L’uranium, une des raisons – pour ne pas dire une des principales raisons – de la présence de la France au Sahel ? Vous en doutiez ? Manuell Valls l’avait même affirmée en son temps.
En janvier 2016, à l’occasion d’un vif échange entre l’humoriste Jérémy Ferrari, le Premier ministre d’alors avait clairement indiqué que l’intervention militaire française contre les groupes touaregs au Sahel, rejoint depuis par Al Qaeda, n’avait pour but que s’assurer de la sécurité des intérêts stratégiques français.
Manuell Valls avait non seulement confirmé mais avait même ajouté : « s’il y a un pays (le Mali) où il y a un intérêt fondamental, c’est l’uranium pour évidemment nos industries dans le nucléaire ».
C’est ainsi que quelques jours à la visite largement médiatisée – malgré les restrictions imposées par l’Elysée aux journalistes – de Emmanuel Macron au Mali (nous y reviendrons dans plusieurs articles dédiés), les richesses en yellow cake de la zone sont de nouveau mises avant. Ses ressources pétrolières ayant quant à elles été remises sur le devant de la scène, notamment par le géant pétrolier Total quelques jours à peine avant la venue du nouveau président français en terre africaine.
La compagnie minière australienne Aura Energy a en effet annoncé, mercredi 24 mai, avoir émis une demande auprès du gouvernement de Mauritanie en vue d’obtenir un bail minier sur son projet d’uranium de Tiris. La société affirme par ailleurs avoir réalisé une évaluation exhaustive de l’impact environnemental et social (ESIA) couvrant tous les aspects du projet, y compris la consultation communautaire dans les régions proches de l’emplacement du projet.
« Cette étape importante pour le projet Uranium Tiris d’Aura va mettre en évidence que Tiris est maintenant dans le prochain groupe important de projets d’uranium qui, sous réserve de financement, sera développé. En raison de son faible coût en capital, la mise en œuvre de Tiris est très réalisable pour atteindre le prochain cycle attendu de hausse des prix de l’uranium« a déclaré, Peter Reeve, président exécutif de Aura Energy. Tout est dit en quelque sorte … y compris l’impact de la hausse projetée du cours de l’uranium sur les investissements des plus grandes firmes minières de la planète. De quoi rendre la région du Sahel … hautement stratégique, si elle ne l’était déjà.
La demande de crédit-bail minier sera examinée par différentes entités au sein des ministères mauritaniens des Mines et de l’Environnement durant une période de 6 mois. La compagnie prévoit de réaliser l’étude de faisabilité définitive (DFS) du projet entre fin 2017 et début 2018, ainsi qu’un certain nombre d’activités parallèles comprenant la recherche de financement.
A noter qu’en avril dernier, François Hollande avait pour sa part reçu à l’Élysée le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, son pays abritant le secrétariat du nouveau G5 Sahel. La question sécuritaire fut l’objet principal de la rencontre entre les deux dirigeants, la Mauritanie étant un pilier sécuritaire dans la région du Sahel. Le pays abrite ainsi le secrétariat du G5 Sahel qui regroupe, outre la Mauritanie, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad.
« Le soutien à la force du G5 Sahel en matière de formation et d’équipement fait partie de la stratégie de sortie à terme de l’opération Barkhane [présence militaire française au Sahel]« avait-on alors indiqué dans l’entourage présidentiel. Lequel avait ajouté que ce soutien s’accompagnait également d’un renforcement de l’aide au développement, l’agence française de développement disposant pour ce faire de moyens accrus. Pour accéder notamment aux ressources minières de la zone ?
En août 2015, alors que nous laissions déjà entendre depuis fort longtemps que le conflit qui secoue le Mali depuis de nombreux mois est fortement lié à des odeurs de gaz, de pétrole et plus globalement à ses ressources énergétiques et minières telles l’or et l’uranium, la presse malienne avait quant à elle enfoncé le clou. Rappelant les propos prophétiques du Guide de la révolution libyenne, Mouammar Kadhafi – qui avait décidément tout compris – les journalistes maliens subodoraient alors que les tensions qui secouent le pays sont intimement liées à son potentiel.
A l’occasion d’un de ses nombreux déplacements au Mali, Kadhafi avait ainsi déclaré : « Le nord du Mali est très riche en ressources minières. Si vous ne preniez garde, un jour les occidentaux vont venir s’installer définitivement pour exploiter vos richesses… ». Tel pourrait bien être le cas …. Une situation que nous évoquions ici-même au sein de plusieurs articles dédiés à ce sujet. Et qui fut également évoquée lors d’un reportage sur Arte pour le moins éloquent.
A l’été 2015, la presse malienne, relayant des informations émanant de sources locales annonçaient que l’exploitation de l’uranium de Kidal était en cours avec la complicité de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), laquelle regroupe les groupes armés touaregs et arabes. Certes, le journal « l’Aube » concédait qu’il était « difficile de vérifier l’exactitude de cette information, dans une zone inaccessible aux autorités et autres ressortissants maliens ». Mais ajoutait : « tout porte à croire que la région de Kidal n’est pas « protégée » pour rien », les lieux semblant attirer non seulement terroristes et bandits … mais également des puissances étrangères désireuses d’avancer leurs pions …
Comme nous l’indiquions ici-même, des « intérêts colossaux seraient en jeu ». Une raison selon le journal de faire de cette localité une véritable « forteresse » ou zone interdite. » Certains Maliens sont toujours convaincus que la défaite de l’armée face aux rebelles de Kidal, n’était pas un fait du hasard. Les rebelles auraient certainement bénéficié du soutien d’une main invisible, l’appui d’une puissance étrangère » ajoutait tout net le journal.
« L’on comprend aisément pourquoi l’armée et l’administration maliennes ne sont pas, pour le moment, les bienvenues à Kidal. Il faut les maintenir loin (et très loin) pour écarter tous les soupçons qui peuvent peser sur les complices des rebelles de Kidal, notamment des pays étrangers qui se disent « amis » du Mali » précisait enfin l’Aube.
Disant tout haut ce que nous soupçonnions tout bas, le journal affirmait également que des actions pourraient être menées pour « non seulement justifier la présence étrangère au Mali » mais également « empêcher par la même occasion que d’autres partenaires du Mali ne s’intéressent aux ressources minières » du pays. Stratégie particulièrement appréciée des Etats-Unis, soit dit en passant.
« Pour réussir leur coup, ces puissances étrangères n’occultent aucune alternative. C’est pourquoi, d’autres observateurs voient dans les attentats et autres attaques de ces derniers jours une stratégie malsaine pour maintenir notre pays dans le chaos » ajoutait le journal. Cela a le mérite d’être clair, la langue de bois n’étant plus de mise …