Le 4 février dernier, la Division des droits de l’homme et de la protection (DDHP) de la MINUSMA a lancé son projet intitulé « Approche intégrée pour lutter contre l’impunité et pour un accès amélioré à la justice dans le Centre du Mali ». Il doit contribuer à apporter une réponse intégrée notamment à l’impunité des violations et abus des droits de l’homme dans les régions de Mopti, Bandiagara, Ségou et San. Prévu pour une durée de trente mois, ce projet est financé par le Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies à hauteur de 4 millions de dollars américains, soit près de 2,16 milliards de francs CFA.
Organisé au Centre Jean-Bosco de Sévaré, l’atelier de lancement a réuni environ une trentaine de personnes parmi les acteurs de la chaîne pénale, des autorités communales de Mopti, ainsi que des représentants de la société civile. La DDHP, représentant le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme (HCDH) au Mali, assurera la coordination de ce projet multi-acteurs qui sera conjointement mis en œuvre avec le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), l’ONU-Femmes, l’Institut Malien de Recherche Action pour la Paix (IMRAP) et l’ONG Interpeace.
Une meilleure gouvernance du secteur de la justice
Ce projet qui promeut une « Approche intégrée pour lutter contre l’impunité et pour un accès amélioré à la justice dans le Centre du Mali » est le fruit d’une synergie d’actions entre la MINUSMA, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme et le Ministère malien de la Justice et des Droits de l’Homme ainsi que les autres partenaires précédemment mentionnés. S’inscrivant dans le cadre de l’appui du HCDH et de la Mission onusienne aux autorités maliennes, il vise à faciliter l’accès à une justice équitable et de qualité, aux populations des cercles de Mopti et Djenné dans la région de Mopti, ainsi que celles des cercles de Ségou et Niono dans la région de Ségou. Il s’étend aussi à deux autres régions du Centre, nouvellement instituées, à savoir Bandiagara et San.
Prenant la parole au nom du Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des sceaux, le Procureur Général près la Cour d’appel de Mopti a succinctement décrit le panorama de l’insécurité au centre et au nord du Mali. Dans ces régions, des groupes armés terroristes continuent de commettre des violences dont découlent des atteintes aux droits de l’homme. Adama FOMBA a fait remarquer que l’insécurité a entrainé la délocalisation de certaines juridictions du Centre, comme celles des cercles de Ténenkou et Youwarou dont les juges de paix ont été obligés de s’installer dans des capitales régionales. Cette situation affecte aussi le tribunal d’instance de Bandiagara qui ne fonctionne plus depuis novembre 2019. Selon le magistrat, ce projet porteur d’espoir pour un meilleur accès à la justice revêt une importance capitale pour les régions du Centre qui en tireront de grands avantages, une fois les objectifs atteints.
Le projet bénéficiera directement à plus de 5,815 personnes dont 30% sont des femmes, victimes d’abus, de violations des droits de l’homme, d’exactions et, très souvent, en difficulté d’accès à la justice. Il s’agit des populations des cercles et régions ciblées, des forces de sécurité, des institutions judiciaires et traditionnelles, des commissions foncières et des comités consultatifs de sécurité, de la Commission nationale des droits de l’homme, ainsi que des organisations de la société civile y compris les jeunes. Indirectement, le projet a en ligne de mire plus de trois millions de personnes qui pourront être notamment touchées à travers les émissions radiophoniques d’information sur les droits relatifs à l’accès à la justice, ainsi qu’à travers un sondage participatif.
Un projet dont les dividendes se rapportent à la paix
Pour le maire-délégué de la commune de Mopti, Albachar MAIGA, « Le lancement de ce projet est un évènement très important car la lutte contre l’impunité et l’accès à la justice constituent aujourd’hui des préoccupations majeures ». Ce dernier, se réjouissant de l’envergure de ce projet « qui va sans nul doute largement contribuer à la paix », a affirmé l’engagement et la disponibilité de l’administration communale à accompagner sa mise en œuvre.
Au cœur des débats, les thématiques et les trois principaux résultats attendus de ce projet d’accès à la justice. Pour le premier piloté par l’IMRAP et Interpeace, il parachèvera la connaissance des causes de l’impunité et les perceptions des acteurs dans les régions de Ségou et Mopti, et de la mise en place d’un cadre de recherche de solutions répondant à la demande sociale de justice à travers un dialogue multi-acteurs. Le deuxième, sous la direction du PNUD, doit révéler l’efficacité des acteurs de la justice formelle et informelle, et la restauration de la confiance des populations pour mieux lutter contre l’impunité. Enfin, le troisième mené par le HCDH doit aboutir à la facilitation des populations du Centre du Mali à accéder à la justice et à l’assurance de la protection des victimes en saisissant les acteurs de la lutte contre l’impunité. Pour sa part, ONU Femmes, l’entité des Nations Unies chargée des questions d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes, aura un rôle transversal à jouer dans l’atteinte des résultats fixés.
Un appel à l’engagement de tous les acteurs pour combattre l’impunité
Cet atelier de lancement a donc été l’occasion pour les participants d’échanger, entre autres, sur les défis liés à la mise en œuvre du projet dans les zones où les autorités judiciaires sont absentes en raison de l’insécurité. Ces réflexions ont planté le décor pour approfondir la discussion sur la problématique de la sécurité et la non-protection des acteurs judiciaires et des juridictions dans les zones concernées. Un autre point crucial soulevé est celui des atteintes à la liberté de circulation et au droit à l’éducation des populations.
En guise de réponses, les acteurs présents ont formulé quelques recommandations parmi lesquelles, la nécessité de susciter l’appropriation et l’acceptation du projet par tous les acteurs, au regard de la présence et de l’influence de certains groupes armés dans les localités concernées. Ils ont aussi signalé le besoin d’impliquer les partenaires locaux et les organisations humanitaires. Une autre recommandation clé est celle portant sur l’initiation d’actions de plaidoyer auprès du pouvoir exécutif, pour la dotation des structures judiciaires en moyens idoines pour leur fonctionnement et leur participation effective à la mise en œuvre du projet.
Appelant toutes les parties concernées à s’engager pleinement pour la réussite de ce projet, Bakhta Selma MANSOURI, dans son allocution prononcée au nom du représentant du HCDH au Mali, Guillaume NGEFA également Directeur de la DDHP de la MINUSMA, a souligné qu’il n’y a aucune opportunité de paix sans justice. Dans cette équation, la justice demeure une fonction essentielle au retour de la paix, de la réconciliation et de la stabilité. Toutefois, « l’issue dépendra de la volonté et de la fermeté des acteurs de la justice, de la mise en confiance des justiciables et surtout, de la mobilisation des moyens exceptionnels pour la régulation de mécanismes traditionnels alternatifs, le redéploiement de l’autorité de l’Etat et la sécurisation de l’institution judiciaire », a-t-elle martelé.
Bureau de la Communication Stratégique et de l’information publique de la MINUSMA