Faut-il que les camions poids lourds ne circulent qu’à certaines heures de la nuit, au moment où les voies principales et secondaires de nos cités sont les moins empruntées ? Certains, au vu du nombre tragiquement élevé d’accidents causés par ces gros porteurs, y sont favorables. D’autres, au nom de l’intérêt économique et du risque sur l’emploi informel, y sont opposés. Un débat où l’équilibre est bien délicat à trouver pour concilier les deux positions.
Tous les accidents de la route dans lesquels les camions gros porteurs sont impliqués, sont, dans la quasi-totalité des cas, des situations dont le dénouement est forcément tragique. Soit c’est un motocycliste sur Jakarta qui se fait écraser, soit c’est un conducteur de tricycle “katakatani” qui se fait réduire en morceaux sanglants collés au goudron, soit c’est une voiture qui est broyée sous l’effet fulgurant d’un poids-lourd incapable de freiner. Les exemples, aussi terribles les uns que les autres, n’en finissent pas. Peut-être même qu’au moment où cet article est en train d’être parcouru par les lecteurs, un camion-remorque ou un camion porte-char voire un camion-citerne est aussi en train de causer un drame de la route quelque part à Bamako. Qui sait, avec ces terrifiants engins roulants, d’où peut venir la catastrophe ?!!!
Un pneu qui explose, un frein qui lâche faute d’irrégularité répétée dans la visite technique, ou le camionneur lui-même qui perd le contrôle du volant et négocie mal un virage etc., etc. Et toutes les routes intra-urbaines sont concernées. L’axe Moribabougou-Tienfala, surtout, le cœur de Bamako, aussi, la fameuse voie de Kabala jusqu’aux portes du complexe universitaire (chaussée de tous les dangers), Kalaban, Golobougou … la liste est loin d’être exhaustive !
Il fut un moment où chaque semaine, ces poids lourds étaient à la base des malheurs d’un ou de plusieurs personnes, dont des étudiants se rendant à la Cité universitaire… jeunesse fauchée avant même d’atteindre le seuil de l’âge majeur. Avec ces gros porteurs, le danger est quotidien, omniprésent, dévastateur.
Se pose alors une question. Faut-il interdire la circulation de ces gros porteurs en ville pendant la journée et ne les autoriser à rouler qu’à des heures avancées de la nuit ? Certains Bamakois l’évoquent et souhaitent qu’un arrêté ministériel aille dans ce sens. Une mesure similaire avait été expérimentée dans notre pays par le passé. Une expérience que des citoyens, choqués d’être témoins réguliers des destructions humaines causées par ces machines imposantes, appellent de leurs vœux.
Mais tout le monde n’est pas du même avis. Pour les fervents défenseurs du dynamisme économique, restreindre l’espace ou le temps pour les poids lourds, c’est faire tourner au ralenti (et donc pour le pire) la rentabilité d’un secteur qui emploie directement et indirectement des milliers d’emplois : chauffeurs de poids lourds et leurs « apprentis », tous les métiers du bâtiment, les mécaniciens etc. Et ces partisans du “zéro frein à l’économie” pointent surtout le gros risque que toute mesure restrictive ferait courir à l’économie nationale. Le débat est difficile à trancher car il implique de trouver le meilleur équilibre entre la nécessaire force économique et l’indispensable préservation des vies sur la route. Mais il est important que la réflexion soit plus accentuée et plus élargie sur le sujet. Il y a absolument urgence puisque les poids lourds, atout parmi d’autres de la vigueur économique, ne cessent d’être aussi la terreur de nos routes.
Aminata Tera et M. M. TEMBELY
Source: Journal Les Échos- Mali