane Dicko
Source: Mali Tribune