Dans le cadre de la célébration du 39e anniversaire de sa mort, le Président de la République, Ibrahim Boubacar KEITA, a présidé, hier lundi, au CICB, la cérémonie d’hommage officiel de la nation au Président Modibo KEITA.
Organisée par la Commission nationale d’organisation du centenaire, avec comme président d’honneur l’ancien Président, Dioncounda TRAORE, et président actif, Seydou Badian KOUYATE. En partenariat avec le ministère de la Culture, de l’artisanat et du tourisme, la présente cérémonie a enregistré la présence du Premier ministre, Modibo KEITA ; des présidents des institutions ; plusieurs ministres du gouvernement ; des députés de l’Assemblée nationale ; des ambassadeurs et des organisations internationales. La Famille Daba KEITA, des familles politiques ; des invités de marque et une foule de jeunes venus apprendre un pan de l’histoire du Mali ont également honoré de leur présence à ce rendez-vous.
Le représentant de la Famille Daba KEITA et le président de l’Union malienne RDA, Bocar Moussa DIARRA, ont tour à tour félicité le Président IBK pour avoir donné un éclat particulier à la célébration du Centenaire du Président Modibo KEITA.
« Ce que l’histoire n’aura pas permis de voir en une époque, l’histoire l’aura enregistré pour une autre époque. Ce qui n’a pas été fait hier, comme devoir d’honneur de la Nation, a été fait aujourd’hui comme devoir de mémoire et exigence du poids de l’histoire », c’est par ces propos que le ministre de la Culture, de l’artisanat et du tourisme, NDIAYE Ramatoulaye DIALLO, a introduit son intervention. Cette déclaration traduit, en elle seule, tout le sens et la portée de la présente cérémonie.
Aussi, a-t-elle rappelé, la célébration du centenaire du Président Modibo KEITA qui visait, non seulement à lui exprimer la reconnaissance de la Nation, mais aussi à dire à tous ceux qui accomplissent leur devoir de génération pour le Mali, que leur sacrifice ne sera pas vain, que le Mali leur sera reconnaissant.
« L’ordre des choses aurait été que cet hommage soit rendu par la nation, il y a 39 ans, lors du décès du premier Président du Mali indépendant, en détention », note le ministre de la Culture pour qui ils lèvent aujourd’hui, au travers de cette cérémonie d’hommage national, en ce jour anniversaire du 16 mai, l’équivoque et parfois le quiproquo du peuple malien face à celui qui, près de 40 ans après sa mort, reste une source d’inspiration par son itinéraire politique, sa rigueur morale, son amour ardent de la patrie et son sens élevé du devoir.
IBK : « Aux grands hommes la patrie reconnaissante »
Pour sa part, le Président IBK dira que le Président Modibo KEITA est le plus illustre des Maliens et qui a brillé dans tous les domaines de la vie scolaire, universitaire, sociale et politique.
Né le 4 juin 1915 à Bamako-Coura, un quartier de Bamako, fils de Daba et Hatouma (Fatoumata) CAMARA, Modibo Keïta a été un panafricaniste et un tiers-mondiste convaincu. Après avoir fréquenté, de 1925 à 1931, l’école primaire de Bamako, il entre en 1931 à l’école primaire supérieure Terrassons de Fougères (actuel lycée Askia Mohamed) et en 1934, il poursuit ses études à l’école normale d’instituteurs, l’École William Ponty de Gorée à Dakar. Ses professeurs le signalèrent déjà comme « un bon élément, mais comme un agitateur anti-français, à surveiller ». Il sort major de sa promotion et en 1936, il devient instituteur. Il enseignera d’abord en brousse, puis à Bamako, Sikasso et Tombouctou.
Les débuts de son engagement
Très vite, il adhère à plusieurs associations. Il fonda, avec Mamadou Konaté, l’« Association des lettrés du Soudan » qui deviendra par la suite le « Foyer du Soudan ». Il s’investit dans les activités culturelles et anime le groupe « Art et Travail ».
En 1937, il fonde avec le Voltaïque Ouezzin Coulibaly, le « syndicat des enseignants d’Afrique occidentale française ».
Il devient membre du « Bloc soudanais » créé par Mamadou Konaté.
En 1943, il fonde, avec son ami, Jean Marie Koné, la revue L’Œil de Kénédougou dans laquelle il critique le pouvoir colonial.
L’homme politique
Cette même année, est créé, à Bamako, le Rassemblement démocratique africain (RDA), présidé par Félix Houphouët-Boigny. Il prend le poste de secrétaire général de l’Union soudanaise R.D.A.
En 1948, il est élu conseiller général du Soudan français au titre de la circonscription de Bamako-Kita.
