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Financement alternatif : LA CAISSE ISLAMIQUE DE DEVELOPPEMENT S ’INSTALLE

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La structure propose aux micro entrepreneurs et aux couches modestes un large éventail de financements simplifiés, à vocation commerciale ou à objectif social

Bloqué aux portes du système bancaire classique, le secteur informel s’est trouvé dans notre pays une possibilité de financement à travers les institutions de micro finance (IMF). Celles-ci proposent des services financiers et non financiers de proximité non seulement à des acteurs du secteur informel, mais aussi à des personnes exclues du secteur bancaire, en raison de la faiblesse de leurs revenus et de l’absence de garanties de paiement. Ainsi appliquée, la micro finance dépasse donc la simple attribution de microcrédits et l’octroi de prêts. Elle offre aussi des services adaptés aux spécificités des populations pauvres et très pauvres qui constituent sa principale cible.
Cependant, le secteur de la micro finance classique voit son expansion limitée par un certain nombre de contraintes liées notamment à la modicité de la dynamique de création d’entreprises rurales ou urbaines, à la pauvreté ambiante qui frappe les populations, à la faiblesse des approches en matière de crédit, à la faible pénétration des institutions par le biais de produits adaptés, au surendettement et à l’attitude socioculturelle vis-à-vis de l’endettement.
D’un autre côté, la crise financière de 2008 a mis en exergue des limites du système financier conventionnel. Par contre, le système financier islamique, pour avoir résisté au séisme financier planétaire, est aujourd’hui considéré par les experts de la finance mondiale comme une véritable alternative aux instruments de financement classique. Depuis quelques années, la finance islamique est un secteur en plein essor qui permet à des millions de personnes des pays musulmans et d’ailleurs d’accéder à des services financiers visant à assurer leur développement économique.
Le système financier décentralisé constitue, selon les experts, un cadre favorable au développement de produits financiers islamiques dans la mesure où il ouvre la porte à d’autres activités spécifiques. Dans notre pays comme dans la plupart des pays de la sous-région, la finance islamique est encore à l’état embryonnaire. Selon nos enquêtes, la première expérience de notre pays en la matière aurait été la caisse Halal, créée il y a une décennie par un leader religieux. Cependant, faute de plan de développement et surtout par manque financement capable de satisfaire une forte demande, cette caisse a fait long feu.
ADAPTÉ AU BESOIN DE NOS POPULATIONS. Mais depuis sept mois une nouvelle institution de micro finance islamique bien structurée est venue enrichir le paysage financier décentralisé de notre pays. Il s’agit de la Caisse islamique de Développement (CID). L’engouement autour de cette structure financière particulière nous a incité à nous y intéresser pour comprendre sa différence d’avec le système financier classique et surtout son mode de fonctionnement.
L’initiative est celle d’un groupe de jeunes Maliens diplômés en finance et spécialisés dans la finance islamique telle que celle-ci est dispensée dans les grandes universités européennes. Le jeune expert en finance islamique, Sidy Bouaré, directeur général de la CID, insiste sur le fait fondamental que la finance islamique fonctionne exclusivement sur les principes de la « Charia ». A la différence de celle classique, cette finance interdit de donner ou de recevoir un taux de rendement fixe ou prédéterminé sur une transaction financière. Elle ne pratique pas des méthodes spéculatives et ne propose pas non plus des prises d’intérêts pour rémunérer les prêts. Elle est fondée sur cinq principes dont les interdictions portant sur la prise d’intérêt, sur l’incertitude liée aux spéculations et sur les actifs illicites comme l’alcool, les jeux de hasard ou le tabac, tous prohibés par la Charia. Elle repose sur le partage des pertes et profits, et l’existence d’un actif sous-jacent. Elle n’exige aucune garantie et se consacre exclusivement aux besoins du demandeur. De même, elle est tenue de fournir assistance et accompagnement au promoteur.
En conséquence, souligne notre interlocuteur, la micro finance islamique est un instrument adapté aux besoins de nos populations, notamment dans la lutte contre la pauvreté en milieu rural et dans la prise en charge des ambitions de la micro entreprise. « Dans la micro finance islamique, insiste Bouaré, l’argent ne doit pas voir sa valeur s’accroître par elle-même. Les produits financiers conformes à la Charia ne peuvent donner lieu à aucun intérêt. Dans ce contexte, le partage des risques et des profits est encouragé via des prises de participation dans des entreprises. Nos produits se distinguent ainsi de la plupart des produits de micro finance traditionnels qui reposent sur des intérêts et des frais ».
Pour Sidy Bouaré, la micro finance islamique repose sur un certain nombre de concepts majeurs. D’abord la micro-épargne. Chaque dépôt d’un client est considéré comme un investissement. Cependant, cet argent sera investi selon les principes de l’islam. Les pertes et les profits de cet investissement sont partagés entre l’investisseur et l’institution. Le microcrédit islamique, lui, est basé sur le commerce ou sur le leasing qui permettent la propriété et/ou l’utilisation de biens et actifs physiques utiles pour mener une activité productive, le tout en remettant le paiement à des périodes futures.

