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Géostratégie : Le Mali, victime de ses richesses pétrolière et gazière !

Dans cette analyse, l’universitaire idéologue du néo capitalisme français, Aymeric Chauprade, met en exergue les visées économiques derrière le discours machiavélique de la France dans la crise politique et sécuritaire qui secoue le Mali depuis 2012. Il parle aussi de la confrontation franco-qatarie d’une part et franco-américaine de l’autre au sujet du contrôle des puits de pétrole, du gaz et de l’or au Mali.

 Sadiola Mine or caterpillard

Dans ses confessions sur RFI, dans l’émission « Archives d’Afrique » animée par Alain Foka, le défunt ex-secrétaire général de l’ONU, l’égyptien Boutros Boutros Ghaly, disait qu’en venant à la tête de cette grosse machine administrative, il caressait le rêve de la réformer pour l’adapter au nouvel environnement politique mondial. Mais, très vite il déchanta. Il s’était heurté à l’immobilisme des grandes puissances, notamment les Etats-Unis. Celles-ci sont hostiles à tout changement suspect de remettre en cause l’ordre mondial, notamment le système d’organisation de l’économie mondiale, qui est le fruit des clauses de la conférence de Berlin, qui a décidé de la clé de répartition des terres du monde ainsi que les ressources minières, halieutiques et agricoles. Là où les deux grandes guerres mondiales avec toutes ses atrocités n’ont pas réussi à changer ces paradigmes, ce n’est pas un « petit » secrétaire général, fut-il des Nations qui va bousculer ces grands équilibres avec ses idées révolutionnaires. Cette leçon a semblé été ignorée par le Mali sous le président Amadou Toumani Touré, qui a cru contourner les Français pour se refugier derrière les Américains et les Chinois. En oubliant que les grandes puissances ont des intérêts communs. Pour preuve, Nicolas Sarkozy, certes descendant d’immigré, mais en sa qualité de président de la République Française, a soldé son compte à ATT, lorsque l’occasion s’est présentée. Comme pour lui rappeler qu’on ne contourne pas la France impunément.

C’est ce que l’universitaire Aymeric Chauprade, nous enseigne dans une tribune publiée le 7 février 2013 sur son site d’information 3w.reapolitik. tv/2013/ sous le titre « Crise du Mali, troisième partie : les intérêts pétroliers ». Dans cet article, le professeur de géopolitique et directeur de la Revue française de géopolitique et du site cité dessus justifie par des arguments économiques les raisons de la guerre au Mali et le rôle de sapeur pyromane joué dans l’obscurité par la France pour s’emparer de la totalité de l’économie de son ancienne colonie rebelle.

Selon lui, le Mali possède 5 bassins sédimentaires dont le potentiel pétrolifère est avéré. Il s’agit du bassin de Taoudéni (au nord et vers la frontière mauritanienne) : 600 000 km2 pour le seul Mali sur 1,5 million de km2 partagés entre le Mali, l’Algérie, la Mauritanie, le Niger. Schistes riches en matière organique. Il serait comparable au bassin Illizi en Algérie. Il y’a aussi le fossé (ou graben) de Gao : 15 000 km2, un seul puits à l’heure actuelle, les bassins contigus de Iullemeden et Tasmera (à l’Est et frontalier avec le Niger), 80 000 km2 deux puits à l’heure actuelle, comparable au bassin de Doha au Tchad ou aux bassins d’affaissement paléozoïque d’Algérie, fossé de Nara au centre, près de Mopti, également comparable au bassin Crétacé de Doha au Tchad soit aux bassins d’affaissement paléozoïque d’Algérie.

En référence à des documents produits par l’Autorité pour la Recherche Pétrolière au Mali (AUREP), Aymeric Chauprade soutient que le sous-sol du pays est potentiellement riche en gaz et le pétrole. Le directeur Afrique du nord de Total, Jean François Arrichi de Casanova confirme cette hypothèse. Lui va très loin en qualifiant le Mali comme un « nouvel eldorado pétrolier à propos de la zone Mauritanie/Mali/Niger ». Parmi ces trois, seul le Mali garde son sous-sol sous exploité. Pour l’instant, Total est surtout présent chez le voisin mauritanien.