En 1953, il est élu conseiller de l’Union française.
Le 26 novembre 1956, il devient maire de Bamako et est élu député à l’Assemblée nationale française, dont il devient vice-président.
Il siègera, deux fois, comme secrétaire d’État dans les gouvernements français de la Quatrième République :
Secrétaire d’État à la France d’outre-mer du gouvernement Maurice Bourgès-Maunoury (du 17 juin au 6 novembre 1957) ;
Secrétaire d’État à la Présidence du Conseil du gouvernement Félix Gaillard (du 18 novembre 1957 au 14 mai 1958).
En 1958, Modibo Keita est élu président de l’Assemblée constituante de la Fédération du Mali qui regroupe le Soudan français, le Sénégal, la Haute-Volta et le Dahomey (ces deux derniers pays quitteront rapidement la fédération).
Modibo KEITA, Président de la République
Le 20 juillet 1960, Modibo KEITA est nommé chef du gouvernement de la Fédération du Mali (qui regroupe le Soudan français et le Sénégal). Après l’éclatement de cette fédération, le 22 septembre 1960, il proclame l’indépendance du Soudan français qui devient la République du Mali. Il en prend la Présidence.
Socialiste, il oriente son pays vers une socialisation progressive de l’économie, d’abord de l’agriculture et du commerce avec la création, en octobre 1960, de la Société malienne d’importation et d’exportation (SOMIEX) ayant le monopole de l’exportation des produits maliens et de l’importation des produits manufacturés et des biens alimentaires (sucre, thé, lait en poudre…) et de leur distribution à l’intérieur du pays. La création du franc malien en 1962 et les difficultés d’approvisionnement entraînent une inflation importante et un mécontentement dans la population, notamment auprès des paysans et des commerçants.
Sur le plan politique, Modibo Keïta fait rapidement incarcérer ses opposants comme Fily Dabo Sissoko et Hammadoun Dicko, anciens députés représentant le Soudan à l’Assemblée nationale française.
À partir de 1967, il déclenche la « révolution active » et suspend la Constitution en créant le Comité national de défense de la révolution (CNDR). Les exactions des « milices populaires » et la dévaluation du Franc malien en 1967 amènent un mécontentement général.
Le 19 novembre 1968, le lieutenant Moussa TRAORE organise un coup d’État et renverse Modibo KEITA qu’il envoie en prison à Kidal.
Durant neuf ans, de 1968 à 1977, le pays est alors dirigé par le Comité militaire de libération nationale (CMLN).
Modibo KEITA meurt en détention à Bamako le 16 mai 1977 à l’âge de 61 ans dans des circonstances suspectes.
Radio-Mali diffuse un communiqué annonçant : « Modibo KEITA, ancien instituteur à la retraite, est décédé des suites d’un œdème aigu des poumons ».
Ses obsèques au cimetière d’Hamdallaye donnèrent lieu à d’importantes manifestations, réprimées violemment par les services de sécurité dirigés alors par Tiécoro BAGAYOKO. Le président Moussa TRAORE est obligé d’intervenir à la Radio-Mali pour donner une version « officielle » du décès de Modibo KEITA, qui ne convainc personne.
Modibo KEITA est réhabilité en 1992 à la chute du régime de Moussa Traoré par le Président Alpha Oumar Konaré. Le mémorial Modibo Keïta est inauguré à Bamako le 6 juin 1999. Son épouse Mariam Keita est décédée en 2014 à 94 ans.
En janvier 2016, l’aéroport international de Bamako-Sénou est rebaptisé «Aéroport international Modibo Keita – Sénou».
Le panafricaniste
Modibo Keïta a œuvré, toute sa vie, pour l’unité africaine. D’abord, en participant à la création de la Fédération du Mali avec Léopold Sédar Senghor. Après son éclatement, il s’éloigne de Léopold Sédar Senghor et avec Sékou Touré (Président de la Guinée) et Kwame Nkrumah (Président du Ghana), il fonde l’Union des États de l’Afrique de l’Ouest.
En 1963, il participe à la rédaction de la charte de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) dont il est l’un des principaux artisans.
Invitant à Bamako le roi du Maroc et le Président algérien, il œuvrera pour mettre fin à la « guerre des sables », conflit frontalier entre l’Algérie et le Maroc.
De 1963 à 1966, il normalisera ses relations avec le Sénégal, la Haute-Volta et la Côte d’Ivoire.
Partisan du non-alignement, il a défendu les mouvements nationalistes comme le Front de libération nationale (FLN) algérien.
La cérémonie d’hommage a pris fin par une projection de film sur la vie et le parcours politique du prémier président du Mali.
Par Sékou CAMARA
Source: info-matin