Après les forces françaises et européennes, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) dans le viseur des autorités maliennes, qui multiplient des actes hostiles à son égard. Car sur le terrain diplomatique, la situation ne cesse de se tendre après que Bamako a demandé hier le retrait des forces onusiennes sans délai. Les Casques bleus vont lever… le camp, après 10 ans de missions sur le territoire malien, plongé depuis 2012 dans une crise sécuritaire profonde.
Par B. SAKHO – Après 10 ans de présence, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) va faire ses bagages. Après Barkhane et la force européenne, le gouvernement malien a demandé, officiellement, pour la première fois, le départ de la Minusma. «Nous n’avons d’autre choix que de parvenir aux conclusions objectives du bilan des dix années de présence de la Minusma, qui n’a pu apporter les réponses adéquates à la situation sécuritaire au Mali et dont les perspectives de maintien ne répondent pas aux impératifs de sécurité des Maliennes et des Maliens», a lancé hier le chef de la diplomatie malienne au Conseil de sécurité des Nations unies, à New-York, lors de la réunion consacrée à l’examen du dernier rapport trimestriel du Secrétaire général sur la situation au Mali. Pour lui, la Minusma est un échec. «Depuis l’intervention militaire en Libye en 2011, les populations maliennes et celles de la Région du Sahel vivent un véritable drame. Nos pays et leurs populations attendent encore une réponse internationale à la hauteur de cette menace créée et de ses conséquences humanitaires préoccupantes pour la région», a-t-il ajouté.
Pour Abdoulaye Diop, la situation sécuritaire s’est progressivement dégradée dans le pays. «Pour le gouvernement, le constat est que la Minusma n’a pas atteint son objectif fondamental», enchaîne M. Diop. Selon lui, les options proposées par le Secrétaire général dans son rapport sur l’examen interne de la Mission, «ne répondent pas aux préoccupations et attentes maintes fois exprimées par le gouvernement et les populations du Mali». Il poursuit : «Ni les propositions du Secrétaire général, encore moins le projet de résolution en cours de négociation par les membres de ce Conseil n’apportent de réponse appropriée aux attentes des Maliens.»
La réunion d’hier a montré une nouvelle fois les divisions au sein du Conseil de sécurité sur la façon de faire évoluer la Minusma, créée en 2013 pour aider à stabiliser un Etat menacé d’effondrement sous la poussée djihadiste, protéger les civils, contribuer à l’effort de paix, défendre les droits humains… «Le réalisme impose le constat de l’échec de la Minusma dont le mandat ne répond pas au défi sécuritaire», poursuit-il. Comme toujours, Abdoulaye Diop, dans un discours très populiste, assure que la Minusma «semble devenir une partie du problème en alimentant les tensions intercommunautaires exacerbées par des allégations d’une extrême gravité et qui sont fortement préjudiciables à la paix, à la réconciliation et à la cohésion nationale». «Cette situation engendre un sentiment de méfiance des populations maliennes à l’égard de la Minusma et une crise de confiance entre les autorités maliennes et la Mission», poursuit-il. Et la demande est sans équivoque : le retrait sans délai des soldats de la Mission.
Qui serait surpris par cette exigence ? Après des mois de louvoiement, la junte au pouvoir à Bamako avait accepté de proroger d’un an le mandat de la Minusma en juin dernier. Cette prorogation avait été actée à la suite de longs conciliabules et aussi de compromissions, alors que les «colonels maliens» avaient bloqué les rotations des différents contingents onusiens. Et le Sénégal en avait été victime. Pour Dakar, qui y a plus d’un millier d’hommes (militaires et policiers confondus), il va falloir prévoir de renforcer sa politique sécuritaire actuelle qui consiste à mailler les zones transfrontalières de camps et brigades de gendarmerie. La présence des soldats au Mali permettait aussi de garder un œil sur l’ennemi qui rêve toujours d’étendre son empire maléfique. Et tout change…
Pour le Mali, le basculement géostratégique se poursuit, alimenté surtout par la montée des nationalistes qui voient d’un mauvais œil la présence de militaires étrangers sur leur territoire. Ce sentiment est entretenu par la junte, qui s’est éloignée des partenaires dits traditionnels maliens. En 2022, avec un propos revendicateur, les autorités de la Transition malienne annonçaient leur retrait des «organes du G5 Sahel, y compris la Force conjointe». Cette décision, qui frappe la Minusma, montre la volonté clairement affichée de la junte de confier exclusivement les clés de son écosystème sécuritaire aux paramilitaires de Wagner. Son déploiement au Mali a stupéfait la Communauté internationale qui les accuse ainsi que les Fama, d’avoir commis des exactions sur des civils maliens.
Il faut savoir que la Minusma, composée de 60 pays contributeurs, est l’opération la plus périlleuse pour les soldats de la paix. Depuis son installation en 2013, près de 400 Casques bleus y ont perdu la vie au service de la paix.
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