 

90% de part pour la France contre 10% pour la Mauritanie

La multinationale d’origine française est présente dans l’exploitation sur le permis Ta7 et Ta8 de la partie mauritanienne du bassin de Taoudeni mais en partage avec les Algériens et les Qataris.  Total possède 60%, la Sonatrach (Algérie) 20% et Qatar Pétrolium International 19%. S’agissant du permis Ta8, le forage du puits d’exploitation sismique est en cours depuis 2011. L’exploitation on-shore s’est étendue avec un nouvel accord en janvier 2012, entre Total et le gouvernement mauritanien. Cet accord donne à Total une participation de 90% en tant qu’opérateur sur le bloc Ta 29 situé dans le désert du Sahara, à 1000 km à l’Est de Nouakchott et au Nord du bloc Ta7. Les 10% restants sont entre les mains de la SMH, la compagnie nationale mauritanienne.

Les intérêts de Total dans la zone ne se limitent pas à l’on-shore. Ils portent aussi sur l’off-shore : accord Total/gouvernement mauritanien de décembre 2011 pour le bloc off-shore C7 (bassin côtier) ; accord Total/gouvernement mauritanien de janvier 2012 pour le bloc C9 (Total 90%, SMH 10%) situé à 140 km à l’ouest des cotes mauritaniennes et qui s’étend sur plus de 10 000 km2 par 2500 à 3000 m de fond.

Signalons à l’attention de ceux qui pourraient, un peu trop rapidement être choqués par un partage 90/10 entre Total et la SMH, que l’exploitation nécessite des investissements colossaux que seul Total peut amener. Il faut bien comprendre que la chute du régime de Kadhafi ouvre, dans toute l’Afrique du Nord et au Sahel en particulier, la perspective d’une vaste redistribution des cartes en matière pétrolière et gazière.

S’agissant du Mali et de la Mauritanie, Total, la Sonatrach algérienne et la compagnie Qatarie ont des intérêts à la fois communs et rivaux. La capacité de ces compagnies à peser sur les gouvernements africains concernés sera en effet d’autant plus forte que l’influence de leurs Etats d’apprentissage sera grande. Il est essentiel de comprendre que la distribution des blocs et des parts relatives à l’exploitation des blocs, est intimement liée aux rapports de force géopolitiques entre la France, l’Algérie et le Qatar.

 

L’or désormais comme valeur de change

Le Mali est troisième producteur d’or du continent africain après l’Afrique du Sud et le Ghana. En 2011, il a produit 56 tonnes d’or sur une production minière mondiale d’or qui oscille selon les années entre 2000 et 2500 tonnes. Le classement en 2011 en termes de production annuelle et réserves prouvées se présente comme suit : 1er Chine avec 355 t/1900 (en 2007 la Chine est passée devant l’Afrique du Sud) ; 2ème Australie : 270 t/7400 ; 3ème Etats-Unis : 237 t/3000 ; 4ème Russie : 200 t/5000 ; 5ème Afrique du Sud : 190 t/6000 ; 6ème Pérou : 150 t/2000 ; 7ème Canada : 110 t/920 ; 8ème Ghana : 100 t/1400 ; 9ème Indonésie : 100 t/3000 ; 10ème Ouzbékistan : 90 t/1700.

Le Mali est très promoteur dans ce domaine et devrait bientôt dépasser le Ghana devenant alors le 2ème producteur du continent africain. En outre en 2011, le Mali entre le cercle restreint des producteurs de minerai de fer (exploitation de Tienfala). Il dispose également d’un potentiel élevé en manganèse, dont l’exploitation avait commencé en 2010. Le Mali produit aussi du phosphate. Les réserves de bauxite sont estimées à 1,2 million de tonnes et pourront être exploitées dans un futur proche. Un potentiel en lithium, diamant, kaolin et pierres gemmes est également identifié, sans compter bien sûr l’uranium.

Mais, de toutes ces ressources, l’enjeu lié à l’or est encore plus grand. Et pour cause : le contexte de dépréciation des grandes monnaies mondiales comme le Dollar et l’Euro est en train de changer les regards sur l’or. Selon lui, les banques centrales comme de nombreux opérateurs financiers sont en train d’assurer leur avenir en achetant de l’or physique. L’Allemagne a pris la décision historique de rapatrier une partie de ses stocks d’or physiques détenus à New York, Londres et Paris et de très nombreux pays font de même. La Suisse est maintenant, après l’Allemagne, touchée par le mouvement the « Swiss Gold Initiative », initiative lancée par 4 membres du Parlement suisse en mars 2012 visant à exiger le rapatriement de l’or de la BNS (Banque nationale Suisse) laquelle refuse d’indiquer dans quel(s) pays se trouve son stock d’or.

Un exemple récent (et ils se multiplient presque chaque semaine) : le Fonds d’Etat pétrolier de l’Azerbaïjan (SOFAZ) a retiré une tonne de son or physique des coffres de J. P Morgan à Londres pour placer dans les coffres sécurisées de la Banque centrale de Bakou.

