La Commission des Affaires étrangères de la Chambre des Communes accuse le gouvernement britannique de sous-estimer la dangerosité du groupe paramilitaire russe.
Si les russophiles de plateaux les plus endiablés semblent généralement surjouer lorsqu’ils jurent leurs grands dieux que l’Occident tremble devant la quête de souveraineté africaine, il n’en demeure pas moins que l’activisme russe en Afrique inquiète certains États européens. Parmi ceux qui grincent des dents, la Grande-Bretagne.
La commission parlementaire des Affaires étrangères de la Chambre des Communes vient ainsi de divulguer les résultats d’une enquête sources ouvertes (open source), qui décrit « l’emprise de Wagner au-delà des frontières de l’Europe, en particulier sur les États africains ».
Ce rapport de 82 pages évoque le cas de sept pays dans lesquels des activités du groupe paramilitaire russe ont été détectées, sinon avouées : l’Ukraine, la Syrie, la Centrafrique, le Soudan, la Libye, le Mozambique et le Mali. Les accusations sont graves : affaires rentables préférées à une coopération solidaire, enrichissement au détriment des populations locales, contribution à des occupations ou à des annexions illégales de territoires, formation de forces de l’ordre à la torture de civils, ou encore assassinats par centaines.
« Manque flagrant de compréhension »
Selon cette enquête diligentée par les élus britanniques, Wagner voit « dans la souffrance et le chaos autant d’occasions de faire du profit ». Le rapport qualifie d’ « objectif de politique étrangère du Kremlin » le fait de « forcer des États défaillants à compter sur le réseau Wagner ».
L’affaire prend un tour britannico-britannique, car Alicia Kearns, la présidente de la Commission des Affaires étrangères, accuse le gouvernement de son pays de « complaisance » à l’égard du groupe russe, de « sous-estimer sa croissance dangereuse » depuis une décennie et de « ne pas prendre suffisamment la mesure, et de manière flagrante », de la nocivité de ses activités au-delà des frontières de l’Europe, en particulier en Afrique.
Plus floue est la solution proposée par la Commission : « Le Royaume-Uni doit offrir une alternative aux pays en difficulté », au-delà des sanctions, est-il écrit. L’élargissement du propos à d’autres sociétés militaires privées est, en revanche, tout à fait pertinent. Les députés britanniques affirment ne pas ignorer le soutien que l’Occident a apporté ou apporte encore à certains groupes de mercenaires. Ils évoquent à la fois l’histoire postcoloniale, sanglante en Afrique, notamment au Congo, et les activités de la société de sécurité américaine Blackwater, accusée d’avoir tué des civils en Irak.
Compatible, sur ce plan, avec les discours néo-panafricanistes, cette analyse évite tout de même, à la différence de certains arguments souverainistes actuels, de dédouaner Wagner de ses actes en les présentant comme la réponse du berger russe à la bergère occidentale. Les députés britanniques préconisent en effet une réglementation de toutes les sociétés militaires privées.
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