Doit-elle pour autant se maintenir au Mali après l’expulsion de son ambassadeur ?
TF1info a posé la question à Stéphane Lhomme, le directeur de l’Observatoire du nucléaire.
lors que le climat était déjà délétère depuis plusieurs mois entre Paris et Bamako, la tension est montée d’un cran entre les deux pays avec l’expulsion, lundi 31 janvier par la junte militaire au pouvoir, de l’ambassadeur de France au Mali. En façade, Paris temporise et prend “note”. Mais les obstructions de la junte, qui surfe sur un sentiment anti-français croissant dans la région, pourraient finir par poser la question d’un retrait français, alors que Paris est engagé militairement au Mali depuis 2013, au prix de 48 morts (53 au Sahel) et de milliards d’euros.
“Nous devons constater que les conditions de notre intervention, qu’elle soit militaire, économique ou politique sont rendues de plus en plus difficiles, bref, on ne peut pas rester au Mali à n’importe quel prix”, avait déclaré, samedi 29 janvier, la ministre française des Armées, Florence Parly, sur France Inter, alors que Paris et ses alliés se sont donnés deux semaines pour décider de l’évolution de leur engagement militaire. Pour le directeur de l’Observatoire du nucléaire, Stéphane Lhomme, le Mali est aussi au cœur d’une région qui est devenue un important enjeu économique.
Quels sont les intérêts économiques et industriels français au Mali ?
Sel, or, calcaire, voilà autant de ressources minières exploitées au Mali et qui attirent des investisseurs de divers horizons. Alors que plusieurs autres ressources du pays (comme le fer, la bauxite ou le pétrole) restent encore largement inexploitées, le plus grand intérêt d’un pays comme la France est surtout de garder la paix au Mali, notamment pour protéger ses gisements d’uranium au Niger voisin.
Pour autant, la France doit-elle se maintenir au Mali ?
La présence militaire française vise directement à sécuriser l’approvisionnement des centrales françaises en uranium : ce dernier est extrait dans les mines du nord du Niger, une zone désertique seulement séparée du Mali par un trait sur les cartes géographiques. La France a absolument besoin d’être là pour protéger cette zone. C’est crucial pour l’industrie nucléaire française et donc pour le pouvoir politique français, parce qu’il y a déjà eu des menaces et des attaques dans cette région.
L’exploitation de ces mines a toutefois beaucoup baissé, parce qu’il y a eu une diversification avec le Kazakhstan, le Canada et l’Australie, mais à une époque, c’était très important. Aujourd’hui on doit être encore à 15% d’uranium provenant du Niger utilisé par les centrales nucléaires françaises donc c’est quand même assez important. Si ça devait s’arrêter subitement, ça poserait de réels problèmes.
La France n’a donc pas que la lutte anti-djihadiste en tête ?
Les deux sont liés. Le départ des troupes françaises serait très problématique. Car même s’il y a toujours la possibilité de se recentrer sur le Niger – parce que les mines sont de ce côté-là – si vous laissez l’autre partie de la zone aux mains des djihadistes, pour eux c’est du pain bénit pour pouvoir préparer des attaques. Donc la France a besoin de protéger ses mines d’uranium en étant des deux côtés.