L’habitude est là, enracinée dans les traditions. Alors que certains mois sont submergés d’activités, d’autres mettent le turbo au ralenti. Août est mois de vacances, pour les élèves. Et aussi pour les hommes politiques, qui le mettent à profit pour faire un chek-up, histoire de se requinquer pour affronter la rentrée de Septembre. On voyage, on se détend, on oublie tout ; en attendant, peut-être, d’affronter les vagues tumultueuses de l’agitation sociale qui, singulièrement, adore pointer le nez en Septembre. Comme pour saper le plaisir accumulé.
Au Mali, Août nous a habitués à être autre chose. S’il cumule les pics pluvieux et les hyménées à grand bonheur des paysans et des amoureux, les politiques semblent mettre sa fraîcheur à contribution pour planter, eux aussi, leurs semences. Loin du défaut de généralisation, nous avons vu le mois d’Août nous gratifier de moments historiques : 22 Août 1967, déclenchement de la révolution active par Modibo Kéïta, qui a procédé à une rectification idéogique mettant au banc des accusés, et sur la touche, les ‘’révisionnistes’’, les ‘’contre-révolutionnaires’’, les ‘’essoufflés’’ et autres ‘’ camouflés’’. C’es-à-dire, tous ceux qui étaient censés noircir le ciel rouge du régime socialiste. Cela a été sanctionné par la dissolution, au sortir du 6è congrès ordinaire de l’US-RDA un 22 Août 1967, du Bureau Politique National, suivie de celle de l’Assemblée Nationale, le 22 Janvier 1968. L’un et l’autre organe seront remplacés par le Comité National de Défense de la Révolution (CNDR) et par une Délégation Législative qui n’étaient prévus ni par les textes du parti ni par la Constitution du Mali. Moussa Traoré, en procédant à son coup d’Etat du 19 Novembre 1968, versera au dossier de ses griefs, ces agissements illégaux.
En 1960, un 19 Août avait déjà vu l’éclatement de la Fédération du Mali composée du Sénégal et du Soudan.
Ironie et répétition de l’Histoire ?
C’est aussi un certain mois d’Août, en l’année 1990, que se tient les 23 et 24, un autre congrès, ou plutôt ce Conseil National organisé par un autre parti unique. L’UDPM (Union Démocratique du Peuple Malien). Pour cette fois-là, discuter de la question ‘’du multipartisme au sein du parti ‘’.
Les débats sont houleux, mais les résultats sont connus, à l’avance. Ils ne feront que refléter la volonté de Moussa Traoré. Chef suprême : le multipartisme n’est pas bon pour notre pays, il est synonyme de guerres ethniques, de luttes fratricides, de désunion.
Le choix de cette idéologie partiale servira ici, comme par le passé, de détonateur aux événements de 26 Mars 1991, qui apparaissent comme la victoire du pluralisme démocratique sur le mono-latéralisme. Nous sommes donc en face de deux événements de même cuvée.
Mais, c’est par le bas que nous terminerons notre propos : le 26 Mars a eu lieu pace que le 7 Août 1990 a propulsé un projectile de haute portée : la lettre ouverte envoyée au Président de la République, publiées par les Echos et signée par une centaine de cadres de tous bords, pour l’inviter, ‘’au nom de sa haute fonction morale’’, à opter pour le pluralisme politique.
Moussa Traoré l’accueille avec dédain. Mais, très vite, se constituera autour de cette lettre un comité de soutien, doublé d’un comité informel de concertation émanant de militants de groupes et groupuscules clandestins de gauche, qui passent à l’action en créant des associations à caractère politique, véritables fers de lance du combat démocratique : CNID, AEEM, ADEMA, AMDH, ADIDE, AJDP, UNTM … Ce creuset qui a eu pour nom Mouvement Démocratique et qui mettra fin aux 23 années de règne de Moussa Traoré.
Peut-on rêver à voir ce mouvement démocratique ressoudé pour de nouvelles victoires ?
En tout cas. Août est encore là, disponible, porteur de germes de régénération politique, à l’image de la régénération de la nature.
Regardez seulement ce magnifique ciel de Bamako en ce mois d’Août, un mois verdoyant, lumineux, propre.
L’inspiration est à portée de main…ou plutôt de méninges.