Un an après son élection-surprise que reste-t-il d’Emmanuel Macron ?
Rien qu’on ne sache déjà depuis la mise en place du monde multilatéral et pyramidal post Maastricht/Marrakech. Il ne s’agit pas, ici, de dresser un simple catalogue et une appréciation de ce qui a été fait depuis un an, mais plutôt de se demander ce qui n’a pas été – et ne sera pas – fait pour sauver la France d’un profond déclin, voire de sa déchéance.
Emmanuel Macron est, à plus d’un titre, une personnalité étrange mais sans nul doute un habile calculateur. Pas si habile que cela toutefois, aidé qu’il fut par des adversaires lamentables qui lui ont offert une opportunité unique de s’imposer. On le créditera aussi – pour l’instant – d’un réel facteur chance et d’un talent rare de communiquant.
Il reste qu’il demeure, par nature, par carrière et par sa dépendance à ses soutiens, un exécutant qui ne voudra – ni d’ailleurs ne saurait – adopter les puissantes mesures de fond que les Français attendent, confusément, mais dans une immense frustration annonciatrice de colères sans frein.
Réforme démocratique. Alors que près de 60% des Français, écœurés, ne sont plus inscrits sur les listes électorales, ne vont plus voter, ou votent blanc ou nul, la grande urgence est de rétablir la République. Que leur dit le prochain projet de loi de réforme de la Constitution ? Des broutilles : interdiction aux ministres de cumuler leur poste avec des fonctions exécutives dans des collectivités territoriales. Ils seront donc plus disponibles et moins indépendants. Les anciens présidents de la République ne pourront plus siéger au Conseil constitutionnel… Modification du travail parlementaire. Un verrouillage en réalité : à l’avenir, seuls les projets et les propositions “justifiant un débat solennel” (sic) seront examinés. Les lois de finance seront votées plus vite… La Constitution va aussi fixer les principes fondamentaux de la loi en y inscrivant dorénavant la “lutte contre les changements climatiques”. Réduction du nombre de parlementaires, limitation des mandats dans le temps et “dose de proportionnelle” (combien ?) aux législatives. Suppression de la
Cour de Justice de la République pour juger les ministres, avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature pour les nominations au parquet…Inscription de la Corse dans la Constitution…
« Il y a en France une caste de politiciens qui est hostile
à la vraie proportionnelle et au vrai référendum.
Et donc à la vraie démocratie… »
Or la seule vraie réforme que veulent vraiment les Français est celle de la voie référendaire. Leur actuelle anomie date de 2008 lorsque droite et gauche amalgamées au Congrès de Versailles avaient abrogé la Nation française en adoptant la réforme fédéraliste des institutions européennes que les Français avaient rejetée trois ans auparavant. Pour mieux abuser l’opinion publique on introduisit alors, dans la Constitution (article 11), un “référendum d’initiative partagée” avec des conditions de quorum telles (un dixième des parlementaires et… un dixième du corps électoral !) que depuis 10 ans ce mécanisme n’a jamais été obtenu, ni même tenté. Et ne le sera jamais. Or il y a en France une caste de politiciens qui est hostile à la vraie proportionnelle et au vrai référendum. Et donc à la vraie démocratie. Redoutant que cette vraie démocratie mette fin à leurs petites mais juteuses combines. Ainsi, ce qui est permis aux Suisses (1 à 2 référendum par an) et à d’autres nations est honni en France. La Suisse serait “petite” et la France trop grande pour cet exercice. Trop grande ? Ou trop abaissée…
La seule réforme constitutionnelle qui vaudrait serait de faire adopter (par référendum) l’abaissement de 1/10e à 1/20e le nombre des pétitionnaires pour inscrire dans le marbre le référendum d’initiative partagée.
Économie. La seule réforme que Macron ne fera jamais est la seule qui redonnerait sa substance industrielle et agricole à la France : un protectionnisme mesuré et de bon sens. Au lieu de se couvrir de ridicule (et nous couvrir de honte; voir les photos officielles de la Maison blanche) aux États-Unis, Emmanuel Macron a gâché la chance française et européenne de suivre le sillage du brise glace Trump. Les médias français (qui les possède financièrement ?) désinforment sans cesse nos concitoyens sur des sujets majeurs comme l’affaire de l’Ukraine et sur la politique économique américaine.
On en vient à infuser l’impression que Donald Trump serait une sot et/ou un fou qui dirige seul les États-Unis à coups de tweets… Or cette politique économique a un seul maître mot : la défense de l’intérêt américain. On aimerait que Emmanuel Macron s’en inspire. Comme on aurait aussi aimé que Chirac, Sarkozy, Hollande le fassent. Hélas. J’ai patiemment étudié la remarquable politique économique et fiscale du gouvernement Trump et me contenterai de renvoyer le lecteur à mes études de droit économique à ce sujet : Trump va-t-il détruire la mondialisation ? ; À Davos, Trump met fin au multilatéralisme absolu ; Le libre-échange, c’est la guerre commerciale ; Guerre commerciale : quand le monde s’éveillera, la Chine tremblera (Causeur).
Social. Toute notre société dépend de notre capacité à produire les richesses à partager; et donc à notre capacité de maintenir cette capacité. Quels que soient les moyens employés, la légitime défense est légitime, pourvu qu’elle reste proportionnée au péril.
Aussi toutes les questions d’équilibre budgétaire, de dette, d’impôts ou de CSG, de retraites, de santé, de salaires, d’école, d’armée, de moyens de la police et de la justice ne sont que des conséquences de cette cause première qui est l’affaiblissement continu de notre économie, causé par la sujétion à une Europe elle même auto-soumise à la mondialisation multilatérale.
