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Détournement à l’ambassade du Mali au Burkina : L’ambassadeur Soulalé entendu au Pôle économique

Le dernier rapport du Vérificateur général était explosif. C’est le moins que l’on puisse dire. Il a fait des révélations et épinglé plusieurs gestions et malversations au sein de notre administration ; et ce, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays. En parcourant le document, on découvre, par exemple, de gigantesques détournements au niveau de certaines ambassades du Mali dans des pays tels que l’Espagne, le Burkina-Faso, la Côte d’Ivoire, etc. Pour ce qui concerne le dossier relatif à notre mission diplomatique au Burkina-Faso, il est, désormais, au niveau de la brigade du Pôle économique et financier.

Sans tambour ni trompette, contrairement à ce que l’on veut croire, la justice malienne redore son blason. Ce travail est, il faut le reconnaître, faciliter par les rapports et enquêtes menés par les services et structures chargés de la lutte contre la corruption et la délinquance financière. Parmi eux, on peut citer le Bureau du Vérificateur général qui, comme nous l’écrivions, tantôt, ne cesse de donner des indications et poser des balises à la justice dans le cadre de l’enrôlement et du traitement de certains dossiers.

Son dernier rapport est l’illustration parfaite de cette nouvelle stratégie. Ceux qui l’ont parcouru ont pu se rendre compte du professionnalisme avec lequel il a été élaboré, de sa clarté et de la pertinence des révélations qui y sont faites. Il est, par exemple, question de la construction de la nouvelle chancellerie du Mali à Ouagadougou, précisément dans le très huppé et résidentiel quartier Ouaga 2000.

Même si l’ambassadeur du Mali a essayé, à un moment, de nier les accusations portées contre lui à travers le rapport publié en la circonstance, il faut dire que ce dossier poursuit, tranquillement, son chemin. Pour prouver qu’il avance, nous pouvons vous affirmer qu’il est, à ce jour, au niveau de la brigade du Pôle économique et financier et les principaux concernés (à commencer par Soulalé, lui-même) sont en train d’être entendus.  Aussi, la répétition étant pédagogique, nous publions à nouveau, ici, l’extrait du rapport du Bureau du Vérificateur général qui traite du «cas Ambassade du Mali à Ouaga».

Durant la période sous revue, la Paierie générale du Trésor (PGT) a transféré 2 878 200 261 Fcfa à l’Ambassade du Mali à Ouagadougou. Sur lesquels plus de 1 500 000 000 Fcfa de dépenses ont été effectuées pour la construction de la nouvelle chancellerie. Aussi, pour la même période, les recettes de chancellerie ont été évaluées à 189 131 238 Fcfa. Par ailleurs, cette juridiction n’a pas fait l’objet de vérification par le Bureau du Vérificateur général. Au regard de ce qui précède, le Vérificateur général a initié cette mission de vérification financière de la gestion de l’Ambassade du Mali à Ouagadougou.

En vue de réaliser sa mission, l’Ambassade dispose de ressources humaines composées du personnel diplomatique et du personnel local. Le personnel diplomatique est régi par le droit applicable en République du Mali, alors que le personnel local, recruté dans le pays d’accréditation, est soumis à la législation du pays d’élection.

L’effectif de la Représentation diplomatique et consulaire du Mali à Ouagadougou est de 20 agents dont 16 locaux. Les postes prévus sont : L’Ambassadeur ; le Ministre Conseiller ; les trois Conseillers d’Ambassade ; l’Attaché de Défense ; le Conseiller consulaire ; le Secrétaire agent comptable.

L’Ambassade reçoit des fonds de la Direction des Finances et du Matériel (DFM) du Ministère chargé des Affaires étrangères. Ces fonds leur sont envoyés par la Paierie générale du Trésor (PGT) de la Direction nationale du Trésor et de la Comptabilité publique (DNTCP). L’Ambassade perçoit aussi des recettes de chancellerie.

Le Secrétaire Agent comptable n’a pas prêté serment et ne tient pas tous les documents et registres comptables

L’article 12 de l’Instruction n°0001/MFC du 14 juillet 1995 fixant les règles et procédures budgétaires et comptables applicables dans les Ambassades et Consulats du Mali précise les documents et registres que le Secrétaire Agent Comptable doit ouvrir et tenir : le livre journal de caisse, le Registre des rejets comptables, le Registre des droits des créanciers, le livre journal des commandes ; le livre journal des matériels et matières et le compte de gestion des matériels et matières […]».