Tout le monde est en train de réaliser que le banquier anglo-saxon a tout simplement vendu ou « joué » l’or que des Etats et fonds souverain leur avaient confié.  Washington et Londres ont déjà annoncé qu’il leur faudrait 7 ans pour restituer à l’Allemagne son or. La France aussi selon lui, qui semble être la plus honnête des trois pour avoir annoncé aux Allemands qu’elle va très bientôt lui restituer ses lingots, a elle aussi semblé avoir vendu l’or allemand tout comme les Américains et les Anglais. Aux Etats-Unis même, la FED refuse d’apporter la preuve que l’or américain existe encore ! Que peut-il bien être alors de l’or allemand confié aux Etats-Unis ? L’or n’y est probablement plus, comme soutient le GATA (Gold Anti-Trust Action Committee). Car, il aura été prêté aux banques d’affaires et vendu sur les marchés afin de maintenir les cours sous pression et de sauver la confiance dans l’argent papier. Les mauvaises langues insinuent que les Etats-Unis et la France pourraient se servir dans les d’or du Mali où il sera facile d’opérer à l’abri du monde.

 

Le Qatar de plus en plus actif dans le monde

Selon Aymeric Chauprade, le Qatar porte une responsabilité dans les révolutions en Tunisie, en Egypte et en Libye (il a financé les islamistes de Cyrénaïque à l’origine du déclenchement de la révolution avant que les militaires qataris ne jouent au sol eux-mêmes un rôle opérationnel actif, au sol, auprès des forces spéciales occidentales), de Syrie (il finance les rebelles islamistes tout comme l’Arabie Saoudite, la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis).

Au Mali, insiste t-il, l’action du Qatar est également prouvée où l’émirat aurait directement financé les groupes Mujao et Ansar Dine (tandis qu’AQMI est faux-nez des services secrets algériens) et son influence se dissimule derrière l’action opérationnelle du Croissant rouge qatari. Au nom de laquelle, un avion cargo qatarie avait atterri à Gao le 6 avril 2012 pour y livrer des armes et des stupéfiants aux rebelles touarègues. Ce jour-là, un Comité d’accueil sous la direction d’Iyad Ag Ghali, leader touareg du mouvement salafiste Ansar Dine qui contrôlait en ce moment Tombouctou et Kidal, attendait au bas de la passerelle les accompagnateurs des marchandises précieuses. Est-il besoin de rappeler que l’ancien consul du Mali à Djeddah (mais menacé d’expulsion par les Saoudiens en 2010 sans doute récupéré par les Qataris eux-mêmes farouches ennemis des Saoudiens) avait profité d’années d’activité dans la diplomatie malienne dans le Golf pour développer des connexions islamistes, qui lui valent ce qui lui vaut aujourd’hui.

Rappelons qu’en son temps, les médias maliens avaient largement dénoncé cette connexion sans que cela n’émeuve personne, même les Nations Unies. Qui s’étaient mu dans un silence radio assez suspect. Le cri de détresse des médias maliens visaient attiré l’attention des décideurs du monde sur les effets nuisibles de cette livraison sur le cours des évènements. Car, il est connu de tous les spécialistes que la drogue est une source de revenu essentielle des rebellions dans le monde et ce sont des services secrets étatiques qui fournissent souvent directement aux seigneurs de la guerre et aux mafieux. Certains pays savent en recycler leurs saisies policières et douanières en outil de financement des guerres occultes aux mains des services secrets.

Auparavant, après la prise du camp de Tessalit par le MNLA appuyé par ses complices islamistes, le 10 mars 2012, un avion cargo du Qatar avait atterri sur la piste du camp pour y livrer aux rebelles une quantité importante d’armes modernes, des munitions et des 4/4. Selon l’universitaire français, le Qatar a tout fait pour favoriser la rébellion au Nord de notre pays par de multiples soutiens à Ansar Dine.

Le Qatar, qui joue un rôle important dans la nouvelle donne pétrolière et gazière en Libye, veut étendre son influence dans le Sahel (Mauritanie et Mali) en utilisant les groupes islamistes à cet effet.

La vision stratégique qui sous-tend ces actions est que le Qatar détient environ 15% des réserves prouvées de gaz. Avec la Russie et l’Iran, ils détiennent à eux trois 60% des réserves prouvées dans le monde. En essayant d’étendre son empire sur le Moyen-Orient (Syrie) et sur le Sahara (Lybie, Sahel et demain l’Algérie sur laquelle plane la menace d’une révolution arabe soutenue par Doha) le Qatar de concert avec les Etats-Unis veut couper l’Europe de la Russie (principal fournisseur de gaz des Européens) et remplacer Moscou par Alger, a expliqué Aymeric Chauprade.

