Les plus grandes et emblématiques trahisons finissent pas se dévoiler au pays du temps qui ne fait jamais triompher le mensonge sur l’autoroute qu’empruntent les patriotes et les serviteurs d’une cause. Il ne reste plus à Ibrahim Boubacar Keita que d’évaluer ses collaborateurs, d’analyser ses décisions et de constater le tableau sombre dont les écriteaux sont la déception, la trahison et l’ingratitude. Six mois avant les élections de 2013, selon nos sources incontestables, le candidat Ibrahim Boubacar Keita sollicita le concours de celui qui était encore Ministre de la défense durant la transition, le Général Yamoussa Camara.
Le Boss de Sebenicoro qui visait Koulouba et l’avion présidentiel, n’avait cessé d’insister, nous confient des hauts cadres, auprès de la junte afin qu’elle le parraine pour le scrutin de 2013. L’histoire ne saurait être l’otage d’aucun homme, d’aucun clan ou d’aucune famille.
Le faux bond que le désormais officiel candidat des putschistes (IBK) leur avait joué est encore plus profond que les maliens ne pensent. C’est un feuilleton tourné dans le noir, avec des acteurs dont les tenues sont toutes blanches, donc visibles et audibles. Cet homme au destin incroyable, presqu’inexistant en 2012, s’est glissé entre les braises de l’effondrement national et étatique afin d’échafauder son plan derrière des slogans qui n’étaient que des apparences loin de son cœur et de son esprit.
Il est inadmissible que des hommes puissent traîner la locomotive du mensonge, entretenu et ficelé par les collaborateurs les plus immédiats d’un chef visiblement sans autorité. Le 30 Avril 2012, des soldats s’affrontent aux alentours de Kati. C’était sous l’éphémère délire autoritaire du capitaine Amadou Aya Sanogo. Dans ces combats fratricides, de blessés et des morts ont été enregistrés, et cela va constituer un crime avec la disparition de 21 bérets rouges dont les corps seront retrouvés à Diago.
Sans gêne, le kankelentigui (homme de parole) Ibrahim Boubacar Keita avait fixé un rendez-vous nocturne et tardif au général Yamoussa Camara à une heure (1h) du matin. Mais nous ne savons, pour quelle raison, précise notre source, le ministre de la défense sous Dioncounda Traoré avait décidé de débarquer plutôt que prévu aux alentours de 23h 20 pour écouter les supplications et les courbettes d’un homme que le peuple venait de blanchir et mythifier pour la renaissance du Mali. Ce malinké de Bancoumana, selon nos enquêtes, était fortement impliqué dans l’élection d’IBK.
Le rôle de Yamoussa Camara dans l’élection d’IBK
Pendant la transition et pendant la campagne, à chaque rencontre avec Yamoussa, IBK exprimait sa vive inquiétude. Il était impossible de passer cinq minutes avec lui, sans qu’il n’évoque les assurances des militaires. Il ne comptait pas sur le vote des maliens, mais sur le jeu des officiers qui avaient toutes les cartes en mains. « Pour le mettre au sommet, l’ensemble des officiers ont été conviés plusieurs fois à Bamako et à Kati, le chef d’État-major du service et le commandant du régiment. On joue carte sur table, dit Yamoussa Camara. Nous pensons que c’est l’homme de la situation. Mais s’il y a un autre qui pense qu’il a un autre candidat, qu’il le dise nous le démettons tout de suite. On a menacé tout le monde et envoyé des gens, pour la première fois, battre campagne pour lui » avait sommé l’un des artisans de la victoire d’IBK.
A la Résidence de Sebenicoro, le candidat IBK s’était fortement lié d’amitié avec le général Yamoussa Camara, soucieux de voir l’armée retrouver ses moments de gloire. « IBK avait promis à Yamoussa Camara de le maintenir à son poste de ministre de la defense s’il gagnait les élections. On était vers le mois de Janvier 2013. Ainsi, avec les autres membres de la junte, ils ont battu campagne pour lui. Sous les menaces et la diplomatie de Yamoussa qui estimait que le vieux prendrait en compte les besoins matériels, humains et financiers pour reconstruire une armée digne de ce nom » rapporte notre interlocuteur.
