Cheick Ag Haoussa, chef de guerre du Hcua, a péri dans l’explosion de son véhicule. C’était le samedi 08 octobre 2016 à Kidal. Quelques semaines après, les langues se délient dans l’Adrar des Ifoghas. Et un nom : Alghabass Ag Intallah est cité comme l’auteur ou du moins l’un des commanditaires de ce crime. L’homme, connu pour sa mégalomanie, en voulait à Cheick Ag Haoussa pour la simple raison que celui-ci était devenu incontournable au sein du Hcua.
Rappelez-vous ! C’est en rentrant chez lui, après une réunion au Bureau de la Minusma à Kidal, que la voiture de Cheick Haoussa a sauté 31sur une mine. Il est mort sur le coup. Depuis lors, les accusations vont bon train. Pour la CMA, il s’agit d’un « assassinat ciblé » et « prémédité ». Et effectivement, tout porte à croire que c’est un acte ciblé. Mais planifié par qui ? Les pistes…
Selon des sources proches du mouvement, Alghabass Ag Intallah, l’un des fils du patriarche défunt (Amenokal Intallah Ag Attaher), pourrait être le ou l’un des commanditaires de l’assassinat de Cheick Ag Haoussa. Ce dernier, faut-il le rappeler, était une personnalité influente et charismatique du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (Hcua), bras droit du terroriste Iyad Ag Ghaly et non moins chef militaire de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA). Il était envié pour son rang et ses privilèges par Alghabass qui, lui, est en manque de charisme et de leadership. Fallait-il donc se débarrasser d’Ag Haoussa ? Ainsi, un plan a-t-il été minutieusement préparé, planifié et exécuté, le 8 octobre dernier, par Alghabass, avec la complicité active de certains de ses fidèles lieutenants, voire d’autres alliés…
La mégalomanie de leadership
Cheick Ag Haoussa lui faisait-il ombrage ? En fait, après avoir lamentablement échoué dans sa tentative d’accaparement du poste coutumier d’Amenokal des Ifoghas au profit de son frère aîné Mohamed Ag Intallah, après la mort de leur père, l’intéressé avait jeté tout son dévolu sur le Hcua. N’ayant pas pu s’imposer au sein de cette organisation où Cheick Ag Haoussa était devenu incontournable et très lié au chef terroriste d’Ansardine, Alghabass, pour parvenir à ses desiderata, n’avait d’autres solutions que d’éliminer Cheick Ag Haoussa, devenu son rival ou même son ennemi n°1 à abattre.
Ce n’est pas tout. Aussi, Alghabass Ag Intallah est enivré par l’obstination de confirmer son hégémonie au sein de la communauté Ifoghas à travers le Hcua, de se rendre fréquentable par la communauté internationale, voire même incontournable dans le processus de paix et de réconciliation au Mali.
Pour arriver à cette fin, il a fait nommer ou désigner dans son jardin d’Intikoua, le 25 octobre 2016, Achafgui Ag Bohada comme chef d’Etat-major du Hcua, supposé pour lui, très maniable, sinon manipulable à souhait.
Donc, une fois qu’il aura atteint ses objectifs, après s’être servi de cette marionnette d’Achafgui, il s’en débarrassera, soit en l’écartant pour le faire remplacer par un Ifoghas, soit en le tuant tout comme il a fait avec Cheick Ag Haoussa.
Au-delà de cette mégalomanie, Alghabass Ag Intallah veut, à travers cet assassinat, à tout prix discréditer le Gatia aux yeux de l’opinion publique nationale et internationale. En effet, en éliminant Cheick Ag Haoussa et en le remplaçant par Achafgui Ag Bohada (Imghad de Tessalit peu connu et moins influent), ayant précédemment travaillé avec le Général El Hadj Gamou, Alghabass voudrait ainsi faire croire à la communauté internationale que le conflit armé qui oppose la CMA au Gatia n’a pas de connotations interethniques ou intercommunautaires.
Du coup, il tente par tous les moyens d’incriminer le mouvement Imghad et alliés comme un groupe armé défavorable à la paix ou une organisation terroriste infréquentable.
Mais, les Maliens ne sont pas dupes. S’il y a un groupe armé proche des terroristes au Nord du Mali, c’est bien le Hcua qui n’est ni plus, ni moins qu’une organisation satellite créée par Iyad Ag Ghaly, chef d’Ansar Dine.
Alghabass Ag Intallah, Ag Bibi et leurs compères sont des hommes de mains de ce terroriste activement recherché par les services de renseignements américains. C’est Iyad qui, par procuration, gère aujourd’hui la ville de Kidal. Et à travers le Hcua, « il est même présent dans le processus de paix en cours ».
