Lancé en début de ce mois de mai chez Cauris Livres et officiellement lancé le dimanche 13 mai dernier, le livre intitulé “Modibo Kéïta, Portrait Inédit du Président ” est le troisième du journaliste-écrivain Malien Daouda Tékété. Cet ouvrage de 284 pages illustré d’impressionnantes photos de Modibo Kéïta retrace la vie du père de l’Independence du Mali. Un livre à travers lequel M. Tékété nous livre les aspects les plus méconnus de la vie du Président, ainsi que sa vision politique, sociale, culturelle… Afin d’en savoir plus sur cet ouvrage, nous sommes allés à la rencontre de son auteur.
Aujourd’hui-Mali : Parlez-nous de votre ouvrage qui vient de paraître ?
Daouda Tékété : Ce livre “Modibo Kéïta, Portait Inédit du Président” est mon troisième livre. Avant celui-ci, j’ai publié deux autres livres essentiellement sur l’éducation. Le premier intitulé “Ecole et Education citoyenne en Afrique” et le deuxième est sur les “Systèmes éducatifs en Afrique, Forces et Faiblesses”. Ce troisième livre “Modibo Kéïta, Portait Inédit du Président” a été publié ce 9 mai 2018. Il est structuré en 7 chapitres, 23 sous-chapitres. Il est illustré par 77 photos qui en disent beaucoup sur Modibo, pas seulement président la République, mais depuis son enfance dans sa famille. Qui étaient les grands parents de Modibo, ses parents, ses frères et sœurs. Quelles influences ont-ils eu sur lui ? Comment la famille était-elle organisée ? Tout cela a contribué à façonner le fondement de Modibo, un homme qui a toujours eu une aversion profonde pour l’injustice depuis son enfance. Son parcours scolaire et estudiantin et son parcours d’homme politique, la création du RDA, son combat qu’il a mené contre le colonialisme, le coup d’Etat, sa détention jusqu’à sa mort. Dans ce livre je relate tel que j’ai pu avoir les informations sur lui. Il y a également dans le livre des lettres dans lesquelles il faisait part de ses sentiments au peuple malien quand il était encore en détention à Kidal. Ce qui en disait beaucoup sur la conviction et la foi de l’homme en le Mali et en l’Afrique.
Pourquoi le titre ” Modibo Kéïta, Portrait Inédit du Président” ?
Portrait Inédit du Président ? Comme je l’ai dit, depuis 30 ans je réunissais des informations pour pouvoir mieux comprendre la personnalité de Modibo. Il y a dans ce livre beaucoup d’aspects de sa vie que je n’ai jamais vus dans aucun document officiel. Des lettres qu’il avait écrites à ses parents et qui en disent long sur l’humanisme de l’homme et beaucoup d’autres documents non révélés au grand public. C’est pourquoi, j’ai donné comme nom “Modibo Kéïta, Portrait Inédit du Président” à ce livre.
Est-ce à dire qu’il y a des aspects méconnus du grand public sur Modibo que vous rappelez dans votre livre ? Si oui, lesquels ?
Modibo était quelqu’un de très attaché à sa mère à tel point que lui qui n’a vécu dans aucun village Soninké, a appris à parler la langue de sa mère, le Soninké, essentiellement pour lui prouver à tel point il tenait vraiment à elle. Et aussi son attachement et sa couverture à tous ses parents et à tous ses proches. Il a tout fait pour couvrir ces deniers pour qu’ils ne soient pas victimes d’exactions au cas où son pouvoir rencontrait des problèmes. Il a tout fait pour mettre ses parents en dehors de la gestion du pouvoir politique, même s’ils avaient des compétences, ils contribuaient autrement au lieu d’être au-devant de la scène politique. Etant président de la République, Modibo passait dans les salles de classe pour dispenser des cours. Grace à lui et à son attachement à la culture africaine, le Mali a eu ses premiers avions d’Air-Mali, offerts gratuitement par la Reine d’Angleterre à l’époque. Aussi lors de sa détention, il est resté attachement à son pays et à sa vision. Il a dit qu’il ne s’appartient pas à lui, mais qu’il appartient plutôt à sa famille et à l’Afrique. Il l’a écrit dans ses lettres adressées à sa famille. Des contenus de ces lettres se trouvent dans le livre.
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre ?
