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Logements sociaux : haro sur les mauvais payeurs

C’est le jeudi 20 avril dernier qu’a démarré l’opération de l’Office malien de l’habitat (OMH).

maison logement sociaux attbougou

Accompagnés d’huissiers et de forces de l’ordre, les agents de l’OMH ont procédé à l’expulsion de propriétaires, ou d’habitants, la précision est importante, de logements sociaux. Motif : le non-paiement des remboursements contractuels. Dans les termes du contrat qui les lie à l’OMH, les propriétaires reconnaissent le droit à la structure de mettre fin au bail dès qu’un retard de paiement d’un mois est constaté. Un crédit que les concernés ont largement dépassé et, après une trêve à cause des évènements de 2012, l’OMH entend à présent récupérer les biens en question.

Fousseiny Diallo, membre de l’Association pour le développement des 759 logements, est peiné d’évoquer la situation de ces familles qui se retrouvent à la rue du jour au lendemain. Dans la cité, tout le monde ou presque se connait et ce sont de véritables drames qui se jouent sous le regard impuissant des voisins. « Il y a eu des expulsions ici aussi. Ce sont des situations terribles pour les familles. Surtout pour ceux qui ont payé pendant des années, ils perdent ce montant. Il y a des gens qui sont dans leur dixième année (sur 25, durée moyenne du bail, ndlr), soit à 40% de remboursement, et cet argent est donc perdu, puisque l’OMH ne remboursera pas », explique-t-il. En effet, l’Office malien de l’habitat est le maître d’œuvre et le gestionnaire des programmes de logements sociaux, qu’ils soient menés par le gouvernement ou le fruit d’un partenariat public-privé. Les bénéficiaires de ces programmes signent un contrat avec lui, stipulant les modalités d’acquisition du bien et en particulier les clauses de remboursement. « Il est très clairement dit que les bénéficiaires ne doivent pas excéder un mois d’arriérés de remboursement, mais nous allons à trois mois. Au-delà de ce délai et après notification, l’OMH se réserve le droit de récupérer son bien », nous explique le chef du service comptabilité de la structure. Selon lui, ce n’est pas faute d’avoir patienté que l’OMH se retrouve dans la situation actuelle. « Il y a plusieurs niveaux d’alerte, explique-t-il. On envoie pour commencer une notification d’impayé, suivie d’une relance. Après cette dernière, il y a l’avertissement par voie d’huissier, puis le rappel par message téléphonique et enfin la lettre de résiliation du contrat location-vente avec la demande de quitter le logement. Nous avons épuisé toutes ces étapes ». « Il s’agit de pertes qui dépassent plusieurs milliards », précise notre interlocuteur, qui estime qu’à un moment donné, il faut prendre ses responsabilités.

Expulsions Au total, à la date du 31 décembre 2016, 358 contrats ont été annulés pour cessation de paiement. En avril, un lot de 21 mauvais payeurs a reçu la lettre leur demandant de vider les lieux sous peine d’expulsion. « Nous en avons expulsés 20, soit 1 de la cité de la solidarité de Sotuba, 2 de la cité des 759 logements de Yirimadio et 17 de la cité des 1180 de Tabakoro », précise-t-on à la direction de l’administration des logements, qui assure la gestion des logements sociaux. Sur ces 20 expulsions, « nous avons trouvé sur le terrain seulement 3 bénéficiaires, tous les autres expulsés sont des sous-locataires. Malheureusement, en tant que gestionnaires, nous ne connaissons que les occupants des maisons », poursuit le directeur Salif Kodio. C’est donc ces sous-locataires, par ailleurs à jour vis-à-vis de leurs bailleurs, qui ont reçu les lettres et qui se retrouvent aujourd’hui à la rue. Cette pratique de sous-location est interdite, « mais nous nous montrions tolérants. Mais il est déplorable de constater que les remboursements ne suivent pas ».

