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« L’Afrique noire est-elle maudite? »

« On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes. Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées… »

(Aime CESAIRE « Discours sur le colonialisme » Présence africaine)

 

La malédiction! Tous les mots sont peu sûrs, et leurs sens glissent sous la main quand on veut s’y affermir. A défaut donc de pouvoir compter sur le sens particulier des mots, on peut toujours prendre un thème bien connu, et sur ce fond commun développer à son tour. En Afrique sans doute plus qu’ailleurs, le terme « maudit » est un projectile dur qui dure, qui bât comme plâtre, court dans un monde intérieur traversé d’éclats fulgurants, de faims spirituelles, de faiblesses et d’anéantissements aussi et c’est toute une mythologie de l’espace et du dedans hantés par Satan et malheurs accordés, qui s’élabore à travers des images heurtées, brutales, sinistres chutes d’origine inconnue, chute de dents même, intrus invisibles installés sur la vie, qui la minent, projectile donc qui ne se laisse enfermer dans aucune limite fixe. La meilleure façon de l’approcher, c’est de disserter sur ses possibles variations comme y succombe l’auteur.

 

Né en 1951 à KITA et décédé le samedi 30 Novembre 2013 à Limoges (France) à l’âge de 62 ans, le grand écrivain malien Moussa Konaté livre dans ce bel essai l’une des plus âpres prises de conscience que nous ayons du tournant d’une génération de notre pays. L’œuvre offre un aspect nouveau de l’immense talent de l’écrivain (auteur prolifique de romans, de nouvelles, de pièces de théâtre, de polars-romans policiers, noirs, de film) : la grande satire politique. Il y excelle.

 

Déjà, comme romancier, Moussa Konaté possède à un très haut degré la largeur de vue essentielle pour ce genre, malgré un style parfois fouillé pour une articulation romanesque un peu maladroite ; il est avant tout préoccupé de dénoncer et d’instruire, aussi son réalisme est teinté de passion et d’effervescence. Ses caractères sont brossés avec force et vigueur et, en ceci, Moussa Konaté conçoit le roman comme une clé pour la connaissance d’un milieu social, procède au préalable à des « prises de vue et de contact » comme les cinéastes, surtout dans les descriptions suivant le rétroviseur de son « pays » et modèle Kitois, l’immense monument Massa Makan Diabaté, ou Fily Dabo Sissoko – qui jette ses idées pour éveiller les nôtres, à la recherche d’une joie et d’une générosité qui donnent à son style (« La passion de Djimé ») le ton désabusé d’un homme du monde, en même temps que l’éloquence d’un prédicateur, ou les antillais Jacques Stephen Alexis (« Les arbres musiciens »), artiste complet, psychologue social pénétrant et intuitif, et Jacques Roumain (« Gouverneur de la Rosée »), qui se situe dans la lignée de la sensualité lyrique du poète Cubain Nicolas Guillen, mais doublé d’une sorte de moraliste qui aime  surprendre : l’écrivain doit réveler sans devenir un objet de curiosité : « Les confesseurs littéraires sont méprisables, comme les mendiants qui montrent leurs plaies pour recevoir l’aumône ». Moussa Konaté, plus attentif aux résultats de l’action qu’à sa pureté ou à son héroïsme, est donc dans le sillage des « conservateurs de la tradition ».

 

Sous un titre qui paraît exprimer exactement le moindre doute, l’essai, composé d’une dizaine de chapitres, est discontinu, fragmentaire, lié aux moments essentiels d’expériences mettant en jeu la culture et le développement, oscillant perpétuellement de l’une à l’autre pour qu’ils s’avivent mutuellement et précipitent vers l’abîme où le lecteur chute suffoqué, exaspéré, ravi. Ces fragments sont à la fois médités et agis : on les dirait, non pas écrits, mais « haletés » au plus vif de l’expérience. Créant une durée qui les excède, ils ont l’avantage, sur un récit continu, de se dépasser en elle au lieu de la contenir.