Ce livre a toute une histoire. Une histoire qui remonte, je dirais quelque part, à mon enfance. Mes parents étaient des responsables politiques à Yélimané. Mon père le trésorier général du bureau politique local de la section Soudanaise RDA de Yélimané. Ma mère était la présidente de l’organisation des femmes de ladite section et un de mes grands frères était le secrétaire général de l’organisation des jeunes de la section. Moi j’étais à l’époque l’un des membres du mouvement pionnier, donc vous voyez le contexte dans lequel j’ai évolué pendant toute mon enfance. Ce fut sous la première République du Mali, dirigée par le président Modibo Kéïta. A l’époque, j’ai appris beaucoup sur, entre autres, la dignité, le sens de l’honneur, ainsi que le sentiment patriotique. Alors, en 1968, il y a eu le coup d’Etat et j’en ai été franchement offusqué. Je me suis dit, avec tout ce qui est en train de se faire de positif dans le pays, pourquoi en vient-on à renverser un régime qui n’avait en vue que le bonheur des citoyens de ce pays ? Donc, depuis cette époque, je m’interrogeais par rapport à tout cela.
Après mon Diplôme d’études fondamentales (Def), je suis venu au lycée Askia où j’en ai appris encore plus sur ce que faisait ce régime-là. Etudiant, je continuais mes recherches pour savoir ce que Modibo a fait de bon, pourquoi en est-on arrivé à un coup d’Etat. En tant qu’étudiant en Union Soviétique, je n’ai pas arrêté mes recherches et avec toutes ces documentations que j’ai réunies et ce que je savais de l’homme, je me dis que tôt ou tard je vais écrire un livre sur Modibo. Donc l’idée d’écriture ce livre remonte à ma tendre enfance. Et quand je suis rentré d’Europe après mes études, toutes les conditions n’étaient réunies pour que j’écrive un tel livre, surtout que j’étais journaliste à l’Ortm. Il fallait attendre.
Après les évènements de 1991, j’ai commencé à avoir la volonté d’écrire ce livre. C’est ainsi qu’en 2013, quand j’ai quitté le ministère de l’Education où j’étais conseiller pour revenir à l’Ortm, je me suis dit je vais tâter le terrain pour voir si les conditions sont favorables pour le publier. J’ai commencé à produire car chaque lundi, de 2013 jusqu’en 2016, je publiais un billet dans le journal L’Indépendant sur des thèmes fortement inspirés par ce que j’ai appris de la gestion de Modibo Kéïta. A l’époque, c’était Alou Badra Haïdara, (Fondateur du Journal Aujourd’hui-Mali) qui s’occupait de mes billets à L’Indépendant.
C’est à travers ces publications que Seydou Badian a eu connaissance de mes écrits et m’a appelé pour dire que mes écrits correspondaient exactement à la vision de Modibo Keita, avant de me demander si je pouvais en faire un livre. Voici un peu sur les conditions de la publication de ce livre. Mais en réalité, si on remonte un peu au moment précis où l’écriture de ce livre a pris corps dans mon esprit, on peut remonter jusqu’à 30 ans.
Trente ans de recherche pour l’écriture de ce livre, alors dites-nous quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées au cours de ces longues années de recherche ?
Vous savez, on n’arrive à rien sans efforts. Mais je dirais que les difficultés que j’ai rencontrées dans mes recherches me donnaient encore plus de courage en me disant qu’il y a des choses qu’on nous cache sur Modibo Keita et il faut que j’arrive à les avoir et à les publier afin que les gens connaissent la vraie face de Modibo. Les difficultés, j’en ai rencontrées un peu partout au cours de ces recherches durant lesquelles j’ai tellement sillonné des centres de documentations en France. Chose qui n’est pas aisée quand on est un étudiant qui n’a pas tellement de moyens. J’ai été confronté à ce qu’on appelle la rétention d’informations. Il y a des gens qui disposent d’informations, mais qui ne sont pas prêts à les partager. Toutes ces difficultés m’ont toujours donné du courage à percer le mystère qu’on crée autour de ces documents-là.
Que vaut Modibo Aujourd’hui ?
Modibo vaut aujourd’hui, pour son pays, son pesant d’or. Pourquoi ? Il a su par son comportement donner l’exemple de l’intégrité, donner l’exemple qu’une nation ne peut se construire sur le mensonge, qu’aucune nation ne peut se conduire sans abnégation, sans don de soi aux intérêts collectifs. Aujourd’hui, la jeunesse est sans repère, on se fourvoie, on ne sait plus quel repère choisir pour aller de l’avant et aujourd’hui Modibo constitue un repère pour le Mali. Modibo n’avait pas été compris, mais aujourd’hui le temps est en train de nous montrer que sa voie était la mieux indiquée pour éviter ce qui se passe au Mali, aujourd’hui. Modibo avait su créer une conscience et une culture nationales. Comme il l’a toujours dit “La meilleure connaissance est la connaissance de soi-même”. Il faut qu’on revienne à nous-mêmes à travers nos valeurs culturelles et du vivre ensemble. Je pense que Modibo mérite d’être enseigné, ses œuvres méritent d’être enseignées depuis la maternelle jusqu’à l’université. Il n’a vécu que pour le Mali, il n’a vécu que Malien.
Réalisé par Youssouf KONE
Source: Aujourd’hui-Mali