L’étau se resserre de plus en plus autour du chef de l’État. À l’issue de sa réunion de ce vendredi, 26 juin, une semaine après la gigantesque mobilisation citoyenne du 19 juin qui a vu les Maliens se tenir debout sur les remparts dans tout le pays et partout où la diaspora est importante, le M5-RFP a maintenu sa revendication initiale : la démission d’IBK et de son régime.
Le M5-RFP tiendra cet après-midi une conférence de presse pour annoncer la date de sa prochaine offensive. Celle-ci, comme le 05 et le 19 juin, pourrait bien être le vendredi prochain, 03 juillet. Ce ne serait pas, comme le redoutent certains, une opération de radicalisation ou un geste de raidissement; l’imam Mahmoud Dicko et les responsables du M5-RFP ont déjà eu à prouver au monde entier que leur seule volonté est de nettoyer les écuries d’IBK pour le grand bonheur de la démocratie et du peuple malien qui, dans la discipline et avec une haute idée de la patrie, se reconnaît fortement en leur leadership. Il ne saurait être non plus question de saut dans l’inconnu, la contestation populaire a une parfaite maîtrise de son objectif et de son mode opérateur, au point de savoir déjouer à l’avance, sinon in extremis, tous les écueils et coups bas que fomentent des perturbateurs en mal de stratégie du camp présidentiel, on l’a vu. Le rythme des sorties est bien calé. Contrairement aux débrayages de week-end des Gilets jaunes en France ou la fronde de chaque vendredi, début de week-end en Algérie, l’insurrection malienne a choisi de secouer le vieux caïlcédrat de Koulouba toutes les deux semaines, précisément tous les 14 jours. Ainsi, si le 05 juin a été un test grandeur nature parfaitement réussi, le 19 juin a, lui, permis d’attirer l’attention de tous les observateurs sur la réalité que toutes les eaux salvatrices de la nation convergent et qu’aucune digue, fût-elle de la taille et de la solidité de la colline sur laquelle niche la présidence de la République, ne pourra bientôt pas résister à leur courant impétueux.
IBK, laisse- nous notre mali!
Le vendredi, 03 juillet, troisième sortie des révolutionnaires, va certainement constituer un épisode décisif. Comme le 19 juin a indéniablement fait montre de plus de forces et de détermination par rapport au 05 juin, le 03 juillet donnera sans doute à voir que quasiment tous les citoyens maliens, de l’intérieur comme de la diaspora, ont quitté la réserve pour monter au front. Que cela s’appelle “La patrie ou la mort, nous vaincrons!” ou “IBK, laisse-nous notre Mali!”, le résultat sera sans nuance : ou Ibrahim Boubacar Keïta se maintiendra au prix du massacre d’un nombre impressionnant de ses concitoyens, ou il fera place nette dans les jours suivants et dans les conditions que Dieu seul peut connaître à présent.
En face de ce peuple résolu à lui faire payer les errements de sa gouvernance calamiteuse, que peut désormais IBK ? Douloureuse question pour un oiseau nocturne surpris par la lumière du jour et qui, comme un homme incapable de cerner les réalités qui l’enserrent, croit que le soleil apparu est à lui et à lui seul. Or, toutes les négociations pour une sortie de crise ont montré à présent leurs limites. Les propositions faites par la communauté internationale et aussi celles formulées par des politiques et intellectuels maliens ont été avec courtoisie mais fermement rejetées par le peuple trompé, volé, pillé, trahi. Adieu dissolution de l’Assemblée nationale et de la Cour constitutionnelle ! Adieu gouvernement d’union nationale et Premier ministre de pleins pouvoirs proposé par le M5-RFP ! Adieu président de la République confiné dans un rôle protocolaire !
À quoi aspire maintenant IBK ? Que, en raison de sa belle baraka, quelque chose de divin lui vole inattendument au secours? Il est désemparé, on le sait. Dieu, Allah de Son vrai nom, n’est plus avec lui, il le sent. Dans ce plein désarroi et de perte du nord, on peut s’accrocher à tout, hypothétique canot de sauvetage. Alors, une triste nouvelle, avec vidéos à l’appui, viole les pieuses âmes maliennes. Le fétichiste Moustapha Diallo de Farabana, localité des environs de Bamako, immole au feu, dans un grand trou aux contours d’une tombe, un bœuf vivant couvert de tissu rouge. On entend l’adepte de Satan, bien connu du reste, dire lui-même : “Si on fait un tel travail (sacrifice) pour un farfelu, on le regrettera. Y a-t-il pire mécréance que cet acte? Si l’on demandait aux marabouts de faire un tel sacrifice, cela coûtera au moins 200 millions. D’ailleurs, les marabouts ne feront rien…” L’opinion publique nationale se laisse vite convaincre que l’immonde immolation a été commandée par IBK pour sauver son fauteuil. Dans les heures suivantes, le sinistre Moustapha Diallo diffuse une vidéo dans laquelle, manifestement, il s’efforce d’éviter de parler du Président mais le mentionne quand-même furtivement tout en réfutant être au service des politiques qu’il désigne par droite et gauche. Comme on dit, Dieu est parfaitement informé. Mais ce qui intrigue, c’est qu’on ne tardera pas à écouter des audois expliquant que ce n’est pas IBK lui-même qui a commandé l’immonde sacrifice mais que ce sont sa femme et son fils Karim qui seraient intervenus pour la cause auprès de Moustapha Diallo de Farabana. Et une certaine plainte envisagée un temps contre le sacrificateur est abandonnée ! Seul Allah détient la vérité dans cette affaire, on s’abstiendra de médire. Les Tunisiens ont eu leur jeune qui s’est immolé par le feu déclenchant le printemps arabe, les Maliens ont désormais leur bœuf qui a également péri par le fait exprès dans les flammes.