 

Moussa Konaté développe les problèmes qui se posent, et que se posent les pays de l’Afrique noire. Dans un angoissant inventaire à la Prévert, il interpelle sur la misère effrayante et les maladies effroyables, l’art, les castes, les tribus, les cousinages à plaisanterie, le racisme, puis l’esclavage, puis la colonisation, l’indépendance, la coopération, la rumeur calomnieuse, la mort, la peur du tabou, le coq, la famille, l’âne, l’étreinte et l’outrance de la solidarité familiale ou clanique aux dépens de « celui qui a réussi » et qui … « Même les écrivains, ils sont contraints de casser leur plume au bout de quelques livres – absorbés qu’ils sont par les innombrables obligations sociales – ou s’exilent ». Réflexions, souvenirs et nouvelles se mêlent.

 

Bien sûr, il existe en Afrique la joie de vivre et de communier. Bien sûr, il existe un enivrement qui est celui d’être, d’exister, de fraterniser. Mais « les filles qui se marient deviennent comme un placement, une rente, et doivent subvenir aux besoins de leur famille paternelle au détriment de leur foyer conjugal ». « L’argent tend de façon croissante à être le fondement de l’union de l’homme et de la femme ». Et bien, si l’amour aussi est un luxe, voilà la condamnation ! La crainte de la malédiction, c’est l’aiguillon de la discipline, de la politesse, du secours, de l’aide, de l’assistance, de la discrétion, de la soumission conjugale, filiale, religieuse, peut-être de la rémission, du pardon. Jusqu’en Australie ou aux Iles Maldives, la malédiction des ancêtres brise le travailleur immigré qui n’envoie pas « quelque chose » au pays.

 

Dans ce livre, notre cher écrivain demeure fidèle à lui-même en éclairant un problème qui n’a rien de littéraire : celui des rapports qu’entretient l’individu, l’homme de tout temps de nos pays, avec la société dans laquelle il vit, avec son époque, avec les autres, avec l’histoire. Victime de cette histoire, pour peu qu’il prenne conscience de son état, l’homme peut la façonner et l’infléchir, alors qu’il est sans pouvoir sur elle s’il l’ignore et la refuse. La vraie démission est celle du sujet devant la tradition lorsque «le pacte originel» (un terme qu’il affectionne) n’est plus qu’une forme sans contenu. Oui, mais attention à la malédiction. Ajouterions nous,  simple lecteur que nous sommes, la dimension de notre humanisme n’est ni le fini, ni l’infini, mais l’indéfini.

 

Moussa Konaté, lauréat du prix Sony Labou Tansi 2005 pour le théâtre francophone, consacre de longs passages sans cesse rompus et renoués à la dureté de la vie, devant laquelle les Africains noirs sont tragiquement désarmés. C’est la maladie de la mère, la malchance du frère, la méchanceté du demi-frère parvenu, la clientèle qui fuit le cordonnier : rien de forcé, jamais d’outrance, une observation minutieuse de la vie, une tendresse profonde d’humble pour les humbles, dont la nuit refermée, on connaît par cœur les silences et les douleurs. Ah, combien la misère ôte de leur force aux passions qui lui sont étrangères : un excès de pauvreté raccourcit la mémoire, détend l’élan des amitiés et des amours. Le tam-tam et le tambour, aux sons tendus vers une plénitude illusoire, s’efforcent de reconstituer la ferveur et la gaieté à partir de ce vide qui s’ouvre et se referme devant les ventres, devant le souffle inconsciemment égoïste de la flûte. Ça doit venir de l’instinct tout çà. La tragédie n’est plus possible dans une société qui n’admet pas un rapport nécessaire entre souffrance et culpabilité. Pauvres et «Personnalités» rient ensemble quand le rideau tombe aux Palais de la Culture. Moussa Konaté est un conquérant dégoûté qui se préfère à toute conquête malsaine. Les dirigeants n’ont pas toujours le courage de lutter contre leur monumentale force d’inertie.

 

Professeur, issu de l’École Normale Supérieure du Mali (Ensup), Moussa Konaté a aussi le souci didactique d’illustrer les effets destructeurs de certaines traditions : «la polygamie ou le repos du roi », l’excision et dans un autre domaine, l’acculturation des intellectuels.

