Dans la situation actuelle du pays, le silence n’est plus une option. Au sentiment d’impunité totale et d’insécurité générale s’est greffée une crise post-électorale provoquée par des décisions juridico-politiques peu orthodoxes qui ont entamé le crédit des institutions. Le point de rupture a été atteint avec le tripatouillage des dernières élections législatives. Le moment est venu de se parler franchement.
LA PARABOLE DU BERGER
Le rôle et la responsabilité du président de la République sont très grands dans notre système institutionnel dont il est incontestablement la clé de voûte. Tout part de lui et il peut presque tout parce que la Constitution le veut ainsi. Cependant, une fois investi de la confiance du peuple, il est censé se comporter en bon père de famille, à la fois anticipateur, diligent et équitable. Dès lors que le président de la République sort de ce cadre pour devenir partisan ou fractionnaire, une oligarchie s’empare du pays et de ses ressources. Le bon berger n’est-il pas celui qui conduit le troupeau au pâturage et le ramène intact à l’enclos ? Et lorsque quelques brebis s’égarent, les abandonne-t-il pour autant ? Il va à leur recherche pour avoir le sentiment du devoir accompli, mais aussi pour garder la confiance du propriétaire et sa réputation de bon berger. Aujourd’hui, une bonne partie du territoire malien n’est plus sous le contrôle du Gouvernement, la sécurité est un leurre pendant que les morts s’accumulent dans des conditions toujours plus révoltantes et plus dramatiques. La déception est telle que certains de ses alliés d’hier rejoints par des partis politiques ont choisi de ne plus se reconnaître en IBK dont ils demandent même la démission. Chercher à leur opposer un groupe de partisans n’aurait pas de sens d’autant plus que l’unanimité est presque faite sur les nombreux échecs du régime par rapport aux engagements pris en 2013. Ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il trouve des mots justes et apaisants pour renforcer l’unité et la cohésion nationale. Les sacrifices nécessaires doivent être consentis à cette fin. Les personnes qui autour de lui ont provoqué les nombreux scandales par leur incurie ne peuvent le sortir des difficultés actuelles. C’est pourquoi, IBK doit donner l’opportunité aux rares amis qui lui restent de s’investir dans la recherche de solution, pour donner un sens à son rôle de Père de la Nation. Les changements dans la gouvernance du pays sont inévitables et ils passent par une profonde remise en cause des pratiques en cours, tout comme ils vont nécessiter l’adoption d’un nouveau cadre transparent de gestion des affaires publiques excluant les compromissions et les scandales à répétition. Face au manque total de perspectives et devant l’aggravation de la crise institutionnelle, il ne s’agit ni de combattre IBK, ni de le protéger, mais de sauver le Mali d’une noyade certaine si les choses devaient rester en l’état.
ARRÊTER LA DESCENTE EN ENFER
L’Imam Mahmoud Dicko est resté constant dans sa dénonciation publique des dérives socio-politiques et le ton est resté ferme et interpellateur sans être déstabilisateur. Cette constance et cette franchise dans la démarche expliquent l’intérêt qu’il suscite au sein des populations déçues par la versatilité des hommes politiques. Il ne peut plus s’arrêter en si bon chemin parce qu’une bonne partie du destin du Mali se trouve désormais entre ses mains dans un environnement des plus délicats. Franchira-t-il le pas pour entrer dans l’arène politique ou se contentera-t-il d’être le leader moral que le Mali attend depuis très longtemps pour sortir de l’ornière de la prédation des biens publics ? Le vrai problème du Mali de l’ère démocratique est le manque de professionnalisme des hommes politiques qui, en fonction de leurs intérêts et des contingences sont capables de tout, évoluant sans cesse dans les eaux troubles de la compromission et de la trahison. Jamais le Mali n’avait connu au sommet de l’État autant de solidarité dans le mal qu’au cours des trente dernières années. Il ne s’agit donc pas aujourd’hui d’arracher le pouvoir à IBK pour le remettre à un autre groupe de prédateurs qui ne feraient que perpétuer le système sous d’autres formes. L’Imam Mahmoud Dicko en est certainement conscient. La morale et la vertu bradées à souhait doivent redevenir la norme dans la gestion des affaires publiques. En outre, les groupes sociaux tenus à l’écart doivent reprendre la parole et l’initiative : la jeunesse à l’éducation compromise condamnée à l’exil et à la délinquance, les femmes au nom desquelles on parle beaucoup par procuration, les « Gardiens du Temple Mali » que sont les légitimités traditionnelles et les leaders religieux, mais aussi les Maliens établis à l’extérieur qu’on tient loin de l’Assemblée nationale depuis 1992 malgré leur apport au développement, leur expérience et leur nombre. C’est la condition pour ne pas se retrouver isolé au sein de politiciens au passé souvent sombre, et promouvoir une vraie renaissance en s’inspirant des erreurs du passé sans jamais devenir l’otage de ceux dont les agissements ont conduit le pays au purgatoire.
Mahmoud Dicko qui mobilise dans l’ordre et la discipline rassure, apparaissant comme le plus grand dénominateur commun de ceux qui aspirent au vrai changement. Cela lui confère un statut et une mission de premier plan qu’il doit mettre au service du pays au bord du chaos. Pour la première fois dans l’histoire politique, le Mali martyrisé et profondément divisé, à la recherche de son salut, tend les bras à un leader religieux. Alea jacta est !
Mahamadou Camara
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Source : INFO-MATIN