Migrations. Terrorisme. Le débat public est, sur ce sujet, inhibé par la marge étroite que certains juges croient devoir lui laisser. Si le terme “immigration de masse” demeure encore impuni, ceux de “invasion migratoire” sont poursuivis. Et sont pénalement condamnés les propos affirmant que la France vit “depuis trente ans une invasion” et que “dans les innombrables banlieues françaises où de nombreuses jeunes filles sont voilées” se jouait une “lutte pour islamiser un territoire”, “un djihad”. Une cour d’appel vient d’estimer que ces deux passages “visaient les musulmans dans leur globalité et constituaient une exhortation implicite à la discrimination”. En revanche, curieusement la cour n’a pas retenu trois autres passages d’une émission, pour lesquels un polémiste avait été condamné en première instance, pour avoir soutenu que “tous les musulmans, qu’ils le disent ou qu’ils ne le disent pas” considèrent les jihadistes comme de “bons musulmans”. La cour d’appel a estimé que ces passages ne comportaient “pas d’exhortation, même implicite, à la provocation à la haine, telle que la nouvelle jurisprudence” l’impose. Car la Cour de cassation décide, depuis juin 2017, qu’une “incitation manifeste” ne suffit pas à caractériser le délit et qu’il faut désormais “pour entrer en voie de condamnation” que les propos relèvent d’un “appel” ou d’une “exhortation”. Sur ces sujets voir nos recensions de deux livres essentiels : Une exploration clinique de l’islam ; Comprendre l’islamisme (pour mieux le combattre) avec Taguieff (Causeur). Ces livres savants ne disent-ils pas des choses “interdites” ?
En pratique, en dépit de quelques gestes administratifs, d’ailleurs ambigus, Emmanuel Macron ne se démarque pas des politiques permissives de ses prédécesseurs.
Politique internationale. Au demeurant même s’il l’avait voulu s’en démarquer, Emmanuel Macron accepte de demeurer assujetti aux politiques européennes sur les migrations et, plus généralement, à la misérable politique étrangère de la Commission bruxelloise ; en tous cas nuisible aux intérêts de la France. S’il en a une, Emmanuel Macron n’exprime jamais sa vue d’ensemble géopolitique pour proposer des idées neuves. On dit d’Emmanuel Macron qu’il mène une politique étrangère “dans la continuité”, ce qui est censé rassurer, faire sérieux. Hélas, c’est-à-dire comme depuis 40 ans : ni lucidité ni anticipation, ni indépendance, ni leadership, ni habileté, ni saisie des opportunités.
Le Brexit aurait été, par exemple, une belle occasion pour repenser la construction européenne, y maintenir ainsi le Royaume-Uni, respecter les demandes des nations pré-dissidentes (les quatre du groupe de Višegrad : Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie ; et désormais les Pays-Bas, l’Autriche, l’Italie) pour redonner confiance en l’Europe aux opinions publiques.
En Afrique en lutte pour la paix, la sécurité, le développement, Emmanuel Macron, pas plus que ses prédécesseurs, n’a su entendre, au-delà des faits djihadistes, les appels des populations du nord Mali (une zone plus grande que France) à un respect culturel, économique, social et démocratique. La France avait pourtant toutes les cartes en main après sa victoire militaire. On maintient donc, depuis lors, tout l’Azawad dans les frustrations qui alimentent les rebellions.
« Pourquoi ne consacre-t-on jamais de moyens, dans le cadre
de la coopération et du développement, au co-développement
des PME industrielles ou agricoles, là où se créent les emplois
qui stabilisent les générations migrantes ? »
Le 8 février 2018, le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) a rendu publiques ses préconisations pour le développement économique de l’Afrique dont tout le monde proclame qu’il est indispensable à l’équilibre de notre partie du monde. Ce relevé de conclusions, c’est l’ancien monde calcifié : les priorités affirmées ce sont surtout, outre l’éducation, l’accord de Paris et l’égalité femmes/hommes. Les cadres politiques choisis pour ces actions sont Bruxelles, les structures multilatérales, les fondations. Un travail sans créativité. Beaucoup d’argent dépensé mais rien sur le co-dévelopement des PME industrielles ou agricoles, là où se créent les emplois qui stabilisent les générations migrantes. Parmi les pays bénéficiaires de nos impôts, il y a l’Éthiopie, la Gambie et le Liberia (du nouveau président-footeux George Weah), anglophones ; mais pas le Cameroun francophone, de la ligne de front contre Boko Haram.
En Europe et au Moyen-Orient, des mouvances politiques nouvelles se constituent : Russie-Turquie-Iran (accords d’Astana), face aux USA-Arabie-Israël. Des face-à-face militaires inédits (turco-américain, notamment) produisent chaque jour des renversements inopinés d’alliances ou d’hostilités.
La France est bien incapable de faire des choix audacieux. Souvenons-nous que François Mitterrand et Jacques Chirac avaient été incapables de prendre, en ex-Yougoslavie, des positions conformes à l’intérêt national. La France pourrait pourtant, en infléchissant la “stratégie” bruxelloise vis-à-vis de l’Ukraine, retourner la Russie et négocier avec les États-Unis pour proposer des solutions politiques innovantes et durables, en Ukraine et en Syrie. Neutralité, fédéralisation, démocratisation et paix en Ukraine. En Syrie/Irak, en finir avec les accords Sykes-Picot et créer enfin les conditions d’une paix ethnico-religieuse au Moyen-Orient.
Mais pour cela il eût fallu une philosophie politique d’une autre hauteur de vues et qui sache tenir compte des réalités et des aspirations humaines, des volontés de vivre (ou de ne pas) vivre ensemble que seules savent incarner les nations démocratiques. Pour un développement de ces analyses : La France n’a aucune stratégie géopolitique (Causeur).
Paroles d’Actu