 

Le thème des démêlés de l’homme et de la multiple grâce (la polygamie) est pleinement développé et si l’on ose, la langue peut être ici plus dépouillée, est puissante et variée. Dans cette affaire, le lecteur ne sait pourquoi, Dieu lui a donné à profusion la vertu d’écœurement. Notre amie psychologue, tantôt endeuillée, acceptera sans doute de diagnostiquer. Sur ce chapitre, Moussa Konaté a un problème avec son «moi » ou son «inconscient» : une sorte d’autoprofanation sociale, mais aussi morale et psychologique, justifiée par son désir de faire sombrer le moi au niveau minimal et divin des éléments. Reste soit à prendre ‘‘l’horreur’’ par surprise, soit à détaler, purement et simplement. Limoges, capitale de la céramique, vaut bien Kita, capitale de l’arachide. Pour hâter cette fuite, Moussa se perçoit comme partie intégrante du flux cosmique lui-même. Il pourrait même citer Héraclite : «Tout coule, rien ne demeure».

 

L’auteur se désole : les écrivains et penseurs noirs africains sont les nouveaux tirailleurs, armés du mépris pour l’Afrique, de la honte du Noir, «de l’impatience à prouver à l’homme blanc qu’ils ont assimilé ses leçons ». Moussa Konaté rappelle ici le mot de la Grande Royale, dans le roman « l’Aventure ambiguë» de Cheikh Hamidou Kane, invitant les africains à « aller apprendre, chez les colonisateurs, l’art de vaincre sans avoir raison ».D’infinies ressources verbales et techniques dont use l’auteur donnent à son livre «un tempérament » si vivant qu’il semble bien que la littérature ne fut jamais si près de devenir «physique » : «Quand la corruption se justifie», «La démocratie paradoxale», «ici, nègres à vendre », «Mais c’est quoi le paradis», «la défaite des fils bénis », «le nouveau pacte », entre autres. Dans un univers où les cœurs sont blessés, des lambeaux de vérité apparaissent, se déforment, se déchirent comme des nuées d’orage.

 

C’est aussi l’objectivité totale, impitoyable, du récit indirect. L’avis rétrograde, l’ignorance, l’hypocrisie y sont au passage stigmatisés. Par exemple, les divagations de Nicolas Sarkozy (par ailleurs avocat de nom et de quartier) le 26 juillet 2007 à Dakar : «le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire…». Abus de faiblesse politique, il ne remonte pas loin. Et il ne fera jamais que de rares allusions incertaines à ce qui se passe avant la période qu’il choisit d’évoquer, à l’instar du stérile et abstrait journaliste Stephen Smith, qui multiplie par mille les ignominies et les clichés du plus mauvais goût sur les « descendants de CHAM»,  dont il a «adapté» le visage afin de tendre à tous ce visage irrécupérable, décevant. Divagations et délires excessifs écrits par le porte- plume Henri Guaino (le «nègre» de Sarkozy), et auxquels, sous la direction du Professeur Adame BA KONARE, des historiens émérites dont elle-même donneront en réplique une sorte de topique transcendantale par une série d’articles sévères, nets, secs, glacés et ajustés comme une opération chirurgicale.

 

Moussa Konaté arrive ici, lui, par des répétitions savamment calculées, une situation identique étant vue et évoquée successivement de plusieurs points de vue intérieurs divergents, à une «mise sous tension» de tels idéologues et leurs fabriques. D’une anecdote, il sait faire une histoire, racontée avec vivacité et rapidité. C’est sa seule prétention.

 

Mais en étoffant celle-ci aux dimensions d’un essai, et non plus d’une nouvelle, il tombe souvent dans l’excès de pittoresque et frôle le mélodrame. Deux chapitres finiront par mourir de cette faiblesse.

