Après le référendum tenu le 18 juin dernier, le Mali avance à grands pas vers des élections générales en 2024, notamment, les communales, les législatives, la présidentielle et même les sénatoriales prévues par la nouvelle Constitution. L’une des conditions sine qua non pour avoir des élections apaisées et crédibles est bien la gestion efficiente des contentieux électoraux.
Le contentieux électoral, c’est l’ensemble des contestations relatives au déroulement d’un processus électoral depuis l’élaboration de la liste électorale, en passant par le dépôt de candidature, la validation des candidatures, la campagne électorale, le scrutin, la proclamation du résultat provisoire et la proclamation du résultat final. Tous ces processus sont régis et encadrés par la loi électorale.
C’est le non-respect de l’une de ces procédures qui fait naître les contentieux électoraux. Et par conséquent, la mauvaise gestion desdits contentieux par les juridictions compétentes (tribunal civil, Cour constitutionnelle), peuvent engendrer des conflits pré-électoraux, électoraux ou post-électoraux.
Il faut le dire, il n’y a rarement d’élection, qu’elle soit du suffrage universel direct ou indirect, sans difficulté majeure. Ces difficultés peuvent être d’ordre technique ou par erreur humaine qui influent généralement sur les résultats créant ainsi des contestations. Pour éviter toute frustration, la gestion de ces contentieux est régie, pour le cas du Mali, par des lois notamment la loi électorale et la Constitution.
Le cycle électoral quant à lui contient trois phases à savoir : la phase pré-électorale, la phase électorale proprement dite et la phase post-électorale. Dans toutes ces phases, il peut surgir des contestations créant ainsi des situations de litige. Et sa gestion concerne l’ensemble des acteurs du processus, et il faut le dire, la gestion de ces contentieux électoraux est dévolue à la Cour constitutionnelle et au tribunal civil, selon les cas.
Le cadre juridique !
Parlant du cadre juridique, la loi électorale dans son article 177 dispose que le contentieux relatif au référendum, à l’élection du président de la République et des députés à l’Assemblée nationale relève de la Cour constitutionnelle conformément à la loi organique déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de la Cour constitutionnelle.
En d’autres termes, la Cour constitutionnelle est l’instance habilitée à trancher sur le cas des contentieux concernant les élections à suffrage universel. Il s’agit là, de l’élection du président de la République, des députés à l’Assemblée nationale et avec peut-être le projet de Constitution, s’il venait à aboutir, on parlera de l’élection sénatoriale.
Interrogé sur le sujet, Allaye Niangaly, maître de Conférences en droit public à l’Université des sciences juridiques et politiques de Bamako (USJPB), met l’accent sur le cadre juridique des contentieux électoraux. À ce titre, il explique que la Cour constitutionnelle en vertu de l’article 86 de la Constitution malienne du 25 février 1992, a la compétence pour s’occuper du contentieux des élections nationales, notamment dans les trois phases (avant, pendant et après) du cycle électoral.
Cependant, le maître de Conférences en droit, explique également que certains cas relèvent du juge civil même si la Cour constitutionnelle reste l’organe garant car dira-t-il, une élection est un tout indivisible. « Si nous prenons le contentieux de la liste électorale, c’est un contentieux pré-électoral et ce contentieux relève de la compétence de principe du juge civil parce que ce contentieux met en jeu l’état des personnes, de domiciles, etc. Même si la Cour constitutionnelle peut connaître aussi ce contentieux », a-t-il ajouté.
Professeur Allaye Niangaly poursuit en précisant que les protestataires, notamment ceux qui peuvent introduire des requêtes en vue de faire valider ou invalider la candidature d’un concurrent, disposent d’un délai de 24 heures après la proclamation provisoire des listes de candidatures. « Le contentieux est donc géré parce que certains pensent que la Cour constitutionnelle est juge et partie parce que c’est elle qui reçoit les candidatures, c’est elle qui arrête la liste provisoire des candidats aux différentes élections en même temps aussi en cas de contentieux, c’est elle qui statue sur les différentes protestations. Voilà pourquoi la Cour constitutionnelle peut être traitée comme juge et partie du processus électoral », a-t-il souligné.
Concernant les contentieux post-électoraux, professeur Niangaly explique que les protestataires ne peuvent introduire les requêtes qu’après proclamation des résultats provisoires par le ministère de l’Administration territoriale et la Cour constitutionnelle a cinq jours pour examiner les recours. Toujours selon le professeur en droit, au Mali, le contentieux de l’élection présidentielle est le contentieux le plus important même si le contentieux des élections législatives est le plus abondant.
Cependant, Allaye Niangaly estime que certaines requêtes sont rejetées par la Cour constitutionnelle pour non-respect du formalisme ou, ils ont été introduits prématurément.
Impliquer tous les acteurs !
De son côté, Dr Abdoulaye Sall, ancien ministre des Relations avec les Institutions non moins docteur en droit de développement et président de la Plateforme CRI 2002, explique que la réussite d’une élection relève de la gestion efficace des contentieux. Pour l’homme d’État, le contentieux électoral est un problème et une problématique essentielle pour qu’il y ait des élections apaisées et crédibles dans un pays de droit.
Malheureusement, dira-t-il, les gens ne s’en préoccupent que pendant les élections ou après les élections. « Quand l’on parle de construction démocratique, d’état de droit et d’élections, il y a un avant, un pendant et un après. Et le contentieux, si je me permets de prendre l’image d’une assurance, je dirai qu’on ne prend pas l’assurance le jour de l’accident mais avant l’accident », a-t-il souligné.
Selon l’ancien ministre, la problématique du contentieux des élections concerne l’ensemble des acteurs, que ça soit les acteurs étatiques ou non étatiques. « Il ne faut pas oublier que nous sommes dans un pays où 80% des citoyens ne savent ni lire, ni écrire et les textes tels que la loi électorale ou encore la Constitution sont faits en français », a-t-il ajouté. C’est pourquoi, Dr. Sall estime qu’il est nécessaire de réfléchir en avance pour mieux informer, mieux sensibiliser, mieux former les différents acteurs sur l’ensemble du processus.
Amadou Kodio
Source : Ziré