Penser social « Je me rappelle que quand ATT remettait les clés aux bénéficiaires, il a dit que ce programme de logements sociaux sera social au lieu d’être commercial. Moi je me pose la question de savoir si l’OMH se renseigne sur les conditions de ceux qui ne sont pas à jour. Si leur situation s’est détériorée ou si de nouvelles contingences les empêchent de payer. On ne doit pas juste regarder les comptes, dire que les gens n’ont pas payé et les jeter dehors. Là, ce ne sont plus des logements sociaux. Il faut aussi voir la situation des gens », rétorque M. Diallo des 759 logements de Yirimadio. Ici comme à Tabakoro, entre autres, les mauvais payeurs sont sommés de quitter les lieux. « Il faut faire la part des choses. Ce n’est facile pour personne de mettre des chefs de famille dehors. Mais il faut reconnaitre que l’OMH a tout mis en œuvre. Entre les relances par SMS et les courriers, il y a eu assez de signaux pour que les personnes concernées prennent leurs dispositions », explique pour sa part Oumou Sakiliba, chef de service administration de crédit à la Banque malienne de solidarité (BMS), qui a fusionné en 2015 avec la Banque de l’habitat du Mali, propriétaire des créances sur les logements sociaux. « Depuis le début du programme des logements sociaux, la banque travaille avec l’Office malien de l’habitat. À des fréquences régulières, les informaticiens de la banque dressent des états des remboursements que nous envoyons à l’OMH. C’est donc à l’OMH, à qui les contractants doivent de l’argent, de mener une action, ce qui est le cas actuellement », poursuit-elle. « Nous avions commencé cette opération en 2012. La crise nous a trouvé sur le terrain et nous avons arrêté. Depuis, il y a des gens qui n’ont rien payé, 60 mois d’arriérés pour certains. Pour nous, c’est un signe de mépris. Les gens sont persuadés d’être intouchables et ce ne sont pas les moins nantis qui se comportent ainsi. Nous avons reçu des menaces, subi le trafic d’influence », explique-t-on à l’OMH. Selon Oumou Sakiliba, « le problème est aussi au niveau de la compréhension même par certains de cette affaire de logements sociaux. Quand vous avez des propriétaires qui n’ont jamais versé un centime parce que « c’est ATT qui m’a donné ma maison », il est difficile de leur expliquer la notion de crédit ».

Sursaut salutaire Certains des 358 mauvais payeurs identifiés sont actuellement poursuivis en justice par l’OMH qui entend bien recouvrer les impayés. L’actualisation des états de paiements au début du mois prochain devrait permettre de savoir si la situation d’impayés chroniques se normalise ou pas. « Tenez-vous bien, ne serait-ce que pour ces 20 bénéficiaires qui ont fait l’objet de la procédure d’expulsion, nous sommes à plus d’1 milliard d’impayés. Certains sont à plus de 40 mois et même à 52 mois », déplore Salif Kodio, chef du département administration des logements sociaux de l’OMH, au lancement de l’opération. « Il y a trois catégories de bénéficiaires : les salariés, les non-salariés et les Maliens de l’extérieur. Pour la première catégorie, il n’y a pas de problème, le remboursement se fait par prélèvement à la source. Les mauvais payeurs se trouvent dans les deux autres, ceux-ci devant verser le montant sur un compte, ce qui est aléatoire. L’autre problème, c’est aussi qu’il y a des gens qui sont des salariés mais qui se font passer pour des commerçants qui prennent les maisons et qui après ne versent pas les traites dans les comptes ouverts à la BHM, puis la BMS », explique Mme Sakiliba. Or, la problématique du financement de ces programmes de logements sociaux se pose actuellement avec acuité. « Nous sommes dans un système de revolving. Ce sont les remboursements qui financent les nouveaux projets », explique M. Kodio, qui assure que ses équipes traqueront jusqu’au dernier mauvais payeur pour permettre « à d’autres de bénéficier de ces logements ».

Et Fousseiny Diallo de revenir sur le cas des propriétaires de logements qui les louent mais ne paient pas leur traite. « Cette situation, il est normal et même urgent d’y faire face, parce qu’il y a des gens qui ne sont pas dans le besoin et qui en bénéficient. Ils n’ont aucun intérêt à rembourser. C’est au niveau de l’attribution qu’il y a aussi un travail à faire pour que les maisons aillent bien à ceux qui en ont besoin et non à des propriétaires immobiliers », assure-t-il. « Dans cette situation, c’est aussi une question de mauvaise foi parce que les bailleurs qui ne paient pas les remboursements, mettent dans des situations difficiles les locataires que nous sommes obligés de mettre à la rue », conclut le responsable de l’OMH, qui espère que cette opération sera un signal fort. Déjà, les remboursements ont commencé, certains bénéficiaires portés disparus réapparaissent. Preuve que l’électrochoc aura eu l’effet escompté.

 

Source: journaldumali

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