 

Ce que l’auteur demande par ailleurs aux études de société de l’Afrique noire, c’est de l’exigence envers l’ethnocentrisme. Les sociétés occidentales ne sont pas les seules possibles, et les nôtres ne sont pas les meilleures. Il exprime l’angoisse du Sud-Sahara qui se penche sur son passé, et le besoin de retrouver un refuge contre l’instabilité du monde, une arme contre la disparition de la croyance et du sens du sacré. Mais toute tradition souffre des assauts du temps, et l’homme moderne, nouveau Narcisse, retrouve seulement sa propre image. Si nous ne confondons plus l’acquis et l’inné, le culturel et le naturel, nous pouvons changer notre optique et agir sur les faits de culture, résoudre les problèmes nés de notre organisation sociale elle-même et ainsi rendre nos sociétés plus harmonieuses, en refusant de nous résigner à leurs imperfections et en reconnaissant le rôle fondamental pour l’homme de l’éducation à lui dispensée par la société. L’auteur nous paraît aussi suggérer que c’est donc aux «mœurs» qu’il faut attribuer la plus grande part de ce que nous pensons sous le terme déterministe de «tempéraments».

 

L’Africain noir, en passe d’abandonner la tradition, Dieu, les idoles, après avoir abandonné les affections instinctives, menace de s’abandonner lui-même, s’il ne retrouve une raison d’espérer. Cette raison, sa vérité, est pour notre écrivain «une nouvelle école, la seule voie du salut», et «Travailler, vivre, aimer», telle devrait être la devise de la «nouvelle Afrique noire». Un peu conventionnel, non? Notons qu’au moment où Moussa Konaté clame sa foi en le «renouveau humaniste» (nous ne le saurons qu’en impressions), le monde occidental où il a pris ses ultimes quartiers s’effondre : inflation, chômage, crises multiples, c’est le temps des aventures, du génie pour le fric, du cannabis. Konaté y retrouve un sens dans l’écriture (quand les néo-marxistes- il en reste-pensent action, praxis) devenant une haute magie qui ferre et dépasse la science et la philosophie, la morale et la raison : elle est une totalité en soi.

 

Ainsi a vécu Moussa Konaté (avec son Festival Etonnants voyageurs, codirigé par Michel Le Bris), dans ce monde Européen encombré d’idoles mortes, et dans le décor automnal d’un vieux cimetière, l’auteur tente d’imposer sa vision : continuité de la nature, mort considérée comme un retour aux origines, et ses efforts pour recouvrer le passé se heurtent au cadre qui l’entoure. Le talisman des noms historiques pleins de gloire prestigieuse est inefficace. Il impose un ordre formel classique à la description indignée des désordres de son temps. Son livre devient alors le lieu d’une tension dialectique entre la tradition et la modernité, le produit de cette tension entre deux extrêmes. Critique pénétrant des mythes du modernisme, admirateur d’un passé idéalisé, il ne peut se résoudre à accepter les limites de notre condition temporelle. Sa lucidité et sa sensibilité extrême en font le plus actuel des écrivains «fugitifs». L’Afrique est-elle maudite? Il faut avoir la force de dire non, et les œillères tombent en même temps que les illusions et les allusions, mais en retour le monde devient désenchanté, le cœur se dépouille des sentiments, il ne reste plus que la sensation immédiate, l’éphémère présent. L’écrivain se relève avec une amertume tragique, qui donne à ses images un tour personnel. Sa voix un peu sèche, ses mots comme prononcés à bout de souffle, donnent un rythme haletant dans « le modèle social africain en question», chapitre du livre qui débouche sur l’ironie et le sarcasme à l’égard de soi-même. La phrase est vive, acérée, méchante et s’adoucira à mesure qu’il redéfinit la vie et la nécessité pour qu’elle prenne au moins….un sens humain grâce à l’éducation, au savoir, son obsession d’enseignant. Alors, l’écrivain n’appellera plus le vent de la destruction, mais celui qui sert le cœur des hommes, de tout l’humain, le désir de partager le pain d’une fraternité, souvent douloureuse, mais toujours réconfortante.