L’article 13 de la même Instruction stipule : «En fin d’année, les quittances non utilisées font l’objet d’annulation et restent jointes aux souches afférentes. Le comptable doit conserver les souches des journaux à souche utilisés et être en mesure de les présenter à toute requête». L’article 14 de l’Instruction précitée indique : «le livre journal de caisse sert à l’enregistrement chronologique des opérations de recettes et de dépenses coté et paraphé par le Payeur général du Trésor, il est constitué de folios servis par duplication».

Pour s’assurer du respect de ces dispositions, la mission s’est entretenue avec le Secrétaire Agent Comptable et a examiné tous les documents et registres comptables mis à sa disposition. Elle a constaté que le Secrétaire Agent Comptable ne tient pas les documents et registres comptables suivants : le calepin de caisse ; le Registre des rejets comptables ; le Registre des droits des créanciers ; le Livre journal des commandes ; le livre journal des matériels et matières ; le compte de gestion des matériels et matières.

Elle a également constaté dans le livre journal de caisse que les opérations ne sont pas enregistrées selon l’ordre chronologique. En effet, le Secrétaire Agent Comptable enregistre les opérations regroupées par nature à la fin de chaque mois. En outre, elle a constaté des journaux à souche terminés mais non arrêtés et des journaux à souche non utilisés qui ne sont ni détruits ni renvoyés à la Paierie générale du Trésor.

La non-tenue des documents et registres comptables ne permet pas de connaître toutes les informations financières et comptables de l’Ambassade. En outre, les journaux à souche non utilisés, qui ne sont pas détruits ou renvoyés à la PGT, peuvent être source de malversations financières.

Le Secrétaire Agent Comptable ne tient pas correctement la comptabilité des timbres fiscaux

L’article 61 de l’Instruction n°0001/MFC du 14 juillet 1995 fixant les règles et procédures budgétaires et comptables applicables dans les Ambassades et Consulats du Mali stipule que «le Secrétaire Agent Comptable tiendra la comptabilité des timbres fiscaux». Afin de s’assurer de la bonne tenue de la comptabilité des timbres fiscaux, la mission a rapproché les écritures du registre des timbres.

À l’issue de la reconstitution du stock théorique et du comptage physique, la mission a constaté que la comptabilité des timbres fiscaux est mal tenue. En effet, le rapprochement du stock physique à la situation comptable se présente comme suit : un procès-verbal d’inventaire, contresigné par le Secrétaire Agent Comptable, a été établi par la mission pour attester la mauvaise tenue de la comptabilité des timbres fiscaux.

En effet, le rapprochement du stock physique à la situation comptable se présente comme suit : quotités de timbres, nombre observations 5 000 FCFA, 05 manquant 1 000 FCFA 28, excédent 500 FCFA, 29 excédent 250 FCFA 28 excédent 200 FCFA 64 manquant

Le Secrétaire Agent Comptable a effectué des imputations budgétaires irrégulières

L’article 39 de l’Instruction ci-dessus citée stipule : «les dépenses relatives à l’exécution du budget doivent être effectuées dans la limite stricte des fonds reçus de la Paierie Générale, et le respect des notifications de crédits. Chaque justification de dépenses (états de salaire, factures, etc.) doit préciser l’imputation budgétaire, et les références du mandat émis par la Direction Administrative et Financière du Ministère chargé des Affaires Etrangères ou celle du Ministère chargé de l’Education Nationale correspondant à l’envoi de fonds».

Afin de s’assurer de l’imputation correcte des opérations de dépenses, l’équipe de vérification a examiné les bordereaux récapitulatifs mensuels des dépenses et les pièces justificatives y afférentes (états de salaires, contrats, factures…) et rapproché lesdits bordereaux aux Décisions de mandatement et mandats de la période sous revue.

La mission a constaté que le Secrétaire Agent Comptable a créé deux rubriques budgétaires «Bâtiments et sécurité» et «Autres dépenses diverses». Aussi, elle a constaté qu’il a irrégulièrement imputé sur la rubrique «Bâtiments et sécurité» des opérations relatives aux dépenses d’entretien et réparation véhicule, et l’électricité.

L’article 10 de l’Instruction n°0001/MFC du 14 juillet 1995 fixant les règles et procédures budgétaires et Comptables applicables dans les Ambassades et Consulats du Mali stipule que «dans le cadre de l’exécution du budget, le Secrétaire Agent Comptable doit se référer à l’ampliation du budget détaillé qu’il a reçu (notification de crédit)».

Afin de s’assurer de l’imputation correcte des opérations de dépenses, la mission a examiné les bordereaux récapitulatifs mensuels des dépenses et les pièces justificatives y afférentes (états de salaires, contrats, factures…) et a demandé de fournir les décisions de notification de la période sous revue. Elle a constaté que le Secrétaire Agent Comptable ne reçoit pas de notifications de son budget de la part de la Direction des Finances et du Matériel du Ministère en charge des Affaires Etrangères. L’absence de notification du budget est de nature à favoriser la mauvaise imputation budgétaire qui enfreint le principe de la spécialité du budget, selon lequel, les crédits ouverts sont tous rattachés à une destination spécifique, qui ne doit pas être dénaturée dans l’exécution du budget.