Yamoussa Camara voyait en lui une certaine assurance. Lui-même en tant qu’officier savait que l’homme n’avait rien et ne reposait sur rien qui devrait le faire espérer et gagner les élections. Les rapports étaient bons car Karim Keita était fréquent chez le général-ministre dont l’apport était immense lors de l’élection présidentielle de 2013. Après sa victoire, IBK envoie un émissaire pour lui expliquer que le département de la défense était une exigence de Soumeylou Boubèye Maïga qui lorgnait la primature et qui n’avait pu l’avoir. Ensuite, Ibrahim Boubacar Keita met à contribution Karim Keita, le fiston national avait recommandé au Général Camara d’accepter le poste de chef d’Etat-major particulier du président afin de déjouer et canaliser les éventuels jeux troubles de SBM, d’autant plus qu’un autre général, Sada Samaké, était à la sécurité.
Yamoussa et Boubèye, un duel à distance
La France qui est un partenaire historique n’était pas contente des options que définissait et proposait Yamoussa Camara. Le chef d’Etat-major particulier d’IBK ne privilégiait rien en faveur de la France. C’est un homme aux valeurs nationalistes et patriotiques qui s’est imposé dans l’optique que le Mali ne perde retrouve son contrôle.
Un jour à la présidence, explique notre source, le président était autour de quatre personnes dont le général Yamoussa et le ministre Soumeylou Boubèye. Ce dernier expliquait à IBK que Serval était là pour protéger la Minusma. Et quand le président s’interroge, Boubèye insiste pour lui faire croire tranquillement que c’est ainsi.
Ne pouvant pas laisser la contrevérité, Yamoussa Camara fait objection et explique au président que ce n’est pas vrai : « Monsieur le ministre, comment pouvez-vous faire sortir des choses comme ça ? Si la Minusma ne peut pas assurer sa propre sécurité, qu’est-ce qu’elle va faire chez nous ? Les deux entités ont des missions différenciées mais complémentaires. La Minusma s’occupe de la stabilisation aux cotés de l’armée malienne, et Serval est là dans le cadre de la lutte contre le terrorisme » réplique le chef d’Etat-major particulier. C’était depuis lors que le torchon brûle entre les deux hommes et l’actuel premier ministre avait juré de faire emprisonner ce général qui ne sifflait dans la même trompette que lui.
La source de ce farouche désamour de Boubèye Maïga à l’endroit du général Camara, est née du refus de céder à la France une grande marge de manœuvre sur le terrain. En France, Yamoussa dira même ceci aux français : «Parmi nos sept milliards de voisins, vous avez été les plus prompts à répondre à notre cri de détresse. La nation était au bord de la rupture, le peuple malien vous sera éternellement reconnaissant. Mais ce qui se passe à Kidal heurte profondément le sentiment national. Nous allons vous aider à mieux nous aider car entre l’amour et la haine, il n y a pas de frontière.»
Ce général, officier de l’ordre National du Mali, qui avait refusé de se comporter en larbin de Jean Yves Le Drian, s’est vu retirer de la liste d’officiers que la France s’apprêtait à décorer lors de sa fête du 14 Juillet. Seul Dahirou Dembélé a pu bénéficier de cette distinction.
Le mensonge et l’injustice suprêmement et profondément orchestrés
C’était par l’intermédiaire de Toumani Djimé Diallo que le chef de l’Etat avait mis la machine du complot en marche. Ce dernier avait souhaité qu’un général plus stratège et plus compétent aille se référer au défunt Sada Samaké afin de mieux planifier la sécurité du palais.