 

L’analyse du non-développement, thème dont le succès a pour ressort la contestation désespérante des sociétés moins soucieuses de «savoir» que de «préservation», explore des extrêmes. Il faudra donc à l’Afrique noire retrouver, même en une fulgurance, sa mémoire, bien avant l’Égypte ancienne, c’est-à-dire la conscience du temps passé, pour que la joie de vivre ne soit pas une obligation naïve. C’est à sa mémoire qu’elle doit l’intuition de l’oubli des dérives à venir.

 

Ce que ce livre passionnant revèle – sans remonter à l’originelle malédiction d’Adam et d’Eve et de tous leurs descendants pour une pomme dont le destin est d’être satanique- outre la moisson d’observations strictement littéraires qu’on y peut faire, dans le sens de la dette envers l’écrivain- éditeur disparu, c’est l’activité débordante de la lumière par l’ascèse de l’écriture de Monsieur Konaté : elle s’élargit aux dimensions de toute une existence et de toute une époque furieuses.

 

Le monde, c’est surtout un champ du possible, une capacité de se rapporter au présent sur le mode du possible. Contre le sentiment diffus de dépossession de soi, Moussa Konaté redessine les conditions d’une émancipation collective : intensifier le sentiment de vivre, c’est restituer nos expériences communes dans des récits, revitaliser nos multiples accès au monde en lui conférant, en dépit des risques et des absences de garanties, des promesses de transformation.

 

La clé du livre est dans son titre, mais la réponse demeure ambiguë et montre un écrivain au chagrin de ne pouvoir vivre l’unité de l’Afrique noire, tout en exprimant l’impuissance de cette quête- dont ses pages disent le chemin, mais qu’elles ne montrent pas, car il est injustement l’impossible, et cette vérité se profile au sommet d’une réflexion délirant de son manque, de son inépuisable, au sommet d’une frustration jaillie de la honte d’une génération dont il se dit le symbole. La nostalgie qu’inspire cette impuissance tient à la soif d’absolu et d’infini qui soulève perpétuellement l’homme, cet être fini. A cette inspiration d’essence métaphysique, se mêle chez Moussa Konaté une vive rage pour l’agonie de la mère Afrique, qui n’est pas seulement l’immersion d’un lien sentimental, mais le déchirement de la terre en laquelle l’écrivain demeure enraciné, le sol sur lequel il prend appui, et dont ses créations ne pourraient se passer.

 

Le préfacier du livre, l’Académicien Erik Orsenna, fut un porte-plume de François Mitterrand, (par ailleurs avocat de renom, lui, fin lettré, grand écrivain et redoutable polémiste). Erik Orsenna est le concepteur du fameux discours de la BAULE. Il aura vu qu’en Afrique comme en France, le temps ne se déroule pas en un lisse ruban sans rupture ni faille de projets et d’actes étroitement enchaînés. Et depuis ce discours, chaque manifestation de la vie semble appeler l’obscure interrogation de notre écrivain qui en multipliera la portée, en en faisant le titre de son livre.

 

En effet, selon Moussa Konaté, « tout se passe comme si le destin de l’Afrique noire était de symboliser le malheur de toute façon et de provoquer la commisération et le mépris». Par conséquent, et «En définitive, l’objectif final de la renaissance de l’Afrique noire est que l’Occident n’apparaisse plus comme le centre du monde… Mais auparavant, les Noirs africains devront démontrer qu’ils n’ont plus besoin, nulle part, de prouver qu’ils sont des êtres humains». L’Afrique noire est mal partie, l’Afrique noire n’est pas partie, l’Afrique noire refuse de partir : partir, est-ce mourir un peu encore?

 

Ce qui compte, selon nous, au-delà des images du quotidien, si variables selon les lieux et les époques, n’est pas tant l’inventaire de ce quotidien que la faille de l’histoire. Car il y a toujours un moment où s’impose à nous l’impérieux désir d’assimiler le parfum du bien-être et de la liberté par l’exploration du passé. Sans cette grâce, que serions-nous? De simples réalistes. Incapables de demander l’impossible.

 

MOUSSA  KONATE

« L’Afrique noire est-elle maudite? »

(Editions FAYARD, 2010, 240 pages, préface d’Erik ORSENNA)

lawyergakou@yahoo.fr

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