Alors que plusieurs milliers d’étudiants ont encore défilé mardi contre la candidature du président Bouteflika à un 5e mandat, l’armée a adressé une sévère mise en garde contre ceux qui, selon elle, veulent déstabiliser le pays. Les États-Unis, quant à eux, ont déclaré « soutenir le peuple algérien et son droit à manifester pacifiquement ».
À travers le pays, les manifestants ont une nouvelle fois réitéré mardi leur rejet des promesses du chef de l’État de réformer et de ne pas aller au bout de son éventuel nouveau mandat. Parallèlement, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée, a averti que celle-ci serait la garante de la « sécurité » et la « stabilité » face à ceux – qu’il n’a pas nommés – qui veulent ramener l’Algérie aux années de guerre civile de la décennie 1990.
Washington a pour sa part réagi mardi pour la première fois depuis le début des manifestations en appelant les autorités algériennes à respecter le droit de manifester. « Nous observons ces manifestations en Algérie et nous allons continuer à le faire », a déclaré à la presse mardi Robert Palladino, le porte-parole de la diplomatie américaine. « Les États-Unis soutiennent le peuple algérien et leur droit à manifester pacifiquement », a-t-il ajouté.
Des cortèges étudiants dans tout le pays
Sans incident, des cortèges de milliers d’étudiants parfois accompagnés de leurs professeurs ont également défilé à Oran, Constantine et Annaba, les trois plus grandes villes du pays après Alger, ont constaté des journalistes de médias algériens sur place. Selon la même source, des manifestations importantes se sont également déroulées à Béjaïa, Tizi-Ouzou et Bouira, principales villes de la région de Kabylie, dans le nord du pays, mais aussi à Blida (Nord), Sétif (Nord-Est) ou Tlemcen (Nord-Ouest).
Déployée en nombre, la police a laissé faire, se contentant de faire évacuer sans heurts en fin d’après-midi la place de la Grande Poste d’Alger
Dans la capitale, où les manifestations, interdites depuis 2001, sont quasi quotidiennes depuis dix jours, les étudiants des différentes universités d’Alger se sont donné rendez-vous via les réseaux sociaux devant la Grande Poste, bâtiment emblématique au cœur de la ville. Dans une ambiance festive, ils ont défilé toute la journée à l’intérieur d’un périmètre bouclé par la police.
Déployée en nombre, cette dernière a laissé faire, se contentant de faire évacuer sans heurts en fin d’après-midi la place de la Grande Poste, devenue une immense agora de milliers de personnes. Elle a aussi évacué une avenue non loin, que les Algérois avaient transformée en longue promenade, profitant de la décision de couper la circulation.
Gaïd Salah agite le spectre de la décennie noire
La candidature d’Abdelaziz Bouteflika enregistrée dimanche par le Conseil constitutionnel a été assortie d’engagements destinés à calmer la colère, notamment ne pas aller au bout de son mandat et quitter le pouvoir après une série de réformes profondes. Mais ses promesses n’ont pas réussi à apaiser la contestation, bien que le camp présidentiel estimait la veille qu’elles répondaient « pleinement » aux revendications des manifestants.
À Béjaïa, à 180 km à l’est d’Alger, l’Ordre des avocats a appelé ses membres à ne plus assurer de défense à partir de mercredi, à l’instar de leurs collègues de Constantine (Nord-Est). Et les enseignants algériens doivent se prononcer d’ici peu sur une possible grève.
La carotte semblant n’avoir pas fonctionné, le général Gaïd Salah a donc agité le bâton ce mardi. Il a accusé la contestation d’être le fait de « certaines parties » – qu’il n’a pas nommées – « dérangées de voir l’Algérie stable et sûre » et désireuses de ramener le pays aux « années de braises » – une référence à la décennie noire de guerre civile qui a fait officiellement 200 000 morts et qui a traumatisé la population.
Le chef d’état-major a ensuite appelé les Algériens « à s’ériger en rempart contre tout ce qui pourrait exposer l’Algérie à des menaces aux retombées imprévisibles ». Face aux manifestations que rien ne semble pour l’heure endiguer, le camp présidentiel a mentionné à plusieurs reprises le risque d’un retour du pays aux « années noires », auxquels Abdelaziz Bouteflika est crédité d’avoir mis fin. Mais au-delà du président, c’est l’ensemble des dirigeants qui est visée par les manifestants. « Dîtes aux voleurs que nous n’allons pas nous taire », scandent-ils.
Jeune Afrique