Le 7 avril, Orange, MTN et Moov avaient provoqué la colère des usagers en diminuant de concert le volume de données inclus dans les forfaits 4G, tout en maintenant leurs prix.
Est-ce la mobilisation populaire qui a payé ? Ou une suspension pour « vice de forme », comme l’a évoqué, lundi 10 avril au soir, le ministre de la communication et de l’économie numérique, Amadou Coulibaly, sur le plateau de la Radiodiffusion télévision ivoirienne (RTI) ? La hausse des tarifs des données mobiles n’est plus à l’agenda en Côte d’Ivoire.
Le 7 avril, les trois opérateurs de téléphonie qui se partagent le marché, Orange, MTN et Moov, avaient diminué de concert le volume de données inclus dans les forfaits 4G, tout en maintenant leurs prix. Les consommateurs se sont immédiatement érigés contre cette mesure : une pétition « pour que le coût de la connexion Internet en Côte d’Ivoire soit moins cher qu’en Somalie » a recueilli plus de 45 800 signatures.
Le coût moyen d’un gigaoctet varie considérablement selon les pays africains. En Côte d’Ivoire, selon l’étude « Worldwide Mobile Data Pricing 2022 », il avoisine les 3 dollars (2,75 euros), contre 0,61 dollar seulement au Ghana et 0,63 dollar en Somalie. « Ici, on est taxés trois fois, explique Cyriac Gbogou, spécialiste des technologies de l’information et de la communication. Il y a d’abord la TVA à 18 %, puis une taxe à 3 % que paient directement les internautes, puis une taxe de 7,2 % dont l’opérateur doit s’acquitter auprès du régulateur. Le coût de la licence est de 100 milliards de francs CFA [environ 150 000 euros] par opérateur ! »
Pour faire plier les compagnies de téléphonie, Tiémoko Assalé, député-maire de Tiassalé, a lancé un « boycott citoyen » les 8, 9 et 10 avril, appelant à l’interruption des appels téléphoniques, des envois de SMS, de la navigation Internet et des transactions de « mobile money » entre 12 et 14 heures. Dans une vidéo publiée samedi sur son compte Facebook et abondamment relayée (25 000 likes à ce jour), l’élu indépendant s’en est pris directement à l’Autorité de régulation des télécommunications de Côte d’Ivoire (ARTCI) « pour sa décision incompréhensible » et aux opérateurs « pour leur cupidité et pour l’ensemble de leurs œuvres contre les Ivoiriens, depuis des décennies ».
Des revenus en nette croissance
Du côté des mis en cause, l’embarras est palpable. L’ARTCI s’est fendue le 7 avril d’un communiqué jargonneux dans lequel elle assure n’avoir prescrit aux opérateurs aucune mesure d’augmentation tarifaire. « Le seul but [de l’encadrement des offres décidé en janvier], précise-t-elle, est d’assainir la concurrence entre les opérateurs, assurer la protection des consommateurs et assurer un développement pérenne du marché de la téléphonie mobile ».
Et c’est là que le bât blesse : les opérateurs, pour gagner des parts de marché dans un environnement très concurrentiel, vendent jusqu’ici à perte les données mobiles en se rattrapant sur d’autres services comme la « voix », c’est-à-dire les appels téléphoniques. Une pratique que l’ARTCI souhaiterait voir cesser. D’autant que le secteur se consolide.
Selon les chiffres compilés par l’autorité de régulation, les revenus sur le service « data » ont connu une nette croissance sur la période 2020-2021 : de 31,6 % pour Orange, 21,6 % pour MTN et 14,6 % pour Moov. Quant à la croissance des marges dégagées, elle a été de 6,4 % pour Moov, 39 % pour MTN et 95 % pour Orange grâce au « fort accroissement des usages », souligne l’ARTCI.
Un argument repris par Amadou Coulibaly lors de son allocution, lundi soir. Le ministre de la communication a évoqué une « rude concurrence » entre les grands acteurs des télécommunications et une « chasse aux avantages » pour conserver et acquérir de nouveaux clients, avec des offres promotionnelles toujours plus alléchantes. Ce qui aurait provoqué une forme de « désordre ».
C’est pour « un vice de forme » – dont il n’a pas précisé la nature – que l’ARTCI aurait demandé aux opérateurs de revenir pour l’instant aux tarifs antérieurs, assure Amadou Coulibaly. Les discussions, déjà engagées en janvier 2022 entre l’ARTCI, les opérateurs et une quinzaine d’organisations de la société civile, doivent maintenant reprendre pour tenter de rééquilibrer le secteur. Tout en prenant en compte les intérêts des consommateurs et en tentant de ne pas aggraver la fracture numérique dans un pays où le taux de pénétration d’Internet atteint à peine 34 %.