Elle concerne tout le pays et tient à l’hivernage, une période de haute transmission de la maladie. Les données actuelles sur la situation sont loin d’atteindre le seuil épidémique
Des rumeurs ont couru ces temps derniers sur une mystérieuse fièvre meurtrière sévissant dans le Septentrion malien. Ces rumeurs sont très exagérées puisque les premières investigations du ministère de la Santé et de l’Hygiène publique et de ses partenaires, ont montré qu’il s’agit d’une recrudescence de paludisme et non d’une épidémie quelconque.
Le pic de paludisme est réel et confirmé par les statistiques nationales. Du 1er janvier au 30 septembre 2015, il a été enregistré 1 497 915 cas présumés de paludisme dont 690 590 cas positifs au test de laboratoire. Pour la même période en 2014, il avait été recensé 1 458 896 cas présumés dont 892 432 cas confirmés. Les chiffres attestent donc qu’il y a eu une augmentation de 41 459 cas.
Pour rassurer l’opinion et apaiser les inquiétudes sur la question, les services techniques du département de la Santé et de l’Hygiène publique et les partenaires stratégiques dans la lutte contre les maladies, ont rencontré la presse mardi. Les conférenciers étaient le point focal paludisme au cabinet du ministère de la Santé, Souleymane Sacko, le directeur national adjoint de la santé, le Dr Mama Coumaré, le directeur général du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), le Dr Diakalia Koné. Cheick Oumar Coulibaly de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Pr Mahamadou Théra du MRTC, un centre de formation et de recherche sur le paludisme basé à la faculté de médecine et d’odontostomatologie, figuraient aussi parmi les conférenciers.
Le premier enseignement à tirer des éclaircissements donnés par les services techniques du département de la Santé et de l’Hygiène publique, est que la recrudescence des cas de paludisme, surtout en cette période de haute transmission liée à l’hivernage, concerne tout le pays et pas seulement les régions du Nord. Il ressort d’un communiqué du gouvernement sur la situation que les trois régions du nord sont effectivement considérées comme des zones à risque d’épidémie de paludisme, mais qu’une augmentation importante du nombre de cas a été constatée un peu partout. Le document indique que des dispositions idoines avaient été déjà envisagées par le gouvernement avant le début de l’hivernage. A cet effet, des efforts ont porté, entre autres, sur le renforcement de la prise en charge en charge systématique de tous les cas, le traitement préventif intermittent chez la femme enceinte est ainsi passé de deux à trois doses. Il y a également la chimio prévention du paludisme saisonnier (CPS) chez les enfants dans 21 districts sanitaires et sur 42 programmes en 2015. Près 6 300 000 moustiquaires imprégnées ont été distribuées dans le cadre de l’accès universel à la prévention, dans les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso et à Bamako.
Les dotations supplémentaires en intrants anti paludiques (médicaments, tests de diagnostic rapide, moustiquaires imprégnées d’insecticide), le recrutement de personnels qualifiés pour les zones concernées dans les centres de santé de référence (Csref) et au Centre hospitalier universitaire (CHU) Gabriel Touré, la prise en charge des cas par des équipes mobiles dans les régions du Nord, sont aussi des mesures de renforcement de la lutte contre le paludisme.
Pour le Pr Mahamadou Ali Théra, les données actuelles sur la situation du paludisme sont loin d’atteindre le seuil épidémique. Le chercheur est formel : il n’y a pas d’épidémie de paludisme dans notre pays.
Pour le point focal paludisme, le département a mis du temps à réagir aux rumeurs car il fallait prendre le temps d’investiguer pour pouvoir communiquer sur la situation réelle de cette recrudescence du paludisme.
Mama Coumaré, un autre conférencier, a assuré que toutes les dispositions utiles ont été prises pour circonscrire le phénomène. Pour lui, il existe un fichier de données qui fournit même la disponibilité des intrants. Avant de s’étendre sur les autres mesures de prévention, le directeur national adjoint a rappelé que selon des études, la chimio prévention permet de réduire de 59% les cas de paludisme chez les enfants.
Dans la lutte contre le paludisme, les partenaires techniques accompagnent notre pays. L’Organisation mondiale de la santé, en première ligne dans la lutte contre les maladies, multiplie les initiatives et les actions. L’organisation onusienne a même élaboré un plan qui sera soumis au département de la Santé pour validation. Cheick Oumar Coulibaly a expliqué qu’on aura besoin de personnel supplémentaire pour renforcer les équipes, avant d’assurer que son organisation assurera le plaidoyer auprès des autres partenaires.
Pour le directeur du PNLP, la recrudescence observée n’est pas une situation nouvelle dans notre pays. L’hivernage est une période de haute transmission, ce qui explique la recrudescence du fléau. Il a cependant souhaité que le MRTC fasse des prélèvements pour déterminer les souches de parasites en cause dans ce pic de paludisme.
Sur les régions septentrionales, des appréhensions spécifiques avaient été exprimées. Certes ces zones connaissent aussi une augmentation des cas de paludisme, mais elles ne font pas exception.
Les chiffres de la direction nationale de la santé détaillent la situation du paludisme dans les trois régions du Nord de janvier à septembre 2015. Tombouctou enregistre 97 244 cas et 8 décès contre 115665 cas et 17 décès en 2014. Le même tableau comparatif précise que pour les mêmes périodes, Gao a respectivement enregistré 85 334 cas et 14 décès contre 56 728 cas et 9 décès. Pour Kidal, il y a eu 5 146 cas et 3 décès contre 2 082 cas et 0 décès, l’année dernière.
En sus des régions du Nord, toutes les autres localités du pays sont aussi touchées sans qu’il y ait lieu de céder à la panique. Il faut continuer donc à renforcer les mesures de prévention et de prise en charge des cas.
B. DOUMBIA
Source : Essor