Qui peut sauver IBK à présent ?
La communauté internationale n’a plus de nouvelles idées et on la voit mal dépêcher des troupes pour tenir en respect le peuple malien. L’EPM (Ensemble Pour le Mali), majorité présidentielle, a peu de moyens politiques pour agir. Il se tient dans une attitude expectative. Quelques tonitruants personnages ont nourri l’illusion de monter aux avant-postes pour défendre le président et les institutions de la République. Mais autant le M5-RFP a la haute main sur le rythme de ses sorties, autant ces turbulents en face de lui étonnent par la cadence des annulations de leurs actions guerrières. On dirait de petits jaloux saboteurs aux yeux de crocodile, pour ne pas entonner le refrain du chanteur africain. À la veille du 05 juin, ils ont juré qu’ils empêcheront la contestation populaire et qu’ils viendront aussi célébrer la prière du vendredi sur l’échangeur de la Cité administrative pour donner le change à l’imam Mahmoud Dicko et au peuple avec lui. Le jeudi, 04 juin, la décision de l’annulation est enregistrée au Journal Officiel de la République du Mali au motif qu’ils s’abstiennent de troubler l’ordre public. Les mêmes donnent rendez-vous pour le samedi, 13 juin, en promettant d’envahir le Boulevard du peuple avec trois millions de Maliens. Encore le jeudi, 11 juin, le bon prétexte est trouvé : El Hadj Ibrahim Boubacar Keïta, grand sage devant l’Éternel et non moins détenteur de la médaille du seul chef d’État au monde à organiser, contre le bon sens et le salut de son peuple, des élections en période critique de pandémie du coronavirus, a dit qu’il ne veut pas que l’on expose pour sa défense les Maliens au Covid-19 ! Les agitateurs peuvent rester à leurs bases. Pas d’actions possibles.
Conseil de guerre sans effet
Last but not the least, les tapageurs impénitents jurent encore, renforcés cette fois-ci par le très versatile Amadou Koïta, qu’ils sortiront le samedi, 27 mars, pour soutenir et défendre le président et les institutions menacés par des djihadistes et des mercenaires. Un meeting préparatoire est convoqué au Palais des sports de Bamako le jeudi, 25 juin, dans l’après-midi. Dans cette enceinte pourtant officiellement fermée aux manifestations pour raison de Covid-19, ils acheminent des enfants à qui ils crient leur hargne d’en découdre avec les ennemis de Boua. La rencontre fut un vrai fiasco, une flope magistrale. Les journalistes ont noté qu’en lieu et place d’un meeting vrai et responsable, il y a eu plutôt une kermesse mal préparée pour amuser les enfants ou que ce fut un parlement des enfants incontrôlables. Le plus marrant, c’est que le lendemain de ce conseil de guerre qui ne pouvait compter que sur des pétards mouillés, des blindés en carton, des hélicoptères sans appareils de vision plus ramassés dans les dépôts d’ordures du Brésil, les jaloux saboteurs annonceront à nouveau le lendemain, vendredi 26 juin, que la guerre du lendemain samedi, 27 juin, est reportée ! À la demande, cette fois-ci, de la Minusma, de la Cedeao et d’Ousmane Madani Haïdara qui avait pourtant invité ses adeptes de Côte d’ Ivoire à rejoindre Bamako pour lui sauver l’honneur dans cette grande guerre patriotique !
Non, IBK est seul, désespérément isolé, trompé et berné. Est-il comme Pierre Poujade pour s’accommoder de ces spectacles populistes de mauvais goût ? Charles Pasqua, alors ministre de l’intérieur français, dépité par de virulents personnages qu’il considérait comme des pagailleurs, a lâché : “Je n’aime pas les plaisantins. Ils font double emploi avec la politique”.
Amadou N’Fa Diallo
Le Prétoire