Dans le dossier dont il est question, à savoir l’affaire dite des bérets rouges, nous avons rencontré témoins, spécialistes et protagonistes. L’inculpation et l’incarcération du Général Yamoussa Camara revêtent une odeur de vengeance, de complot et de non-dits. Notre rédaction a eu le privilège de fouiner dans les parages mais aussi de tendre les oreilles à des sources intarissables. On l’avait inculpé pour complicité car le juge Karembeu estimait qu’il était au courant mais qu’il n’avait rien dit. Ceci constitue une ignorance absolue dans quant au fonctionnement de l’armée. Un ministre n’intervient pas dans l’opérationnalisation des activités.
Selon nos confidences, la liste des éléments qui constitue son interpellation a été signée des mains du chef d’Etat-Major Général des Armées, à l’époque, Ibrahim Dahirou Dembélé. Entre le souhaitable et le réalisable, c’est le sous-chef logistique qui met en route les effectifs pour servir au commandant du théâtre des opérations. Dahirou Dembélé a personnellement soutenu que c’est lui qui avait signé le transfert des éléments de Kati vers Bamako. Un ministre n’avait rien à voir dans cette décision.
Après la mise aux arrêts du général Amadou Aya Sanogo, les choses étaient tendues, Soumeylou Boubèye et Yaya Karembeu constituaient un duo dont le but semblait connu. Il s’agissait de casser et d’émasculer le CNRDRE d’autant plus que ceux qui en constituaient le noyau ne pouvaient plus faire peur à Bamako. Un avocat proche du dossier nous confie ceci : « Quand Yamoussa Camara devrait être auditionné par le juge d’instruction Yaya Karembeu, nous étions présents, d’autres avocats et moi pour la même affaire. C’était Me Cheick Oumar Konaré qui s’était volontairement porté pour assister le colonel et demander des clarifications au juge. Le juge estime que le général était complice, en tant que ministre de la défense, il n’avait rien fait pour transférer à Bamako des gens qui ont été arrêtés et enfermés à Kati.»
Pourtant le ministre de la défense n’a aucune compétence pour libérer ou faire transférer des prisonniers. Cela relève du ministre de la justice Garde des Sceaux qui était dirigé par Malick Coulibaly. C’est ainsi que Yamoussa fut mis sous mandat de dépôt.
La haute violation de la constitution
Pour bien de spécialistes, le Mali est tombé si bas et la constitution a été suprêmement enfreinte par son garant et ses hommes de mains. L’article 37 impose au président de la République de respecter et de faire respecter la constitution. Rien de tout cela. Le complot est tout tracé et exécuté selon les ambitions secrètes et machiavéliques de ceux-là qui ont bafoué l’honneur et la bravoure d’un général qui s’assume et qui dans ses conseils, n’ose faire dérouter son président. Bien avant son arrestation, une source nous confirme que Sada Samaké lui avait glissé que lors de son audition, Yamoussa pourrait être mis sous mandat de dépôt.
L’Article 95 est beaucoup plus clair les dossiers concernant les ministres, les premiers ministres et même les anciens présidents. Si même tentait que ce qu’on lui reprochait était fondé, un ancien ministre ne peut être embarqué dans une aventure judiciaire que par l’Assemblée Nationale à travers la Haute Cour de Justice qui dort toujours avec le dossier concernant les événements de Kidal et impliquant Moussa Mara et le stratège Soumeylou. C’est un mépris de la loi, suivi d’un procès parodique dans la cité du Kenedougou.
Tout était mis en scène pour faire semblant de juger présumés coupables et présumés innocents. Les maliens ont compris aujourd’hui que ce patriotique officier, trahi et combattu pour des prises de positions contre la France ambiguë, n’a été qu’un prisonnier qui n’a ni signé ni ordonné ni participé. C’est la marque de la vendetta et de l’injustice portées par un homme que beaucoup de patriotes regrettent.
Figaro mali