Les chefs d’État de la CEDEAO ont tenu ce 10 août un autre sommet sur la situation sociopolitique au Niger où le président démocratiquement élu a été renversé par les militaires, le 26 juillet. Les travaux de cette rencontre avaient comme objectifs d’évaluer la situation et les options de la médiation avec les putschistes.
Selon de nombreuses sources, l’approche guerrière affichée par le président nigérian pour restaurer de force le président Bazoum renversé semble laisser la place au dialogue avec les nouvelles autorités du Niger.
La négociation avec le régime militaire doit être le « socle de notre approche », a indiqué Bola Tinubu. Lui, qui ne voulait pas donner le temps au dialogue, met de l’eau dans son « Gnamankoudji » comme disait le président Alassane Dramane OUATTARA.
« Il est crucial que nous donnions la priorité aux négociations diplomatiques et au dialogue comme socle de notre approche », a déclaré le président nigérian qui répédale ainsi pour corriger ses propos va-t’en guerre contre le Niger voisin. Avant de reconnaître : «l’ultimatum que nous avons lancé lors du premier sommet n’a pas donné les résultats escomptés ».
Alors prôner davantage de dialogue est une option imposée par la réalité du terrain avec le refus des peuples des communautés de la CEDEAO, mais aussi des États voisins. Ainsi, la CEDEAO n’a plus de choix que de poursuivre les négociations avec les autorités militaires du Niger pour éviter notamment une implosion de l’organisation sous régionale et surtout d’empêcher que la situation sécuritaire ne se dégrade.
Si cette approche confirme le lâchage de Mohamed Bazoum par le syndicat des chefs d’État, le président Bola a indiqué tout de même : « Nous sommes réunis aujourd’hui avec un sentiment marqué par l’urgence et par une détermination ferme, s’appuyant sur l’engagement pris lors de notre premier sommet extraordinaire, consacré à la grave crise politique qui frappe notre pays frère. Lors de cette première réunion, nous avions exprimé notre solidarité avec le peuple nigérien et son président démocratiquement élu, S.E. Mohamed Bazoum, en condamnant la prise de pouvoir par les militaires et la détention injuste de son président démocratiquement élu et d’autres responsables ».
Au terme du sommet, les chefs d’État de la CEDEAO ont décidé, en occurrence, l’activation immédiate de la force en attente de la CEDEAO tout en appelant l’Union africaine à approuver toutes les décisions issues du sommet. Également, en dépit des conséquences de ses mesures contre la population nigérienne, la CEDEAO a maintenu les sanctions de fermeture des frontières et gel des avoirs, de ceux qui entravent le rétablissement de l’ordre constitutionnel.
Par ailleurs, sur l’activation de la force en attente de la CEDEAO, celle-ci reste encore à être mise en place.
Si l’option militaire n’est pas totalement écartée dont le plan d’exécution a été déjà élaboré par les chefs d’état-major des armées de la CEDEAO, réunis du 2 au 4 août 2023, elle comporte de nombreux risques, selon Grisis Group, dans une analyse publiée ce lundi sur son site. Pour le groupe de réflexions et d’analyses, les résultats de la mission militaire sont incertains, parce qu’elle pourrait déstabiliser le Niger et, au-delà, la région, déjà en proie à une importante crise sécuritaire.
Ensuite, il alerte que la confrontation armée avec les putschistes s’impose lentement, mais de façon inquiétante, comme le seul moyen pour débloquer la situation, au risque d’entraîner le pays dans un conflit armé à l’issue particulièrement incertaine.
Pour éviter cela, il n’y a d’autre solution que le dialogue, a soutenu Grisis Group estimant qu’il faut éviter la confrontation armée. Et, a-t-il ajouté, afin de donner à celui-ci une chance de succès, la CEDEAO devrait immédiatement tempérer sa rhétorique martiale et envoyer un signal fort en faveur d’une sortie de crise négociée.
Après le renversement du président Mohamed Bazoum, le 26 juillet 2023, par les officiers de l’armée, la CEDEAO a pris des sanctions contre le Niger. Il s’agit des sanctions politiques et économiques contre l’un des pays les plus pauvres au monde. Ces sanctions régionales pèsent déjà sur l’économie du pays enclavé.
D’après l’analyse de Grisis Group, ces sanctions pourraient exercer une pression sur les putschistes, mais elles risquent aussi d’avoir l’effet inverse, comme cela s’est produit au Mali et au Burkina Faso.
« Les sanctions, même durement ressenties, ont d’ailleurs déjà commencé à susciter un sursaut d’orgueil national qui bénéficie aux putschistes », a constaté le groupe de réflexions et d’analyses.
PAR SIKOU BAH
Source: Info- Matin