Tous les conflits, toutes les guerres se terminent par une table Ronde au tour de laquelle les belligérants s’entendent sur les conditions d’un cesser le feu ou d’une réédition. Cette entente n’est plus ni moins le résultat d’une négociation préalable ou concomitante.
La guerre, asymétrique, fait rage au Mali depuis une décennie. Face à l’impuissance avérée des armées nationales et de l’inefficacité de la coalition internationale, la question d’une solution alternative aux armes se pose. En effet depuis un certain temps, les maliens se demandent si, entre maliens, on ne pouvait pas s’entendre au lieu de s’entretuer. Ainsi, par la dialectique on pourrait parvenir à dépasser ce qui nous oppose pour envisager le vivre ensemble dans la paix et la cohésion. Le pays y gagnerait et profiterait de ses richesses naturelles.
La rumeur d’une négociation entamée circulait sur les réseaux sociaux. Certains maliens se réjouissaient de la perspective de l’arrêt des tueries. Mais aussitôt mis au courant, le gouvernement malien a fait un communiqué qui dément toute négociation diligentée en son nom. Ce communiqué ambigu soulève des interrogations. Il est ambigu parce que si les autorités n’admettent pas avoir envoyé des émissaires, elles remercient « les personnes de bonne volonté » qui ont entrepris des négociations. En décortiquant, on comprend que le gouvernement nie officiellement avoir initié la négociation mais officieusement, il pourrait bien être à l’origine de l’intervention de ces personnes dites de « bonne volonté ». On se demande alors pourquoi ne pas assumer le choix opéré si l’on est convaincu que la solution réside dans la négociation ? En tout cas pour l’heure sa position demeure ambiguë.
Par ailleurs, on sait que la France était opposée à toute idée de dialoguer avec les terroristes. Mais à ce jour, la version officielle de la position des autorités maliennes demeure inconnue. Cela se comprend car cette guerre implique de nombreuses parties et des intérêts contradictoires. Les djihadistes se battent pour instaurer la « charia ». Les séparatistes du Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA) ambitionnent l’idée d’une indépendance de leurs localités. Et le pouvoir central malien lutte contre tous pour sauvegarder l’intégralité de son territoire national, la forme républicaine et la laïcité du pays. À côté, la France soupçonnée et accusée, à tort ou à raison, de chercher à envenimer le conflit pour sauvegarder ses intérêts, se défend tant bien que mal. Dans ces circonstances, avec tant d’intérêts contradictoires, que peut-on ou que doit-on négocier ? Avec qui peut on ou doit on négocier ?
Une chose est sûre, ni la forme républicaine, ni la laïcité ne peuvent être remises en cause. La raison est simple, et les autorités ne peuvent perdre de vue cette réalité, le peuple malien vit en harmonie en dépit de la multitude de croyances (islam, christianisme, animisme…). Cette tolérance mutuelle fait la force d’un peuple meurtri par la colonisation et le néocolonialisme.
A l’évidence, si négociation il peut y avoir, ce serait certainement à propos d’une possible autonomie renforcée susceptible d’être accordée aux séparatistes. Mais cela ayant déjà été reconnu dans l’accord d’Alger, que peut-on négocier de plus à part une indépendance totale de la zone appelée «Azawad” ? Or, le pouvoir central malien s’est toujours refusé de céder une portion de ce territoire.
Si les maliens peuvent et doivent se parler, c’est pour se réconcilier autour d’un territoire indivis et des valeurs de la laïcité et de la démocratie inclusive. Toutes atteintes à ces trois axes reviendraient à reconnaître la partition du pays. Nous savons que l’idée de négocier révèle une impuissance et l’échec de toutes les forces engagées contre un groupuscule de quelques centaines d’hommes. Mais elle peut être admise si c’est uniquement pour que les maliens s’acceptent en tant que peuples frères attachés aux valeurs proclamées dans la Constitution de 1992.
La communauté internationale, fermement opposée au dialogue, pourrait-elle se résoudre à voir le sahel tomber aux mains des bandes armées ? Elle n’y a pas intérêt car une lutte efficace contre le terrorisme doit tendre vers l’éradication du phénomène et non à la création d’une zone franche qui pourrait servir de base de formation et de préparation d’attentats. Le Mali n’est qu’une cible de seconde zone. Ce se serait en effet une erreur de fournir une base arrière aux terroristes. Les uns et les autres le savent, ils doivent conjuguer les efforts pour élaborer une stratégie gagnante à court terme parce que les maliens souffrent.
Vive la république !
Vive le Mali !
Dr DOUGOUNÉ Moussa
Professeur d’enseignement Supérieur
Consultant Formateur auprès des entreprises et des banques
Source: Le Pélican