Tandis que nous vivons saturés d’annonces anxiogènes sur la multiplication des attaques terroristes, de l’impuissance supposée des FAMA, de Barkhane, de la MINUSMA, du G5, je voudrais apporter un contrepoint à cette cacophonie, qui sert pleinement la cause des terroristes en laissant croire qu’ils sont omnipotents et insaisissables.
En effet, si l’on se penche sur les faits, on constate qu’il est question de choses bien différentes : d’une part la pérennité de l’insécurité, qui est indéniable, et d’autre part la puissance supposée des terroristes. S’il est vrai que les actes de banditisme et d’intimidation sont toujours très nombreux, il est en revanche inexact de conforter l’idée que le djihadisme en est la source systématique. A dire vrai, et c’est mon propos ici, le RVIM d’Iyad Ag Ghali est en train de vivre ses derniers mois.
Ça n’est pas un secret bien gardé, Iyad est mal en point, d’aucuns diraient bientôt mort. Il passerait de plus en plus de temps dans les hôpitaux complaisants – et serait rattrapé par certains traits familiaux précipitant l’arrivée de sa dernière heure. La situation est telle qu’il doit se montrer en vidéo à échéances régulières, pour prouver qu’il est toujours vivant aux Kidalois comme aux autres. Une fois qu’il aura rejoint sa dernière demeure, dans quelques semaines ou quelques mois, que restera-t-il de la coopérative terroriste qu’il a porté à bout de bras depuis 2017 ? Après la mort de Ben Laden, celle d’Al-Baghadi, il sera le dernier leader djihadiste avec une envergure et une légitimité internationale à rencontrer le jugement de son Dieu.
Un tour d’horizon des chefs et potentiels successeurs ayant survécu à l’hécatombe suscitée par Barkhane chez les « élites » du terrorisme djihadiste devrait vous convaincre qu’il est peu crédible que le RVIM survive à son marionnettiste… Commençons par l’éternel second, Bah Ag Moussa, qui n’a pas ni la vision stratégique, ni le passé international de son maître, et s’est jusque-là contenté de porter des messages. Ça serait comme remplacer un berger par sa chèvre !
Voyons ensuite du côté de Tombouctou avec le psychopathe Tala Libi, tellement désaxé que les tribus arabes qui l’entourent cherchent à le fuir pour échapper à son règne de terreur incontrôlé. Autant dire que l’homme n’est pas prêt à fédérer d’autres mouvements, vu qu’il n’est même pas capable de reprendre le flambeau du défunt Yahi Abu el Haman !
Du côté de Bourem, il reste sans doute quelques affidés de Ould Nouini, éliminé en 2018, mais qui sont sans doute retournés à leurs vrais métiers de trafiquants…
Enfin, encore plus au Sud, nous avons Amadou Kouffa, qui se comporte de plus en plus comme le roi autoproclamé des Peuhls et de moins en moins comme un djihadiste. On imagine mal comment ce dernier pourrait prétendre à la succession d’Iyad au regard de sa situation chromatique : comment croire que les Touaregs d’Ansar Eddine seraient prêt à faire des courbettes devant un Peuhl ?
En somme, la fédération des perdants du djihadisme qu’était le RVIM, un agrégat improbable de terros ayant survécu grâce à leur insignifiance ou à leur sens de l’esquive, face au grand nettoyage de Barkhane et des FAMA, s’effondrera sans doute à la minute de la mort d’Iyad. Hors de la sphère terroriste, ce dernier est aussi lâché progressivement par le HCUA, qui sait lire le sens de l’Histoire et voit bien l’impasse de l’option armée face à la puissance légaliste du peuple malien et de la communauté internationale.
Aujourd’hui, le terrorisme djihadiste est un cadavre ambulant au Mali : il est mort idéologiquement il y a longtemps, au point qu’il doive recruter de force ; il implosera une fois pour toute quand nous serons débarrassés de son leader pas si charismatique que ça. L’insécurité ne va pas disparaître ; les problèmes du Centre et d’ailleurs seront toujours là, mais il faut les remettre à leur juste place : le banditisme. Ce banditisme se combat avec les armes de l’unité citoyenne, de la foi en l’action des forces de sécurité, et surtout, par la fortitude morale qui ne se laisse pas terroriser par le fantôme d’une organisation déclinante.
Ibrahim Keïta
Source: Malijet