On a faussement répandu dans le monde l’idée que l’Afrique noire a ignoré la monnaie au profit du troc, système d’échange de marchandises entre elles. Si ce troc exista effectivement entre des peuples de l’Afrique précoloniale, en revanche dans le Soudan occidental en général et dans la vallée du Niger en particulier, exista une monnaie connue sous le nom de « Kolon » et qui servit à assurer les échanges commerciaux jusqu’à l’arrivée des européens à la fin du XIXè siècle.
La monnaie exista aussi en Europe sous le nom de Franc en France, de Livre sterling en Grande-Bretagne depuis l’époque victorienne, de Mark en Allemagne depuis Bismarck, etc. Au début de la colonisation française vers 1898, suite à l’effondrement de l’empire toucouleur d’Ahmadou Tall en 1893 et de Samory Touré en 1900, le Franc français fut introduit chez nous et survit jusqu’à l’indépendance en septembre 1960.
Ce franc connut plusieurs appellations dans les colonies françaises d’Afrique dont les plus anciennes furent le Franc des comptoirs français d’Afrique, puis après 1956. A l’indépendance en 1960, c’est ce franc qui était en vigueur dans les colonies françaises d’Afrique, mais suite au référendum d’autodétermination de 1958, la Guinée sortit de ce franc et créa sa propre monnaie sous le nom de Sily.
Le Soudan français devenu Mali entretemps lui emboita le pas en 1960 en créant le franc Malien qui nous servit de monnaie d’échange jusqu’en 1985 où Moussa Traoré décida de remorquer son pays à la zone franc en dépit des contestations et des oppositions que ce choix souleva.
Si dans les années de l’indépendance, et même avant, la Grande-Bretagne mit sur pied sa propre organisation économique et politique sous le nom de « Commonwealth britannique » mais autorisa ses anciennes colonies à créer leur propre monnaie, la France du Général de Gaulle fit le choix contraire en interdisant à ses anciennes possessions de s’écarter, sous peine de lourdes sanctions économiques et financières, du Franc de la métropole.
Sous le franc malien (1962-1985), le Mali offrit à ses travailleurs un pouvoir d’achat relativement stable alors que dans les pays de la sous-région gérés par le F CFA sévissaient l’inflation et la hausse des prix. Le retour du Mali en 1985, décidé par l’UDPM contrairement à l’avis des meilleurs économistes africains fut une grave erreur politique et monétaire. Le F CFA, n’étant qu’un instrument de domination aux mains de la France, adhérer à un tel réseau revenait à une subordination totale à celle-ci. Beaucoup de pays d’Afrique l’utilisent d’ailleurs sans en connaitre les mécanismes de fonctionnement qui sont trop compliqués et se contentent de le faire consommer par leurs populations avec toutes les conséquences néfastes que comporte cette transaction.
Les récentes décisions de la Cédéao et de l’Uémoa contre le Mali n’ont de sens que vues sous cet angle car c’est cette seule pression monétaire qui les pousse à hausser le ton avec les Etats membres et imposer des décisions impopulaires.
Sans calcul possible, le développement de l’Afrique passe par la mort du F CFA soit par la création d’une monnaie unique ouest-africaine, soit par celle de monnaies nationales comme en Afrique anglophone.
Facoh Donki Diarra
Source : Mali Tribune