Après la campagne nationale de boycott des produits de l’opérateur de téléphonie mobile, Orange Mali, initiée par le Collectif pour la défense de la République du célèbre chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily, alias Ras Bath, la société française fait face à une nouvelle fronde. Et cette fois-ci, elle devrait répondre devant les juridictions compétentes.
Les perturbations incessantes sur le réseau (paralysant les appels téléphoniques, les SMS et la connexion d’internet) incommodent le collectif des associations de la société civile contre l’opération de téléphonie mobile, Orange Mali. Organisations de la société civile et hommes de droits soulèvent désormais une fronde contre la société française au Mali.
Selon les responsables de ce collectif, Orange Mali ne respecte pas ses clients. «La dernière forfaiture remonte à la célébration du 22 septembre. Pendant un bon moment, les Maliens ont été sévrés du service minimum. A toutes les manifestations au Mali, nous assistons à des perturbations sur le réseau», s’indigne Abdoulaye Koné, journaliste. Avant d’ajouter : «Orange en complicité avec l’Etat coupe de façon inopinée le réseau surtout lorsqu’il y a une manifestation. La société perturbe le réseau comme si c’est l’opposition seule qui est abonnée à ses services».
Ce collectif pour défendre les intérêts des clients est en train de constituer les dossiers nécessaires pour traduire la société en justice. «Pour un minimum de respect envers ses clients, cette société devrait informer l’opinion nationale. Trop c’est trop. C’est un manque de considération à l’endroit des Maliens», peste le porte-parole du collectif, Cheick Tandina.
Lequel estime que «les services téléphoniques sont publics. Il n’y a pas de raison qu’il y ait abus de confiance. Me Cheick Konaré et ses confrères Abdoulaye Sacko et Alassane Camara se sont volontairement constitués pour défendre les clients contre cette coalition des sociétés.»
Au fil du temps
Ce n’est pas la première fois que Orange Mali se retrouve sur le banc des accusés. On se rappelle «l’initiative Stop aux arnaques de Orange Mali : une campagne de boycott.»
Au Sénégal comme au Mali, cette journée de boycott organisée a porté ses fruits. Réunis en collectif dénommé «Stop aux arnaques de Orange Mali», certains consommateurs des produits de cette société avaient battu le pavé pour réclamer la baisse du coût des services et l’amélioration de la qualité d’Internet sur toute l’étendue du territoire national.
L’initiative a été appréciée de par sa coloration citoyenne. Des photos de profil facebook ont été changées en «Dérange», certaines puces ont été désactivées et d’autres abîmées. En effet, toutes ces actions avaient été menées pour la défense des intérêts communs des consommateurs maliens. Seulement, le péché des organisateurs a été d’arrêter l’initiative en si bon chemin. Elle n’a pas été inscrite dans la durée.
En 2015, le CDR a lancé la journée de boycott d’Orange, qu’il accusait “d’arnaquer” les consommateurs. Il y a eu un deuxième mouvement de grogne dans un pays africain contre l’opérateur français, après celui du Sénégal en septembre.
L’entreprise a été accusée par les internautes de pratiquer des prix prohibitifs et de proposer un service client de mauvaise qualité. Et cette critique dérange dans un pays qui est un marché important pour le groupe télécom français en Afrique de l’Ouest et du Centre. Selon ses propres chiffres, l’opérateur a en effet déjà pris 53,8% de parts de marché au Mali. Dans cette région d’Afrique, Orange est passée de 8 millions à 18,5 millions d’abonnés entre 2013 et 2014, d’après l’agence Ecofin.
Des internautes publient des captures d’écran de SMS montrant à quel point un forfait s’épuise vite au Mali. «En quelques jours, je n’ai plus de forfait et je me sens pigeonnée !» affirme Christelle Astou Cissé, l’une des internautes qui a lancé la campagne de boycott des produits Orange le 1er décembre.
«Au Mali, nous payons 13 500 Francs CFA (20 euros) pour un forfait mobile avec 2 Go de connexion Internet… ce sont des prix similaires à ceux pratiqués en Europe ! J’utilise beaucoup les réseaux sociaux ou des applications comme WhatsApp ou Viber… en quelques jours, je n’ai plus de forfait et je me sens frustrée et pigeonnée ! Le débit de connexion est en plus ridiculement faible. Depuis un mois, un collectif de plusieurs internautes a fait parvenir des doléances à Orange. Mais ils n’ont rien voulu nous répondre. Ils s’en fichent, car ils sont en quasi situation de monopole : le seul autre opérateur, Malitel, loue l’accès au réseau à Orange et a des prix équivalents.
Le jour du boycott, on a reçu des centaines de photos de gens et des tracts qui ont détruit leur carte SIM Orange. J’ai même croisé des vendeurs de crédits téléphoniques qui refusaient de vendre des produits de cette marque par solidarité. On est très contents du suivi du boycott, mais on ne se fait pas d’illusion : pour Orange, c’est une goutte d’eau», déclare Christelle Astou Cissé.
«Malgré le boycott, l’internet ADSL coûte toujours autant qu’un sac de riz de 25 kg au Sénégal !» s’indigne Natty Seydi qui avait été l’un des initiateurs du mouvement à Dakar, au Sénégal. Et d’ajouter : «Des années après, on ne peut pas dire que le boycott ait fait baisser les prix : l’internet en ADSL coûte toujours le prix d’un sac de riz de 25kg au Sénégal ! Pour un opérateur qui fait 150 milliards de francs CFA de bénéfice (228 millions d’euros), c’est quand même la honte.»
La société Orange Mali réussira-t-elle ce combat face au peuple malien ? C’est la principale question qui taraude les esprits. En tout cas, si cette société française gagne devant les tribunaux, ce serait au mépris de la loi.
Affaire à suivre
Zan Diarra
Source: Soleil Hebdo