Les accrochages se multiplient et les effets du blocus se font sentir, un couvre-feu a été décrété à Tombouctou. L’objectif est double: protéger la population et neutraliser les terroristes.
La ville vit un moment dangereux et difficile. L’étau se resserre sur la région. Les groupes terroristes, ont intensifié des attaques aux alentours et coupé toutes les voies d’approvisionnement –les routes reliant la Mauritanie, l’Algérie, Douentza et Gao Dans la ville, la pression a monté d’un cran à la suite de l’attaque contre le bateau et l’aéroport. Une double attaque responsable de la mort d’au moins 64 personnes, selon un bilan établi par le gouvernement. Dans la foulée, la compagnie Sky Mali a annoncé suspendre ses vols de et vers Tombouctou et Gao, aggravant l’isolement des grandes villes du Nord.
Le sentiment général sur place est que plus personne n’est à l’abri, même dans le centre-ville ou aux alentours. Lundi, le gouverneur a décrété un couvre-feu d’un mois reconductible, débutant le jour même à 20 heures, jusqu’à 6 heures. L’objectif premier du couvre-feu instauré par le gouverneur est donc de protéger la population civile, d’empêcher les terroristes de nuire. Si certains n’ont pas encore réussi à pénétrer dans la ville et restent bloquées dans la périphérie, les craintes d’une infiltration de la ville sont bien réelles.
Ainsi, avec le couvre-feu, comme aucun habitant ne peut circuler dans les rues, les potentiels terroristes peuvent être plus facilement repérés et interrogés, voire empêchés d’agir. Le couvre-feu ne protège néanmoins pas de la montée vertigineuse des prix. A titre d’illustration, le litre d’essence est cédé à 2.000 F CFA, le carton de pâtes a bondi de 4.500 à 5.500 FCA.
Catastrophe imminente ?
La catastrophe humanitaire que l’on redoute d’être imminente souligne plus que jamais la nécessité de briser ce blocus illégal. Le manque de carburant pourrait avoir des effets désastreux sur les infrastructures déjà dévastées par les années de conflit et entraîner une catastrophe en matière de santé publique. Elle va aussi mettre en péril des milliers de vies, notamment celles des patients hospitalisés pour des pathologies chroniques ou en soins intensifs. Ce siège prive illégalement la population de son droit le plus fondamental et des produits de première nécessité. Plombée par le blocus illégal et des années de conflits armés, l’économie locale pourrait s’effondrer et les conditions humanitaires se détériorer sérieusement. Le renchérissement des marchandises risque de transformer une situation déjà difficile en catastrophe humanitaire. Ce blocus prive plus des millions d’habitants de quasiment tout accès au monde extérieur et de nombreuses familles vont sombrer dans une extrême pauvreté. Aujourd’hui, une frange importante de la population survit grâce à l’aide humanitaire. Plus de coupures de courant avaient des conséquences sur tous les aspects de leur vie quotidienne. Beaucoup d’habitants faute d’eau courante seront obligés d’acheter au prix fort de l’eau en bouteille pour la cuisine, ou se contenter d’eau non potable. Ils ne pourraient pas non plus à terme accéder aux produits pharmaceutiques, ce qui est particulièrement problématique pour la prise en charge des personnes malades. Tout est sur le point de régresser. Rien de prévisible n’avance sauf le temps. La pauvreté, l’électricité, la sécurité – tout va se dégrader si les mesures idoines ne sont pas prises pour briser ce blocus injustement imposé aux habitants des régions de Gao et de Tombouctou.
Porosité entre CMA et groupes terroristes
« Les difficultés liées à un conflit asymétrique avec un relief particulièrement hostile dû à l’immensité du désert, la présence de montagnes de pierres et de forêts, la faible couverture du territoire par l’Etat et ses services et la pauvreté affectant davantage les zones rurales facilitent l’existence de sanctuaires pour les groupes armés terroristes qui connaissent bien le terrain et y évoluent … A la présence des groupes armés terroristes, s’ajoutent … aussi les acteurs de la criminalité transnationale qui s’adonnent à toutes sortes de trafics : armes, êtres humains, organes, drogues, cigarettes, etc. Ce qui fait de cet espace géopolitique l’épicentre de toutes les violences armées de la sous-région et qui explique la dégradation continue de la situation sécuritaire » a signale un rapport de la Fondation Friedrich Ebert.
Sur le terrain, tout concourt à prouver une connexion entre les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) et les groupes terroristes. On se rappelle de l’instance de la Plateforme faite au premier de fournir « des informations précises avec des détails supplémentaires sur les personnes accusées de travailler avec les groupes djihadistes ». Le général Christian Allavène, commandant au Mali de la force Barkhane a enfoncé le clou en soutenant que « des groupes armés du nord du Mali, pourtant signataires de l’accord pour la paix, ont un pied dans le processus de paix et un autre dans les groupes terroristes » en précisant que les différentes opérations menées au Nord du Mali, démontrent « la collusion entre certains groupes signataires de l’accord pour la paix et des groupes armés terroristes. Nous avons aujourd’hui des preuves matérielles qui démontrent cette collusion, une certaine porosité » en faisant allusion à « des écoutes téléphoniques et le comportement de ces groupes armés sur le terrain ».
Dans ce cas est-il de bon ton de parler d’ex-rebelles de la CMA ? Le bon sens commande plutôt de les mettre dans le même panier que les groupes terroristes.
Fanfan
Source : L’Informateur