LA PERTE SUPPORTÉE PAR LES FINANCIERS. Prenons le cas d’un micro entrepreneur qui veut acheter un bien. Il approche la Caisse islamique et celle-ci va acquérir ce bien à un prix P qui va être communiqué au client. La Caisse revendra le bien au client à un prix P+M dans lequel M représentera le profit de la transaction. Le client va rembourser ce second prix par tranches étalées dans le futur. Ici, les risques restent au sein de l’institution de micro finance, contrairement à un leasing conventionnel. En effet, tous les dommages causés par voie non volontaire ou force majeure du client sont pris en charge par la Caisse, pour éviter que le leasing ne puisse être considéré comme une vente camouflée avec intérêt. « Les modalités du leasing sont déterminées à l’avance pour éviter toute spéculation conformément à la charia », précisera l’expert.
Cependant, ajoutera t-il, la micro finance islamique, c’est aussi des petits crédits à taux zéro grâce auxquels des femmes et des hommes sans ressources financières pourront se lancer dans des activités génératrices de revenus et réaliser des projets de micro entreprises. Ainsi, conformément aux principes de la finance islamique, la CID a développé des produits financiers adaptés aux besoins des Maliens. Dans ces modèles de financement islamiques, l’on distingue essentiellement la Moucharaka, la Mourabaha, -la Moudaraba, l’Istisna, la Mousawama, le khard hassan et la zakat.
La Moucharaka est un contrat passé entre la Caisse et un client dans le but de contribuer au capital d’une entreprise ainsi qu’au financement d’une activité ou d’un projet donné. Les profits générés sont partagés en conformité avec les termes de l’accord de Moucharaka, tandis que les pertes sont proportionnelles à la part de chaque partenaire dans le capital. Quant à la Mourabaha, elle représente un contrat de vente au prix de revient majoré d’une marge bénéficiaire connue et convenue entre l’acheteur et le vendeur. Elle peut revêtir deux aspects. Celui d’une transaction directe entre un vendeur et un acheteur ; ou alors celui une transaction tripartite entre un acheteur final (ou donneur d’ordre d’achat), un premier vendeur (le fournisseur) et un vendeur intermédiaire (exécutant de l’ordre d’achat). Le paiement est réglé dans un délai convenu, soit en plusieurs versements ou en un paiement unique.
Ces deux produits sont différents de la Moudaraba qui est un contrat de partenariat entre le capital et le travail, par exemple entre un ou plusieurs propriétaires de capitaux ou financiers et un entrepreneur ou gestionnaire de placements. Le profit est réparti entre les deux parties conformément à un ratio prédéterminé et convenu au moment du contrat. La perte financière est supportée uniquement par les financiers. Quant à l’Istisna, il se présente sous la forme d’un contrat dans lequel un entrepreneur accepte de produire, puis de livrer à un prix donné et à une date future définie un actif bien décrit et qui doit être conforme aux spécifications déterminées. L’institution paye l’entrepreneur selon l’accord convenu, le sociétaire rembourse progressivement à l’institution le coût supporté plus une marge.

PROPICE À LA DIVERSIFICATION DES PRODUITS. La Mousawama  consiste à fournir chaque mois aux bénéficiaires leur ration alimentaire à crédit sur les produits de grande consommation (riz, huile, sucre, lait, etc.). Le remboursement se fait au cours du mois selon la convenance du client. A ces produits, il faut ajouter le khard hassan, prêt monétaire sans intérêt, dont le but est d’apporter aide et assistance. Le principe financier islamique se référant au Coran considère comme péché capital une rémunération sur le commerce de l’argent.
Pour Sidy Bouaré, l’analyse des produits et services islamiques développés par la Caisse montre qu’il s’agit pour l’essentiel des mêmes produits offerts par le système classique si on considère leur objet. « Cependant, dans le système classique, fait-il remarquer, l’essentiel des transactions se fait par le biais de la liquidité et la rémunération par l’intermédiaire du taux d’intérêt. Tandis que dans le système islamique, les transactions se font directement en nature. Autrement dit, l’objet est très précisément identifié et constitue le soubassement de la transaction ».
Cette formule présente plusieurs avantages notamment l’élimination automatique de la possibilité de détournement de l’objet, une meilleure maîtrise du risque compte tenu de l’implication directe de la structure dans la transaction et un meilleur ciblage produit/marché, mais aussi des conditions d’accès plus adaptées dans la mesure où le contexte et les caractéristiques réelles de l’activité sont connus et pris en compte dans la transaction. Cette approche est très favorable à la diversification des produits et services ainsi qu’à la prise en charge des couches démunies, tout en étant viable. Pour Bouaré, l’objectif principal de son institution est de trouver un équilibre entre le commercial et le social dans ses offres de produits et de services destinées essentiellement aux populations à revenu modeste.
Un nouveau mécanisme de financement s’ouvre donc aux micros entrepreneurs de notre pays qui sont déjà des centaines à prendre d’assaut les locaux de la Caisse islamique de développement. Une Caisse qui offre de nouveaux instruments de financement spécialisés, faciles et simplifiés. Certains, répondant à une orientation purement commerciale, sont exclusivement destinés à la création de richesses et de rentabilité. D’autres affichent une vocation purement sociale. La solidité du système repose sur le fait que chaque groupe d’instrument poursuit son objectif indépendamment de celui de l’autre.
Des instruments comme la zakat, le waqf, le khard hassan sont ainsi destinés exclusivement à la lutte contre la pauvreté, et le plus souvent sans obligation de contrepartie ou de remboursement. Leur efficacité dans la lutte contre la pauvreté tient à ce que le coût des ressources est non seulement quasi nul, mais aussi au fait qu’il n’y a aucune contrepartie ou de remboursement attendu. Il reste aujourd’hui à notre pays à adopter un dispositif réglementaire afin d’encadrer la finance islamique et de favoriser son développement puisqu’il s’agit d’un système financier en plein épanouissement à travers le monde.

D. DJIRÉ

Source : L’ Essor

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