Selon lui, les investissements du Qatar dans les actifs stratégiques français vont dans le même sens. En s’appuyant sur l’islam en France, en contrôlant des parts croissantes d’actifs stratégiques, le Qatar veut pouvoir influer sur la décision politique française (ce qui s’est passé entre l’émir du Qatar et le président Sarkozy laisse hélas présager ce qui pourrait se passer demain lorsque de nombreux parlementaires français seront mis sous influence). Cela pourra mener à renforcer un lobbying actif pour faire sortir la France du nucléaire et pousser celle-ci à aller davantage encore vers le gaz (car évidemment les énergies renouvelables ne peuvent être que des composantes minoritaires dans un mix énergétique).

 

La guerre des intérêts américaino-français

Après le 11 septembre 2001, sous prétexte de lutter contre le terroriste islamique, les Américains ont augmenté leurs efforts d’implantation sur le continent africain, en particulier dans les zones d’influence traditionnelles de la France. Depuis 2002, 1700 soldats américains sont basés à Djibouti, point d’implantation historique de la France. Depuis 2003, les Américains ont développé avec les pays de la frange saharienne la PSI (Pan Sahel Initiative) un programme d’assistance militaire aux pays sahéliens, qui concerna au départ le Tchad (où la France est pourtant présente militairement) le Mali, la Mauritanie et le Niger, avant de s’étendre en 2005 au Maroc et au Nigéria pour devenir la TSCTI (Trans Saharan Counter Terrorism Initiative). En décembre 2008, les Américains ont créé un commandement stratégique dédié à l’Afrique (à l’exception de l’Egypte qui reste attachée au CENTCOM, le commandement en charge des opérations au Moyen-Orient) en détachant cette zone de leur commandement, européen Eurcom. Cependant, aucun pays africain pays n’ayant accepté d’accueillir ce commandement, AFRICOM reste à Stuttgart en Allemagne.

Selon Aymeric Chauprade, la raison profonde de cet intérêt américain pour l’Afrique n’est pas le terrorisme mais le pétrole et le gaz. L’Afrique pèse plus aujourd’hui dans les importations pétrolières américaines que l’Arabie Saoudite. Un quart des importations de pétrole américaines viennent d’Afrique, du Golf de la Guinée (Nigéria et Angola mais aussi de la Guinée Equatoriale) et les Américains ont aussi des ambitions en Afrique sahélienne. Chose que la France voit d’un mauvais œil.

Si l’on réfère aux commentaires de l’universitaire Aymeric Chauprade. Selon lui, le résultat attendu de la coopération militaire américaine au Mali est implacable. D’abord les Américains ont formé des Touarègues qui ont ensuite déserté l’armée malienne pour rejoindre le MNLA et Ansar Dine et participé à la guerre contre l’Etat malien. Comme si cela ne suffisait ce sont les officiers noirs formés par les américains, notamment le capitaine Amadou Haya Sanogo qui vont renverser, en mars 2012, le président Amadou Toumani Touré et créer l’anarchie dans le pays, se moquait-il ainsi du général Carter Ham qui dirige AFRICOM. « Il a beau s’être déclaré déçu du comportement des officiers formés par les Etats-Unis, le fait est que tous ses élèves ont tenté de détruire l’Etat malien et ce qui restait de l’influence française. », dit-il en occultant la main facilitatrice de la France. Qui a le don de manipuler certaines familles touarègues contre l’Etat du Mali.

En conclusion, Aymeric Chauprade dit ceci « cela fait dix ans maintenant que nous écrivions qu’au nom de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, les Américains sont en train d’évincer la France de la zone et de faire main basse sur les réserves pétrolières, gazières et minérales. Pendant que je prêchais dans le désert, des communicants acquis aux intérêts américains expliquaient doctement sur les plateaux de télévision française que les Etats-Unis n’avaient d’autre ambition que de faire reculer le terrorisme et développer la démocratie. Que seule « l’odieuse Franceafrique » avait des intérêts égoïstes sur le continent noir… Qu’il fallait aussi avoir très peur de la Chine laquelle allait « avaler tout le monde tout cru ». La réalité est qu’une fois de plus, la politique américaine converge avec celle de l’islam radical. » Ce commentaire de cet autre idéologue de la théorie de la guerre comme moyen d’expropriation des peuples de faible niveau technologie en dit long sur les réelles intentions de la France au Mali.

Une synthèse de M. A. Diakité

 

Source: Tjikan

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