Le triple jeu d’Alghabass et du Hcua
Aujourd’hui, les vrais saboteurs de l’Accord de paix issu du processus d’Alger sont tous membre de la CMA. Les grands analystes et vrais connaisseurs de la nature des composantes de cette organisation n’en doutent point. Car, il est établi que le véritable problème de Kidal, qui constitue le nœud de la crise au Nord du Mali, n’est ni plus ni moins que la CMA, particulièrement le Hcua (Haut conseil de l’unité de l’Azawad). Ce mouvement, sorti des entrailles d’Ançardine sous l’autorité de Alghabass Ag Intallah, joue à un triple jeu.
Primo, dans ses rapports avec l’Etat malien, le Hcua est pour l’Accord de paix. Tous les discours tenus à Bamako prônent la paix, la réconciliation, le retour de l’administration à Kidal, l’unicité du Mali. Avec ce langage, les responsables du mouvement soutirent l’argent à l’Etat, à l’image de ces 400 millions débloqués par le trésor pour l’organisation d’un forum à Kidal, mais qui n’a jamais eu aucun impact sur le processus de paix. Le Hcua filoute Koulouba et la Primature.
Secundo, à Kidal, le Hcua demeure toujours ce mouvement indépendantiste qui ne parle jamais du Mali aux populations de la ville et même de la région. Pour preuve, le drapeau malien et aucun symbole de l’Etat n’existent sur le territoire contrôlé par les rebelles du Hcua. C’est le drapeau de l’Azawad qui flotte aujourd’hui à Kidal dont les enfants de 10 ans (ceux qui avaient 5 ans au moment du coup d’Etat de mars 2012) n’ont peut-être jamais entendu le nom MALI.
Tertio, il est de notoriété quasiment publique que le Hcua est avec les autres mouvements terroristes et djihadistes comme Aqmi, Al Mourabitoune et le Mujao. Car, c’est Iyad Ag Ghali qui tire les ficelles. L’ex rebelle, devenu djihadiste, reste donc présent dans le processus de paix au Mali sans avoir signé l’Accord de paix.
Cette triple configuration fait comprendre que le Hcua ne voudra jamais du règlement du problème de Kidal. D’où son hostilité à la mise en place des Autorités intérimaires et du MOC (Mécanisme opérationnel de coordination).
Donc, l’Accord de paix ne pourra jamais être appliqué tant qu’Alghabass et ses compères ne se mettent pas au pas. Et, sans doute, ils ne feront pas de bon gré, car cette cacophonie est favorable à la fructification de leurs affaires.
Complaisance de l’Etat malien et de la communauté internationale
A Kidal, tout passe par les responsables du Hcua. La gestion des affaires administratives, économiques et bien entendu sécuritaires relèvent exclusivement de leurs compétences. Toute organisation humanitaire qui souhaite intervenir en faveur des populations de cette région passe par les membres du Hcua. Ils contrôlent (du début à la fin) les opérations de distribution d’aides humanitaires aux habitants. La gestion du Centre de santé, du marché, de la station régionale de l’Ortm sont autant de prérogatives qu’ils se sont attribués. Les taxes payées aux postes (érigés aux entrées de la ville) par les commerçants atterrissent dans les coffres du Hcua qui contrôle également les trafics en tout genre dans la région. Aussi, toutes les délégations qui passent par Kidal sont obligées de traiter avec eux.
Là où le bât blesse, c’est que ces pratiques illicites sont aussi bien connues de l’Etat malien que ses partenaires (y compris ceux présents à Kidal) dans la résolution de la crise au nord du Mali.
Cet Etat faible et absent de Kidal est particulièrement complaisant face aux responsables du Hcua qui, il faut le répéter, servent de passerelle entre Ansar Dine et la rébellion.
Aussi complaisante, la communauté internationale est au courant du jeu du Hcua. Elle n’ignore pas non plus les liens entre le Hcua et Iyad, censé être traqué. « Ce qui nous préoccupe et commence à nous agacer franchement, c’est le double jeu du Hcua. C’est un des groupes signataires des accords d’Alger, mais en même temps, clairement, il n’hésite pas à afficher une forme de proximité avec Iyad Ag Ghaly et Ansar Dine (djihadistes) », avait déclaré, en juin dernier, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Mais cette dénonciation n’a changé en rien le soutien de la France à la Coordination des mouvements de l’Azawad.
Les autres partenaires du Mali ne pipent pas un mot sur cette duplicité avérée du Hcua. En réalité, ce soi-disant Haut conseil et, au-delà l’ensemble des mouvements affiliés à la CMA, bénéficient de la couverture bienveillante de cette communauté internationale.
En conclusion, tant que la CMA et quelques groupes de personnes continuent à régner sur Kidal et à faire de la rébellion un fonds de commerce ; tant que la communauté internationale continuera a fermé les yeux sur cette situation ; et enfin tant que les autorités maliennes n’auront pas le courage de dénoncer ce banditisme à col blanc qui prévaut à Kidal, aucune paix n’est possible au nord du Mali. Et cette localité continuera à être prise en otage par des bandes.
Sambou Diarra