L’Ambassadeur du Mali n’a pas justifié l’utilisation du carburant acheté

L’article 2 du Décret n°681/P-RM du 30 décembre 2010 portant réglementation de la comptabilité-matières dispose : «la comptabilité matières a pour objet le recensement et le suivi comptable de tout bien meuble et immeuble propriété ou possession de l’Etat, des collectivités territoriales, des organismes personnalisés soumis aux règles de la comptabilité publique».

L’article 3 du même Décret prévoit : «…La Comptabilité-matières doit permettre à tout moment la connaissance des existants et de leurs mouvements sous le double aspect de la quantité et de la valeur ainsi que le contrôle des existants et de leur utilisation…».

Afin de s’assurer du respect de ces dispositions, l’équipe de vérification a demandé les documents d’acquisition, d’utilisation et de répartition du carburant. La mission a constaté un montant total de 23 452 160 Fcfa d’achats de carburant dont l’utilisation n’est pas justifiée. En effet, le Secrétaire Agent Comptable n’a fourni aucun document de répartition ou d’utilisation du carburant acheté.

Situation récapitulative des paiements irréguliers

La mission a constaté ce qui suit : Au titre des paiements irréguliers de 1 264 050 299 Fcfa au profit de l’entrepreneur EGCOB/TD : Les paiements sont effectués, sans décomptes établis par l’entrepreneur ni d’acomptes par le maître d’œuvre, mais sur la base de factures qui ne sont pas liquidées par l’Ambassadeur.

Elle a aussi constaté que : les remboursements par l’Ambassade des emprunts contractés par EGCOB auprès de la Banque de l’Union du Burkina Faso (BDU-BF) pour un montant total de 412 256 519 Fcfa au lieu d’un montant de 243 019 691 Fcfa indiqué dans la lettre de EGCOB du 06 juillet 2017 et confirmé par la lettre de BDU-BF n°080/BDU/DG/DE/DA du 10 juillet 2017. En effet, l’Ambassade a remboursé aussi un montant de 169 236 828 Fcfa contracté par EGCOB/TD auprès de BDU-BF suivant la lettre n°105/2018/ DG/CG/BDU-SA/BF du 20 avril 2018. Tous ces remboursements d’emprunts contractés par EGCOB/TD ne sont pas des contreparties de décomptes ou d’acomptes, mais ils sont faits sur la base de simples factures libellées «Avance sur travaux» ; les paiements d’un montant total de 259 128 384 Fcfa par chèques libellés au nom de personnes physiques au lieu de personnes morales.

En effet, la mission a relevé les paiements par chèques à l’ordre du Directeur général de EGCOB/TD en violation de l’article 6 du contrat de marché n°AMO/CNCM/2014/001 du 20 novembre 2014. La mission a également constaté que le chèque n°7136938 de 5 250 000 Fcfa est établi à l’ordre du Secrétaire Agent Comptable de l’Ambassade pour règlement de la facture sans numéro EGCOB/TD du 29 août 2018.

Les paiements par l’Ambassade de factures adressées à EGCOB/ TD pour un montant total de 28 010 958 Fcfa En effet, la mission a constaté, dans le Bordereau mensuel de versement d’avril 2018 au titre des dépenses effectuées du mois, deux factures CFAO MOTORS BURKINA dont l’une n°FVN99772 du 28 février 2018 de 11 415 000 Fcfa et l’autre n°0368 du 26 avril 2018 de 16 595 958 Fcfa.

Au titre des paiements irréguliers effectués au profit des E.O.MO.F pour un montant total de 105 151 000 Fcfa : sur ces paiements, la mission a constaté que : 102 036 000 Fcfa ont été payés aux E.O.MO.F, sans contrat, sur présentation de factures non liquidées par l’Ordonnateur et ne comportant pas de prix unitaire et de quantité ou de nombre. La mission a également constaté l’absence de documents de la comptabilité-matières pour attester la réalité des acquisitions.

