Qu’arrive-t-il au Sahel ? S’agit-il, comme le martèlent beaucoup, d’une prise de conscience collective des sahéliens afin de réellement prendre leur destin en mains et de bouter hors de leurs frontières toute forme d’ingérence impérialiste ? Ou, se pourrait-il que cette grande majorité d’Africains, pris dans une sorte de frénésie affective, commet une grave erreur d’appréciation quant à une situation d’une complexité redoutable ? Et au-delà, ces putschs á répétition, sont-ils le remède à un mal qui perdure depuis maintenant plusieurs décennies ?
C’est désormais officiel, le Sahel est tombé (une nouvelle fois) dans l’escarcelle des coups d’États militaires. Et l’on y jure que par l’indépendance pleine, totale et entière. L’ennemi, c’est les autres. Oui forcément, car comment en Africain bon teint, pétri de valeurs morales tutoyant le ciel baignant dans une histoire millénaire d’héroïsme, de noblesse, et d’intégrité, peut-on être responsable d’une faillite étatique ? Désormais, le treillis est forcément la tenue qui sied pour gouverner en lieu et place du costume cravate ou du grand boubou trois pièces, devenu au fil des ans, la marque des politiques, tous félons, véreux et hypocrites.
Mais alors, où va la République ? Et de quelle République peut-il bien s’agir ? Le mot qui fait vibrer les cœurs, c’est la « transition ». Qu’elle soit d’une année, deux ou trois, peu importe. L’essentiel, c’est la diatribe, celle qui plait aux oreilles, celle qui flatte l’égo. Quant aux retombées d’une telle révolution dans les hautes sphères de la gouvernance étatique, elles arriveront forcément avec le temps, pourvu que la résilience soit un compagnon fidèle.
Le seul hic, c’est que le pouvoir appartiendrait au plus téméraire, qui saura saisir l’opportunité au vol, et qui s’arrangera à tenir le bon discours.
Bazoum, l’amère franchise !
La question que l’on peut se poser est la suivante : y aurait-eu un coup d’État militaire au Niger si le contexte de la sous-région était autre ? Même si le pays a connu d’autres putschs dans le passé, l’on y assistait, tout de même, à une rare alternance qui méritait d’être encouragé. Mais, cela n’est pas l’avis d’une frange importante de Nigériens. Bazoum serait le problème. Il ferait trop le jeu de l’ex puissance colonisatrice au point de faire un tort énorme aux intérêts de son propre pays. Il faut reconnaitre qu’il aura commis des impairs communicationnels qui ont très mal passé auprès de nombres de nigériens et d’africains en général. Bazoum serait trop cash. Un errement qui aura servi, entre autres, comme argument à ceux qui l’ont déposé. Il aurait dû prendre en compte le contexte global du Sahel dans ses communications. En même temps, peut-on lui reprocher d’avoir été lui-même ?
A l’analyse, deux composantes contraires croisent le fer dans la sous-région ouest-africaine. Celle des présidents de la République, qui entend cette fois employer la méthode forte ; et celle des présidents de la Transition qui verraient par le cas du Niger, un autre fait qui prouverait qu’ils sont sur la bonne voie. Qui remportera la victoire finale ? Sera-t-elle acquise au prix d’un affrontement militaire ou par le rétropédalage d’une des deux parties ? Au moment où nous mettons sous presse ce journal, la menace de la CEDEAO était toujours pendante, et les militaires au pouvoir au Niger n’entendaient point céder le pouvoir.
Comme l’on a l’habitude de le dire. Qu’Allah estompe les velléités guerrières des uns et des autres par l’eau de l’ablution. Mais en même temps, une profonde réflexion doit être menée dans nos pays pour trouver le modèle politico-institutionnelle adéquat. Pourquoi ne pas mener une réflexion collective pour trouver la bonne formule ? Ce serait déjà un grand pas vers une stabilité politique et institutionnelle, socle de tout développement.
Ahmed M. Thiam
Source : L’Alternance