À l’issue des travaux effectués, la mission a constaté que le Secrétaire Agent Comptable a effectué des paiements de 1 369 201 299 Fcfa pour la construction de la Chancellerie sans les pièces justificatives requises. La situation se présente comme suit : Tableau n°4 : Situation récapitulative des paiements irréguliers Libellés Montants en FCFA Paiements irréguliers au profit d’EGCOB/TD  1 264 050 299 Paiements irréguliers au profit d’E.O.MO.F  105 151 000 Autres paiements irréguliers  13 249 750   Total des paiements irréguliers  1 369 201 299

La mission a constaté ce qui suit :

Au titre des paiements irréguliers de 1 264 050 299 Fcfa au profit de l’entrepreneur  EGCOB/TD : les paiements sont effectués, sans décomptes établis par l’entrepreneur ni d’acomptes par le maître d’œuvre, mais sur la base de factures qui ne sont pas liquidées par l’Ambassadeur. Elle a aussi constaté que : les remboursements par l’Ambassade des emprunts contractés par EGCOB auprès de la Banque de l’Union du Burkina Faso (BDU-BF) pour un montant total de 412 256 519 Fcfa au lieu d’un montant de 243 019 691 Fcfa indiqué dans la lettre de EGCOB du 06 juillet 2017 et confirmé par la lettre de BDU-BF n°080/BDU/DG/DE/DA du 10 juillet 2017.

En effet, l’Ambassade a remboursé aussi un montant de 169 236 828 Fcfa contracté par EGCOB/TD auprès de BDU-BF suivant la lettre ; 3 115 000 Fcfa ont été payés par chèques aux E.O.MO.F sans pièces justificatives. En effet, la mission a relevé sur l’extrait du compte bancaire UBA les chèques n°7136980 de 1 350 000 Fcfa et n°7136994 de 1 765 000 Fcfa payés en faveur des E.O.MO.F n’ont pas de justificatifs dans les différents Bordereaux mensuels de versement.

Au titre d’autres paiements irréguliers de 13 249 750 Fcfa, la mission a constaté : les factures d’un montant total de 13 249 750 Fcfa dans le Bordereau mensuel de versement du mois de mai 2018 dont les moyens de paiement ne figurent pas sur les relevés bancaires et dans le livre journal caisse.

L’Article 26 du Décret n°2014-0349/P-RM du 22 mai 2014 portant règlement de la Comptabilité Publique dispose : «Les seuls contrôles que les comptables publics sont tenus d’exercer sont les suivants : b) en matière de dépenses, le contrôle : de la qualité de : l’ordonnateur ou de son délégué, de l’assignation de la dépense et de son imputation comptable ; de la validité de la créance, portant sur : la justification du service fait, résultant de la certification délivrée par l’ordonnateur ainsi que des pièces justificatives produites ; l’intervention préalable des contrôles, autorisations, approbations, avis ou visas réglementaires ; la production des justifications et, le cas échéant, du certificat de prise en charge à l’inventaire ; l’application des règles de prescription et de déchéance ; du caractère libératoire du règlement incluant le contrôle de l’existence éventuelle d’oppositions, notamment de saisies des rémunérations ou de cessions». 88.

Afin de s’assurer du respect de cette disposition, la mission a analysé les paiements, faits par chèques, à travers les relevés bancaires, les registres de banques, et les pièces justificatives effectués par le Secrétaire Agent Comptable. Elle s’est également entretenue avec lui. À l’issue de ces travaux, la mission a constaté que le Secrétaire Agent Comptable a émis des chèques qui ont été payés en faveur de certains membres du personnel de l’Ambassade sans les pièces justificatives. En effet, le Secrétaire Agent Comptable n’a pas fourni les pièces justificatives y afférentes. Leur montant total s’élève à 225 344 521 Fcfa.

Le Secrétaire Agent Comptable a payé les frais scolaires sans toutes les pièces justificatives requises

L’article 16 du Décret n°96-044/P-RM du 08 février 1996, modifié fixant les avantages accordés au personnel diplomatique et consulaire de la République du Mali stipule : «les frais de scolarité pour des études, du niveau préscolaire au baccalauréat sont accordés aux enfants du personnel diplomatique et consulaire. À cet effet, il sera constitué un dossier comprenant : un acte de naissance ; un certificat d’adoption, le cas échéant ; un certificat de fréquentation scolaire ; un relevé des frais d’études pour une année scolaire délivré par l’établissement».
Pour s’assurer que les frais scolaires payés sont justifiés, la mission a examiné les pièces justificatives des paiements effectués. La mission a constaté les paiements de frais scolaires pour les années scolaires 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018 d’un montant total de 64 530 000 Fcfa sur la base de simples factures délivrées par les établissements.

En effet, elle a relevé l’absence de certificats de fréquentation, d’actes de naissance, de certificats d’adoption, de relevés de frais d’études pour une année scolaire délivré par les établissements scolaires. Elle a également constaté que les dossiers du personnel ne sont pas disponibles et ne sont pas mis à jour.

À suivre

Mohamed Ag Aliou avec le BVG

Source : Nouvelle Libération

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